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Respect Zone, le label à suivre…

Aujourd'hui, les acteurs du net sont plus que jamais exposés à la cyberviolence et à ses conséquences. Sites marchands, médias, institutions, internautes... Le label Respect Zone, qui vient de voir le jour, vise à apporter, gratuitement, son soutien à tous les acteurs, entreprises comme particuliers, dans leur démarche personnelle de pacification des échanges en ligne, en valorisant le sens du respect. Philippe Coen, directeur juridique, l'un des initiateurs du projet, présente ce label et sa charte d'application.
Respect Zone, le label à suivre…

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Affiches Parisiennes : Comment avez-vous construit votre label « Respect Zone » ?
Philippe Coen : Ce label de promotion du respect, avec son intitulé « Respect Zone » fonctionne à peu près partout dans le monde. Les jeunes –Nathan et Adrien–qui ont participé à son élaboration, ont été très utiles. Qu’est-ce qu’il y a de plus important aujourd’hui pour la jeunesse que la revendication du respect ? Nous avons cherché des valeurs qui correspondent à l’antithèse de ce qu’on dénonce.
Ce que nous dénonçons, c’est l’irrespect, cette haine que certains s’autorisent. Plutôt que dire ce qu’il ne fait pas faire, nous voulons dire ce qu’il faut faire, c’est tellement plus compatible. Nous essayons d’être en empathie avec une logique moderne. Tous les mouvements anti-racistes, que je connais bien,fonctionnent avec le droit de la presse à l’ancienne, celui de 1881. Nous sommes sur une logique de construction liée à la diffusion du papier, territorialisée. Aujourd’hui, la haine ne prend plus cette voie. Elle prend des chemins totalement ouverts. C’est la magie de l’internet. Vous savez bien que les pays où internet est fermé ne sont pas des pays où vous aimeriez vivre…
La logique de la neutralité d’internet estassociée au développement des entreprises de la SiliconValley, au mouvement un peu libertaire qui est à l’origine de l’internet. Elle est également liée au premier amendement de la Constitution américaine, qui n’a d’ailleurs pas été inventée aux Etats-Unis. C’est la Constitution française qui est à l’origine de la liberté d’expression.
Notre discours, c’est de dire que nous sommes en 2014 et qu’internet dépasse parfois les limites de cette liberté. On ne comprend plus pourquoi il y aurait une hyper responsabilité dans le monde territorial et papier, et une absence totale de responsabilité dans le monde non territorial et liquide d’internet. Il y a forcément une zone médiane entre les deux. Le fait d’avoir été étudiant et d’avoir travaillé sur le sol américain m’a fait comprendre la logique du droit de la presse à la française ; très belle logique d’ailleurs, un peu iconoclaste. Il y a très peu de pays qui ont un droit de la presse et un droit de la lutte antiraciste aussi développés qu’en France. Mais internet a rattrapé les isolements. Le droit français, applicable à la dissémination de l’apologie de la haine, du racisme et du crime, est très peu partagé dans le monde.

AP : Le label Respect Zone responsabilise pour rompre avec l’isolement ?
PC : En tant qu’éditeur,quand vous êtes titulaire d’un blog, d’un site, d’un compte ou d’une page, vousrecevez en permanence des contenus que vous allez ou non modérer. Si, en responsabilité, vous choisissez la modération, surtout si les thèmes que vous abordez peuvent être inflammables, pourquoi ne pas déclarer cet engagement ?Pourquoi ne pas afficher haut et clair cette zone modérée qui s’intéresse à la précaution de ne pas nuire à l’autre ?

AP : Jusqu’à une éventuelle censure ?
PC : Dès qu’on touche à la logique d’internet, on découvre cette peur panique de la censure. On va nous dire, votre label est un label de censure. Non ! La charte donne le choix.
Il y a beaucoup de gens qui continuent à penser qu’internet est formidable. Ils pensent à tort que c’est un espace privé non soumis au droit. C’est de l’ordre de la croyance ! En fait, nous restons dans la logique de la SiliconValley… Respect Zone est le label de la pensée critique. Sur notre stand au salon Paris GamesWeek (29 octobre-2 novembre, Porte de Versailles), on aurait pu mettre le portrait de Kant ou de Max Weber. Il n’y a pas de police du label. L’éthique, c’est vous ! Porter le label est un découragement à celui qui voudrait salir votre page parce qu’il saura que s’il va trop loin, vous allez retirer le contenu ou marquer une distance nette. C’est donc de l’auto modération. Respect Zone est un label auto certifiant et gratuit !

AP : Pourquoi avez-vous déposé cette marque ?
PC : Parce que nous avons à l’esprit qu’en droit,existe une marque assez peu usitée, à la fois au plan français et au plan communautaire, c’est la marque de certification, réservée aux normes. Nous avons donc déposé le visuel, la locution et la charte associée. Si quelqu’un porte la marque et enfreint la charte, il n’est pas digne de porter le label puisqu’il ne le respecte pas. A l’extrême limite, à titre de principe, si quelqu’un abusait du label et, à tort, faisait croire qu’il respecte la charte, nous pourrions le poursuivre en contrefaçon de la marque. Là, on rappelle l’intérêt du droit européen !

