AccueilDroitRemise en cause des prélèvements sociaux sur les revenus de patrimoine

Remise en cause des prélèvements sociaux sur les revenus de patrimoine

La cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a dernièrement remis en cause, dans un arrêt du 26 février 2015, les prélèvements sociaux perçus par la France sur les revenus de patrimoine.
Remise en cause des prélèvements sociaux sur les revenus de patrimoine
©G.Fessy, CUEJ

Droit Publié le ,

Par Ghislain Michel, avocat associé RSDA RIVE GAUCHE.

Au regard de la technicité de la matière, il est besoin d’évoquer tout d’abord les opportunités offertes et d’en préciser les bénéficiaires, avant de revenir ensuite sur les fondements de la jurisprudence de la CJUE ; en somme de commencer par le dessert.

Des opportunités d’action en restitution des prélèvements sociaux payés sur les revenus de patrimoine pour (…)

Pour rappel, les prélèvements sociaux, constitués des acronymes bien connus que sont la CSG et la CRDS, mais aussi du prélèvement social de 2 %, ainsi que de la contribution additionnelle de 0,3 %, représentent en définitive une imposition totale de 15,50 %, prélevée par l’État Français sur les revenus dits de patrimoine, tels que dividendes, intérêts, loyers et plus-values immobilières.

En pratique, la jurisprudence de la CJUE peut permettre aux résidents et non-résidents fiscaux français d’obtenir le remboursement des prélèvements sociaux supportés sur leurs revenus de patrimoine, dès lors qu’ils sont affiliés à un régime de sécurité social étranger.

Les résidents fiscaux français travaillant à l’étranger et (…)

En fait, dans le prolongement direct de l’arrêt du 26 février 2015, les résidents fiscaux français, exerçant une activité salariée ou indépendante dans un autre État membre, comme les frontaliers ou certains expatriés, pourraient demander la restitution des prélèvements sociaux supportés en France sur leurs revenus de patrimoine, que ces derniers soient de source étrangère ou française.

Les non-résidents fiscaux français

Les non-résidents sont également concernés, puisque depuis la
deuxième loi de finance rectificative pour 2012, ils sont soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus fonciers et plus-values immobilières réalisées en France.

Ainsi, et sous réserve d’apprécier chaque situation, les non-résidents fiscaux français travaillant dans un autre État membre, un État de l’Espace économique européen, voire de certains pays tiers, pourraient également, sous certaines conditions, envisager ce type de procédure en restitution.

Les modalités d’action de demande en restitution des prélèvements sociaux payés

Les résidents et non-résidents fiscaux concernés pourront demander la restitution des prélèvements sociaux par voie de réclamation contentieuse, après validation de la faisabilité et de l’opportunité de telles procédures.

D’une manière générale, les délais de telles actions se prescrivent au plus tard au 31 décembre de la deuxième année suivant la mise en recouvrement des impositions contestées.

Ainsi, pour des prélèvements sociaux litigieux mis en recouvrement en 2013 et 2014, les demandes de restitution pourront être introduites jusqu’au 31 décembre 2015, étant précisé que des règles particulières de computation des délais s’appliquent en matière de retenue à la source.

Le fondement juridique de la jurisprudence communautaire du 26 février 2015

Précédemment, dans deux arrêts Commission/France du 15 février 2000, la CJUE avait condamné la perception de prélèvements sociaux par l’État français, plus particulièrement la CSG et la CRDS, sur les revenus d’activités et de remplacement des travailleurs, salariés ou indépendants, qui résident en France mais travaillent dans un autre État membre.

En effet, conformément au principe d’unicité, prévu par le règlement n° 1408/71, un travailleur, salarié ou indépendant, ne doit être soumis qu’à la législation sociale de l’État membre dans lequel est exercée l’activité en cause et ce, même s’il réside sur le territoire d’un autre État membre.

Ainsi, la perception de prélèvements sociaux dans l’État de résidence est susceptible d’entraîner une inégalité de traitement, constitutive d’une entrave à la libre circulation du travailleur concerné, d’ores et déjà soumis aux obligations de financement de la Sécurité sociale de l’État du lieu d’activité.

Cette fois, dans l’affaire du 26 février 2015, il s’agissait d’un résident fiscal français, salarié d’une société établie aux Pays-Bas, qui contestait auprès des juridictions administratives françaises l’existence d’une situation de double imposition proscrite, en raison de la sujétion aux prélèvements sociaux en France de ses revenus de patrimoine de source néerlandaise.

