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Jean-Michel Fauvergue : Une loi sur la securite globale pour mieux proteger

Jean-Michel Fauvergue, député de la 8e circonscription de Seine-et-Marne, est l'un des rapporteurs de la loi relative à la sécurité globale qui vient d'être votée en première lecture, à l'Assemblée nationale. Ce texte, partiellement controversé, a notamment vocation à « mieux protéger ceux qui nous protègent ». Jean-Michel Fauvergue en détaille les points importants.
Jean-Michel Fauvergue : Une loi sur la securite globale pour mieux proteger

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Quels sont les points importants et les grandes avancées de cette proposition de loi relative à la sécurité globale ?

Tout d'abord, la proposition de loi est une initiative d'Alice Thourot, députée de la Drôme, et de moi-même. Le texte est directement issu d'un rapport que nous avons remis il y a deux ans à Édouard Philippe. Ce rapport, qui a demandé six mois d'élaboration, est issu d'une mission que nous avait confiée le Premier ministre, sur ce qu'on appelait à l'époque le « continuum de sécurité », c'est-à-dire comment mieux faire travailler la Police nationale et la Gendarmerie nationale – les pouvoirs régaliens –, avec les polices municipales et les forces privées de sécurité.

La proposition de loi discutée actuellement est donc directement issue de ce rapport. Elle a été enrichie par les débats d'actualité autour des problèmes concernant les forces de l'ordre. D'autres items ont été ajoutés. Tout d'abord, comment mieux exploiter les images, qu'elles soient aéroportées ou terrestres, pour les insérer dans le travail de sécurité. Le deuxième item important, est comment mieux protéger ceux qui nous protègent.

Nous sommes sur une structure de sécurité globale qui sera, dans un avenir proche, assurée par l'ensemble des forces de sécurité, qu'elles soient régaliennes, municipales ou privées, avec tous les moyens qu'elles ont à leur disposition. Ces moyens seront réglementés pour les contrôler clairement en termes de liberté, notamment individuelle. Il s'agira des drones, des images aéroportées, des images piétonnes, des caméras embarquées, etc.

Beaucoup de points concernent aussi la police municipale et la création d'une police municipale à Paris. Vous avez été commissaire de police, vous connaissez donc parfaitement les problématiques. C'est, selon vous, une grande avancée pour la capitale ?

Oui, évidemment. On a profité de cette proposition de loi pour répondre aux desiderata que tous les candidats à la Mairie de Paris avaient exprimés, à quelques rares exceptions près. Tous les candidats étaient d'accord pour dire que Paris doit avoir une police municipale. Cela fait plusieurs siècles qu'elle n'existait plus. Il a donc fallu la réintroduire, en l'insérant dans ce texte de loi. C'est un véritable progrès. Paris est la seule capitale importante qui n'a pas une police municipale. La maire actuelle table, à terme, sur 5 000 policiers municipaux. Il fallait donc un texte pour autoriser la création de cette police dans la capitale.

C'est une police “non armée”. Cela est-il du ressort de la loi ?

Dans notre rapport, nous avions fait un peu moins de 80 propositions. L'une d'entre elles était d'armer d'office toutes les polices municipales en France. Sauf si le maire s'y oppose. Cette proposition n'a pas été retenue, c'est exactement le contraire — la police municipale sera armée si le maire le souhaite, après un contrôle préfectoral. Nous voulions l'inverse, en les armant a priori et le maire pouvait s'y opposer. Cela donnait un caractère plus automatique. Nous l'avions faite, tout simplement, parce que nous nous sommes aperçus que les policiers municipaux étaient des cibles potentielles. On l'a vu dans les attentats terroristes de 2015, avec la mort de Clarissa Jean-Philippe, policière municipale de Montrouge qui a été abattue par un terroriste. Ensuite, nous partions du principe que les policiers municipaux pouvaient être les primo intervenants sur des affaires importantes, en particulier de terrorisme. Cela s'est d'ailleurs révélé exact il y a quelques semaines, à Nice. Néanmoins, depuis que nous avons rendu notre rapport, les associations de maires de France sont montées au créneau auprès du ministre de l'Intérieur de l'époque, Christophe Castaner, en disant c'est notre prérogative, laissez-nous le choix d'armer ou non, nos polices municipales.

