2015, l’année de la grande unité et de la reconstruction
Pour Pierre-Olivier Sur, cette nouvelle année sera marquée au sceau de l’unité et de l’action politique. « Nous voulions évidemment présenter nos vœux à la presse dans cette période extraordinairement difficile qui met plus que jamais le Palais de justice, avec à l’intérieur le 36 quai des Orfèvres, au cœur de tout. Cela dit, cette période a au moins une vertu qui est celle de nous rassembler tous.
Rassembler, côté avocats Paris/Province et faire que tout ce qu’on a pu lire dans Le Figaro le 30 décembre dernier relève de la petite histoire. Les avocats sont tous ensemble.
Rassembler les avocats aussi avec les magistrats. Aujourd’hui, l’unité est totale. Oublions les 36 perquisitions qui ont eu lieu dans les cabinets en 2014 et qui n’ont rien donné de probant. »
Encore ému par les récents attentats, le bâtonnier évoque l’ambiance tendue. « Je vous assure que la semaine dernière, quand on descendait ou montait l’escalier A du 36 quai des Orfèvres cela relevait d’images qu’on oubliera jamais. Je ne connais pas un avocat qui, au moment du contrôle en bas, avec beaucoup de respect et de révérence, ne saluait les autorités avec leurs gilets pare-balles lourds. »
Il aborde ensuite la minute de silence « extraordinaire » au Palais de justice, où 5 000 avocats en robe ont communié en silence dans la salle des pas perdus « tandis qu’on entendait le glas de Notre-Dame ».
« Maintenant, il faut reconstruire. Cette reconstruction va évidemment passer par le droit et à travers nous. Peut-être que l’on va enfin nous écouter un peu plus. » Pierre-Olivier Sur, pénaliste, dénonce l’inaction des Pouvoirs publics face aux nombreuses alertes de ses confrères.
« Cela fait dix ans que je dis que dans les prisons nous voyons tous des clients normaux qui sortent des assises ou du Tribunal correctionnel, et qui se radicalisent, deviennent des fondamentalistes, extraordinairement dangereux, qui se mettent à tenir un discours absolument inacceptable. Ça fait dix ans qu’on le dit, nous les pénalistes qui passons nos samedis matin à Fleury-Mérogis ! Ça fait dix ans qu’on dit qu’il faut mettre des imams dans les prisons ! »
Le barreau de Paris souhaite participer au travail de reconstruction, et prend son rôle de facteur d’intégration très à cœur comme le souligne Laurent Martinet. « Les événements récents mettent en exergue une dimension très importante de notre barreau : la dimension intégration – accès au droit. Le rejet de l’exclusion est extrêmement important pour nous. Nous avons une dimension sociale fondamentale qui préside à notre action, notamment ce que l’on fait dans le cadre de l’accès au droit avec la mairie de Paris : consultations gratuites, bus Paris Solidarité. Il est indispensable de lutter contre l’exclusion qui est facteur de déviance et de radicalisation. »
« Le barreau de Paris est la vigie des libertés publiques »
Les bâtonniers et le Conseil de l’Ordre ont imposé le silence aux avocats parisiens pour qu’ils se recueillent ensemble. « Jamais, le barreau n’a été aussi respectueux et silencieux. Ce silence nous avons dû l’imposer aussi à nos confrères avocats. Ceux qui commençaient à parler au nom des terroristes qu’ils avaient un jour défendus. » Pierre-Olivier Sur avoue les avoir appelés, les uns après les autres, pour leur interdire de continuer à parler. « J’ai reçu la conférence du stage, qui était susceptible d’intervenir en garde à vue ou en première comparution devant le JLD dans l’urgence d’une interpellation qui aurait pu arriver. Comment défendre un terroriste ? Cette question que tous les étudiants en droit se posent depuis toujours, on l’a vécu en direct. J’ai eu les douze secrétaires face à moi, blêmes d’angoisse. Je leur ai dit, vous n’êtes pas choisis par un terroriste, vous être commis par votre bâtonnier. Cette commission d’office participe, elle aussi, comme la grande liberté de la presse, à l’équilibre de notre démocratie. »
Inquiet des conséquences politiques qu’engendreront l’attentat de Charlie Hebdo et les prises d’otages qui ont suivi, le barreau de Paris reste vigilant et compte bien défendre les libertés publiques des Français. « On a le très mauvais souvenir de la loi Sécurité et Liberté d'Alain Peyrefitte. Renversons la dialectique, et disons qu’aujourd’hui on va faire une loi Liberté-Sécurité ! » C’est à l’occasion de la nouvelle loi sur les écoutes téléphoniques que le gouvernement montrera qu’il assure la sécurité, mais surtout la liberté de chacun.