Face à la presse, le 24 janvier dernier, Jérôme Gavaudan a débuté ses vœux en rappelant que les avocats et les journalistes sont deux professions qui partagent des valeurs essentielles que sont l’état de droit, le secret, la liberté d’expression, l’indépendance ainsi que le contradictoire et le pluralisme. « Il est bon, en cette période de vœux, de rappeler que ces principes ne sont jamais acquis », a d’emblée tenu à souligner le président du Conseil national des barreaux (CNB).
Garantir l’indépendance, mise à mal, des avocats
Celui-ci a d’ailleurs relevé que depuis quelques mois, « l’indépendance des avocats est en procès », faisant référence au jugement en cours de deux avocats à Paris, suspectés d’avoir produit de faux documents dans le cadre du procès d’un narcotrafiquant. Or, pour Jérôme Gavaudan, « les avocats ne sont pas les supplétifs des magistrats » et ne sont pas plus « comptables du contrôle de la conformité » des pièces que leurs clients leur remettent et qu’ils versent ensuite au dossier. « C’est au juge de faire le tri dans les pièces. L’avocat ne reconnait aucune autre autorité que l’intérêt de son client », a-t-il insisté. Et si les avocats sont auxiliaires de justice, « c’est pour exercer pleinement leurs fonctions de défenseurs dans l’institution judiciaire, pas pour les soumettre à la hiérarchie ou à l’autorité du juge », a-t-il ajouté.
Pour le président du CNB, remettre en cause la responsabilité de l'avocat au titre de sa défense, c'est mettre à mal les principes essentiels de la profession d'avocat et surtout, les droits de la défense.
Poursuite des Etats généraux de la Justice
2023 sera également aussi une année charnière s’agissant notamment de la poursuite des Etats généraux de la Justice initiée par le Président de la République à Poitiers le 18 octobre 2021, et conformément aux récentes annonces du garde des Sceaux, « qui tiennent compte des nécessités d'une justice moderne, de l'efficacité de l'enquête, du fait qu'en France tout citoyen a le droit d'avoir un défenseur, une justice à portée de main et à portée de bourse », a souligné Jérôme Gavaudan.
Ce dernier a également félicité l’effort budgétaire annoncé, ainsi que le recrutement de nouveaux magistrats, notamment au sein des avocats, grâce à un système de passerelle simplifié. Ces annonces s’inscrivent dans un esprit d’ouverture de l’institution judiciaire, de prise en compte de ses difficultés, de la place de l’avocat et de la nécessité de recrutement de magistrats.
« Je note ici que l’ENM aura un rôle déterminant à jouer et je salue l’anticipation de sa directrice, Nathalie Roret, en engageant, dès son arrivée, une réforme de l’école qui lui permettra de relever le défi de promotions inédites et historiques », a-t-il souligné, ajoutant que les avocats devront aussi « s’ouvrir un peu plus aux magistrats pour fluidifier les relations, les formations ».
Préserver les libertés publiques et individuelles
Jérôme Gavaudan a également averti que 2023 serait une année charnière pour les libertés publiques et individuelles, et, à ce titre, a assuré que le CNB serait extrêmement vigilant à ce que les projets de loi Asile et immigration n’entrainent pas « un recul des droits et libertés », notamment en restreignant l’accès au juge, en privilégiant le juge unique à la collégialité ou encore en généralisant la visio-audience. « Il va falloir être attentif à tout cela », a-t-il relevé.
Autre sujet d’inquiétude, le projet de loi relatif aux Jeux Olympiques de 2024, qui prévoie plusieurs dérogations et expérimentations afin d’assurer la sécurité des manifestations sportives. « On s'en inquiète à juste titre mais il ne faudrait pas qu'à l'occasion des Jeux Olympiques, on mette en place des mesures attentatoires aux libertés, telles que le recours à la reconnaissance faciale ou à la surveillance par les drones », a averti le président du CNB. « Les Jeux Olympiques ne doivent pas être le laboratoire d’expérimentations dangereuses (…). On se méfie des expérimentations », a-t-il ajouté.
Le Guichet unique, la grande interrogation du début d’année
Le Guichet unique des entreprises ne fonctionnant toujours pas depuis son lancement le 1er janvier dernier, il est source de nombreuses préoccupations. Jérôme Gavaudan a d’ailleurs fait part à la ministre déléguée en charge des Petites et moyennes entreprises Olivia Grégoire « du risque que font peser les incertitudes liées aux dysfonctionnements du Guichet unique sur la vie économique des entreprises et sur la responsabilité des utilisateurs professionnels, dont les avocats ». Si la ministre lui a assuré que la plateforme devrait fonctionner au mois de mars, « les statistiques sont catastrophiques ».
Pour essayer de faire avancer les choses, le CNB s’est engagé à faire remonter à l’INPI, en temps réel, toutes les anomalies de fonctionnement constatées par les avocats. « Nous restons mobilisés », a assuré Jérôme Gavaudan.