L’administration fiscale française, selon l’arrêt commenté, considérait que des rentes viagères à titre onéreux, versées par deux sociétés d’assurance néerlandaises, constituaient des revenus du patrimoine du salarié et a assujetti lesdites rentes à des cotisations de CSG, de CRDS, au prélèvement social de 2 % ainsi qu’à la contribution additionnelle de 0,3 %.

À ce titre, la CJUE a rappelé que le règlement n° 1408/71 est applicable aux prélèvements ou impositions qui présentent un lien direct et suffisamment pertinent avec la réglementation régissant les branches de la sécurité sociale, telles que les prestations de maladie et de maternité, d’invalidité, de vieillesse, d’accident du travail et de maladie professionnelle, de chômage, familiales et les allocations de décès.

Plus précisément, le critère déterminant pour constituer ce lien est « celui de l’affectation spécifique d’une contribution au financement d’un régime de Sécurité sociale d’un État membre ».

La CJUE avait d’ailleurs constaté, dans les jurisprudences précitées du 15 février 2000, que les prélèvements sociaux levés sur les revenus d’activité et de remplacement étaient « affectés spécifiquement et directement au financement de la sécurité sociale en France et en a[vait] déduit que ceux-ci présentaient un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois qui régissent les branches de la sécurité sociale… »

Or, les prélèvements sociaux appliqués par l’administration fiscale française aux rentes viagères du plaignant sont affectés directement et spécifiquement au financement de certaines branches de la sécurité sociale française ou à l’apurement de leurs déficits.

La CJUE a jugé dans son arrêt du 26 février 2015 que « les prélèvements sur les revenus du patrimoine […] relèvent donc du champ d’application [du règlement n° 1408/71] alors même que ces prélèvements sont assis sur les revenus du patrimoine des personnes assujetties, indépendamment de l’exercice par ces dernières de toute activité professionnelle ».

Dans un communiqué de presse du 26 février 2015, le gouvernement français a pris acte de l’arrêt de la CJUE en précisant que cette dernière « considère que les personnes qui sont affiliées à un régime de sécurité sociale d’un autre État ne peuvent être assujetties en France à des prélèvements sociaux sur leurs revenus de patrimoine de source étrangère compte tenu de l’affectation de ces prélèvements au financement de la protection sociale française ».

Le gouvernement indique qu’il attend désormais la décision définitive du Conseil d’État pour prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires.

Toutefois, il fait peu de doute que la France devra modifier sa législation en la matière et se mettre ainsi en conformité avec la réglementation européenne.

Nous rappelons d’ailleurs qu’une procédure d’infraction n° 2013-4168 est actuellement engagée à l’encontre de la France par la Commission européenne devant la CJUE, concernant la CSG et la CRDS prélevées sur les revenus du patrimoine des personnes physiques qui sont non-résidents fiscaux français et affiliées à la sécurité sociale d’un autre État membre ou adhérant à la Caisse des Français à l’étranger.

Des possibilités à étudier pour les non-résidents de contester le taux d’imposition des revenus sur la base de jurisprudences du Conseil d’État.

Bien plus, les recours introduits par les non-résidents fiscaux pourraient dans certains cas s’inscrire dans une démarche de contestation plus globale. Le Conseil d’État a en effet dernièrement remis en cause, et par deux fois, le prélèvement de 33 % appliqué aux plus-values immobilières réalisées en France par des non-résidents fiscaux français. Ce taux d’imposition est à comparer avec le taux de 19 % auquel sont soumis les résidents fiscaux français sur les mêmes plus-values.

Ainsi, le taux de 33 % a été écarté une première fois, sur la base de la convention fiscale entre la France et la Suisse, dans une hypothèse de détention directe du bien immobilier en France par le non-résident (CE 20 novembre 2013 n° 361167, Aaron). Une deuxième fois, sur le fondement du principe de libre circulation des capitaux avec les États tiers, pour la cession d’un bien immobilier par une SCI Française, détenue par des associés résidents en Suisse (CE 20 octobre 2014 n° 367234, SCI Saint-Étienne et M. et Mme Aimé).

Dans ce contexte, on ne saurait que trop conseiller aux résidents et non-résidents concernés d’étudier les éventuelles voies de recours en restitution qui leur seraient ouvertes.

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