Or, tout l'esprit de cette proposition de loi que l'on a portée et qui a été votée très récemment à l'Assemblée nationale, c'est justement d'offrir des possibilités aux maires, en étendant le champ des possibles. Nous faisons en sorte de leur donner de nouvelles prérogatives, mais c'est à eux de s'en saisir. C'est de leur responsabilité de les prendre ou de ne pas les prendre.

Pour revenir à Paris, Madame Hidalgo décidera d'armer ou non ses policiers municipaux. Ce sera de sa responsabilité propre et entière.

Quelles sont les autres composantes importantes de cette proposition de loi ?

Ce qui est également important, c'est l'ouverture d'une expérimentation réservée à toutes les polices municipales de plus de 20 agents. Les municipalités qui voudront candidater le pourront. Elles auront des pouvoirs un peu plus étendus sur certaines infractions judiciaires, en particulier sur certaines amendes forfaitisées, qu'elles soient contraventionnelles ou délictuelles. Par exemple, les amendes sur les stupéfiants, l'amende sur la conduite sans permis, l'amende sur la conduite sans assurance, sur les tags… un certain nombre de petits délits et des incivilités qui pourrissent la vie de nos concitoyens. Les polices municipales pourront mieux intervenir et cette expérimentation durera trois ans. Six mois avant l'échéance, il y aura un rapport qui sera établi pour envisager sa généralisation. Le titre de la proposition de loi concerne la sécurité privée. C'est important, parce qu'en 2024, nous aurons sur notre territoire national la tenue des Jeux olympiques avec, au bas mot, 20 millions de visiteurs, voire plus. Il faudra de la sécurité privée. Il faut savoir que pour l'Euro 2016, les organisateurs avaient recruté 13 000 agents privés de sécurité pour l'ensemble de la sécurisation. Pour les JO de 2024, il en faudra 24 000 à 25 000, ce qui est énorme. Aujourd'hui, la sécurité privée en France n'est pas prête.

Cette loi réglemente le secteur, permet d'avoir un meilleur recrutement, plus professionnel, permet de mieux encadrer, de donner des règles strictes de responsabilité et d'abandon de sous-traitance en cascade, et permet de mieux contrôler par l'organe qui existe actuellement, le Centre national des activités de protection et de sécurité, qui va être renforcé dans ses pouvoirs, dans ses effectifs et dans ses moyens.

Une autre partie de la loi concerne la captation d'images. Vous savez qu'actuellement, nous avons beaucoup de policiers, gendarmes, policiers municipaux, certains pompiers et la pénitentiaire, qui disposent de caméras piétons. Le texte permet de mieux réglementer cette captation d'images et de s'en servir plus efficacement. C'est quelque chose d'important qui faisait l'objet d'une demande justifiée.

Nous abordons aussi le problème de la caméra embarquée. Vous avez une caméra dans un véhicule qui filme. Il n'y avait pas de texte législatif qui encadrait ce dispositif. Ce point est résolu par la loi. Nous avons également la captation des images par aéronef, que ce soit par hélicoptère, par avion, mais aussi et surtout par drones. Aujourd'hui, ces derniers sont de plus en plus utilisés et il n'y a pas de réglementation applicable. La Commission nationale informatique et libertés nous a demandé de légiférer sur ce point. C'est ce que nous faisons aujourd'hui pour réglementer la captation et la diffusion de ces images et vidéos.

