AccueilActualitéS'endetter est-il problématique ? (2/5)

S'endetter est-il problématique ? (2/5)

Quelle importance pour les dettes souveraines en économie ? Sont-elles problématiques ? Certains décideurs publics ont pu les voir dans les années suivant la crise des subprimes comme une grave menace et y ont répondu par l'austérité, provoquant le courroux de leur opposition pour laquelle la question n'est pas centrale.
Kenneth S. Rogoff
@ DR - Kenneth S. Rogoff

Actualité Publié le ,

En la matière, une étude a particulièrement animé les débats des économistes au cours de la dernière décennie, celle menée en 2010 par Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff (ancien chef économiste du FMI connu notamment pour son conflit avec Joseph Stiglitz). Leur papier, qui avait servi de caution intellectuelle aux politiques de rigueur, tendait à montrer que la dette publique a un impact significativement négatif sur la croissance quand elle dépasse 90% du PIB. Les auteurs avançaient ainsi l'hypothèse d'une causalité de la dette vers la croissance. Pour eux, il ne faudrait donc pas tomber dans le piège du « cette fois, c'est différent » (titre de leur ouvrage paru en 2009) et céder aux « folies » d'un endettement incontrôlé.

D'autres économistes leur ont toutefois reproché de confondre causalité et corrélation. Si l'on fait le constat que les variables évoluent bien dans des directions parallèles, il n'est pas certain que ce soit les courbes de l'endettement qui déterminent celles de la croissance et pas l'inverse, voire qu'une autre variable encore ne soit pas à l'origine de ces variations concomitantes. Une faible croissance réduit par exemple les recettes fiscales et stimule les dépenses publiques, accroissant ainsi l'endettement. Et si l'endettement implique l'austérité, celle-ci pourrait même aggraver en période de récession cette dette publique en réduisant la croissance. Surtout, des erreurs ont pu être décelées dans le traitement des données effectuées par Reinhart et Rogoff, excluant notamment des cas de pays ayant à la fois un endettement et une croissance élevée. Les auteurs se sont défendus arguant que ces erreurs n'altéraient pas leurs conclusions générales.

La question des conséquences de l'endettement sur l'économie n'est donc pas tranchée, d'autant que l'Etat est un acteur particulier : de par sa durée de vie supposée infinie, la question n'est pas tant celle du montant de ses dettes que de leur soutenabilité. Pense-t-on qu'il aura un jour les capacités de rembourser ? L'opinion et la confiance des marchés semblent alors jouer un rôle certain. Pour Jean Tirole, prix Nobel 2014, auteur notamment d'une Economie du bien commun, « il n'y a pas de chiffre magique pour le maximum de dette qu'un pays peut soutenir ». « La dette des Etats va enfler, comme il est normal en temps de crise ou de guerre », écrivait-il récemment dans une tribune qu'il signait dans les Echos. « Si la crise sanitaire perdure, certains Etats surendettés pourraient avoir de fortes difficultés à faire de nouveaux emprunts ou même simplement à renouveler ceux arrivés à terme ; ils seraient alors dans l'incapacité de financer les nouvelles dépenses de santé, de payer leurs fonctionnaires et fournisseurs, ou de tenir les promesses faites aux particuliers, entreprises, banques et compagnies d'assurances pour éviter faillite et chômage ».

Partager :
Abonnez-vous
  • Abonnement intégral papier + numérique

  • Nos suppléments et numéros spéciaux

  • Accès illimité à nos services

S'abonner
Journal du 24 mars 2023

Journal du24 mars 2023

Journal du 17 mars 2023

Journal du17 mars 2023

Journal du 10 mars 2023

Journal du10 mars 2023

Journal du 03 mars 2023

Journal du03 mars 2023

S'abonner
Envoyer à un ami
Connexion
Mot de passe oublié ?