AP: Respect Zone est notamment une création de juristes !
PC : Oui, et le fait que cette initiative a été créée à la fois par la jeunesse et par des juristes apporte une valeur ajoutée. C’est la preuve que les juristes ne sont pas là que pour mettre des projets en forme ou en mesure de risques. Ils peuvent aussi être des initiateurs, des acteurs de la société, pas uniquement des facilitateurs. On aimerait, au sein des entreprises, pouvoir encourager la fertilisation d’idées portées par des juristes. Aider notre communauté de juristes à dire « nous sommes capables de piloter des projets ». Nous ne sommes pas obligatoirement sur les strapontins des centres décisionnaires. C’est une autre croyance que l’on fait tomber, celle que les juristes d’entreprise ne sont pas des initiateurs de projets. Pour que notre profession grandisse, qu’il y ait davantage de présidents directeurs généraux qui émanent de la communauté juridique, comme c’est le cas aux Etats-Unis, on encourage les juristes à présenter des projets, y compris en pro bono. Quand vous êtes avocats internes aux Etats-Unis, vous êtes, comme les avocats externes, appelés à faire du pro bono, pour des causes ouvertes. J’ai toujours défendu cet altruisme juridique, notamment au sein de l’ECLA. Dans Respect Zone, il y a cette notion de mains tendues vers l’autre, des mains qui forment un cœur. Nous devons nous honorer d’être à la fois juriste et acteur de la société civile.

AP : Des structures ont-elles déjà adopté votre label ?
PC : Quelques entreprises et quelques syndicats professionnels comme la SELL –Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs– et l’AFJE –Association française des juristes d’entreprise– se sont associés à notre action. Par ailleurs, la Paris GamesWeek a mis notre label dans la barre menu de son site, à l’instar de Legal Suite. Deux cabinets français, Lazareff Le Bars et Elkrief Avocats ont également affichéle label sur leur home page. Nous sommes par ailleurs en discussion avec beaucoup de cabinets internationaux.
Le fait que le monde du jeu vidéo nous ait offert ce stand en face de Nintendo à la Paris GamesWeek est révélateur de l’intérêt qu’il porte à notre initiative.

AP : Tous les contenus intéressent Respect Zone ?
PC : Oui. Nous avons beaucoup à dire et à apporter sur tous les débats d’actualité. Il y a peu de dépêches AFP qui ne concerne notre effort, que ce soit sur le harcèlement, l’incitation au terrorisme, le sexisme, le suicide adolescent, ma manière de faire une bombe…Tous ces sujets ouvrent sur des questions éthiques et de responsabilité. Lors d’une de nos réunions, un psychiatre nous a dit : « Vous avez créé le surmoi de l’internet, ce à quoi on pense avant d’appuyer sur send ! » C’est le moment de réflexion. Est-ce une bonne idée de faire mal sur un réseau social ?Est-ce une bonne idée d’envoyer cette méchanceté que je suis en train d’écrire ?Cette photo que je poste ou ce discours qui suinte la haine raciale ?
Les faux clowns nous donnent actuellement un vrai sujet de réflexion. Comment l’évocation de ces faux clowns vient à ces adolescents. Agissent-ils par bêtise ? Par désir de défoulement ? Ou par volonté de voler… Il n’y a aucun rapport entre les « x » faux clowns agresseurs. Le seul rapport, c’est l’inspiration par les réseaux sociaux.

AP : Porter votre label n’est pas neutre pour une entreprise…
PC : Bien entendu. Nous touchons là la notion de RSE, la responsabilité sociétale des entreprises,qui implique de définir des valeurs, les afficher, les respecter et en être redevable. Porter le label fait entrer dans cette affirmation de valeurs. Quelles sont les qualités d’une marque ? L’essentiel de la marque et de la valeur de l’entreprise est immatérielle. L’image de marque fait partie des actifs immatériels. Celle-ci se construit. Elle demande un certain investissement. Modérer un site qui publie des contenus postés par des internautes demande un minimum d’investissement. Certains externalisent même cette intervention.
Nous travaillons par ailleurs avec des régies publicitaires auxquelles nous proposons de développer une offre d’achat d’espaces « respect ». Un annonceur peut, en effet, avoir la volonté que ses investissements en bannières soient compatibles avec ses valeurs. Les applications sont infinies…

AP : La finalité de ce label est vraiment universelle ?
PC : Cette initiative est applicable à la fois aux individus et aux super structures, partout dans le monde. C’est une forme d’idéalisme. Pour prôner le respect aujourd’hui, il fait être un peu idéaliste ! Il n’y a aucune raison de penser que ce label va devenir un filtre absolu. Mais il va obliger les gens qui postent sur un site porteur du label « je suis dans une zone qui s’attend à ce que je fasse attention ». Ce moment de réflexion sur le devenir de l’invective est intéressant. C’est ce que Max Weber appelle « l’éthique de la responsabilité »…

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