Cela a d'ailleurs suscité une réaction de la Défenseure des droits, notamment, qui dit, en substance, qu'il n'ést pas question de filmer une manifestation par drone…

C'est fait depuis longtemps. Il y a beaucoup de choses qui sont faites et qui sont passées en pratique, en l'absence de réglementation. En fait, nous avons deux gros problèmes avec cette captation d'images aéroportées. Tout d'abord, des services de police et de gendarmerie utilisent maintenant des drones de secours montagne, de pompiers, de protection du littoral, etc. Il est à présent impossible de ne pas le faire. Cela se fait donc sans réglementation. Donc la première chose, c'est de réglementer. La deuxième chose, c'est que 90 % des drones sont aujourd'hui utilisés par le secteur privé, hors réglementation également. On entend bien ce que disent les uns et les autres. Mais il faut partir d'une situation pratique, qui existe, et la réglementer. C'est un peu la limite de l'exercice de la Défenseure des droits. Elle craint pour les libertés publiques, mais les choses se font déjà. Et il n'est pas question de porter atteinte au droit de manifester si la captation d'images est utilisée lors de rassemblements, mais de sécuriser les personnes et les biens et identifier autant que faire se peut les casseurs. On veut véritablement défendre les libertés publiques, mais il faut aussi régler le problème de la violence et c'est de la responsabilité du Parlement.

Il y a également l'article 24 qui a suscité une levée de boucliers inimaginable. Il a d'ailleurs été modifié par le Gouvernement. Qu'en pensez-vous ?

Vous avez employé le bon mot, une levée de boucliers difficile à imaginer, parce que cet article vise tout simplement à protéger ceux qui nous protègent. C'est-à-dire faire en sorte que dans les opérations de police, que ce soit des manifestations ou autres, on ne puisse plus, mettre en pâture sur les réseaux sociaux les policiers ou les gendarmes et appeler à la haine, physique ou psychique, comme cela se produit de plus en plus. Cet article 24 sert donc à limiter ce phénomène de haine sur les réseaux sociaux envers les forces de l'ordre. Ce texte a été exploité par des minorités et par des journalistes, qui ont fait monter la pression, en l'interprétant mal, consciemment ou inconsciemment. En réalité, le texte était rédigé de manière à protéger les forces de l'ordre de la haine en cas de diffusion malveillante. Bien sûr, les journalistes peuvent continuer à filmer et à diffuser. Même un particulier peut le faire, à condition qu'il ne fasse pas de diffusion malveillante. Ce qui a été ajouté par le Gouvernement pour rassurer les uns et les autres, c'est la mention « sans préjudice du droit d'informer », ce qui était déjà implicite dans l'article. Le Premier ministre a souhaité faire cette précision. C'est plus clair. Le texte précise également que le but de porter atteinte doit être « manifeste ».

Certains disent également que cet article ne va pas servir à grand-chose puisque lors d'une manifestation, par exemple, les policiers sont casqués. Ils sont donc difficiles à identifier formellement. Certains avocats ajoutent qu'étant donné la forte amende et la peine d'un an d'emprisonnement prévus, les policiers peuvent empêcher tout le monde de filmer. Pour vous, ce n'est pas du tout la volonté du législateur ?

Ce que vous venez de me dire peut s'interpréter de différentes manières. Aucun policier, aucun gendarme, n'a le droit d'empêcher quelqu'un de le filmer alors qu'il est en action sur une manifestation, par exemple. S'ils le faisaient, ils commettraient une faute professionnelle et même une faute pénale. Les membres des forces de l'ordre doivent laisser filmer. Ce n'est qu'après qu'on verra quelle est la destination du film et de quelle manière il est diffusé. Si le témoignage dit en substance « J'ai vu les policiers charger, ils n'y sont pas allés de main morte », aucun problème. Vous pouvez aussi filmer un policier ou un gendarme qui provoque des violences que vous estimez illégitimes, il n'y a aucun problème à diffuser ce type d'images. En revanche, si le message appelle à la violence ou, par exemple, divulgue l'adresse d'un policier et incite à aller chez lui pour l'agresser, lui et ses enfants, ou pour brûler son véhicule, c'est différent. Là, on est manifestement dans l'intention malveillante.

On dit que c'est une erreur de ne pas avoir préalablement présenté le texte au Conseil d'État pour avis…

L'examen préalable des propositions de loi par le Conseil d'État n'est pas obligatoire. Compte tenu des délais, nous n'en avons pas eu le temps. Par contre, je peux vous signaler que le Premier ministre a annoncé que sur l'article 24, il allait lui-même saisir le Conseil constitutionnel.

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