Malgré le contexte sanitaire et économique difficile, le système de retraite universel, mesure phare du programme présidentiel, revient au cœur des discussions au sein du Gouvernement. Ainsi, le 26 octobre 2020, Jean Castex a reçu les syndicats et le patronat pour une « conférence du dialogue social » au cours de laquelle le sujet de la réforme des retraites a été peu évoqué. Au regard de la situation actuelle, la question se pose de la place laissée pour un tel débat et de l'impact que la crise économique doit avoir ou aura sur la nature des discussions ?
Dans une note publiée le lendemain de la conférence, et intitulée « Réformer les retraites en temps de crise », l'Institut Montaigne met en lumière une situation de financement toujours plus difficile. En effet, le déficit des régimes de retraites, qui était prévu à 27 milliards d'euros en 2030, devrait désormais dépasser nettement les 30 milliards à cet horizon, alors que la situation relative moyenne des retraités par rapport à l'ensemble de la population s'est améliorée, ces derniers n'étant pas affectés par la hausse du chômage ou la baisse de leurs revenus. En conclusion de cette note, l'Institut estime que si elle peut être bénéfique à long terme, la mise en place immédiate d'un système universel et d'une caisse unique apparaît aujourd'hui secondaire. En revanche, une réforme paramétrique rapide, déjà nécessaire avant la crise sanitaire, est devenue indispensable et urgente au regard de l'état des finances publiques françaises.
Les constats de début d'année restent d'actualité
L'Institut, qui avait mis en avant ses principaux constats, relève que ceux-ci restent d'actualité en cette fin d'année. En effet, es dépenses publiques en matière de retraites représentent une part importante de la richesse nationale et de fait, les cotisations sociales en France sont parmi les plus élevées de l'OCDE au niveau du salaire moyen. Ce taux de cotisation très élevé pénalise la compétitivité de l'économie française et favorise un taux de chômage structurel important. Ce système de retraites coûteux, généreux et redistributif atteint pleinement son objectif de solidarité puisque le taux de pauvreté des retraités français est l'un des plus bas de l'Union européenne, à hauteur de 7,3 % contre 13,4 % en moyenne en zone euro.
Le difficile équilibre d'une réforme indispensable
Si la réforme des retraites semble nécessaire dans le cadre du redressement à mener des finances publiques, elle ne devrait pas percuter la reprise économique, fragile du fait de la longueur de la crise sanitaire. Elle doit donc, dans la mesure du possible, être menée dans la concertation avec les partenaires sociaux.
La réforme des retraites envisagée par le gouvernement fin 2019 visait à mettre en place un régime de retraite universel, qui permettrait de favoriser la mobilité des travailleurs – et donc de diminuer le chômage structurel de l'économie – tout en harmonisant les droits de chacun, dans un but de recherche d'équité. Si elle peut être bénéfique à long terme, notamment en matière de lisibilité et de mobilité des travailleurs, la mise en place immédiate d'un système universel et d'une caisse unique apparaissent aujourd'hui de second rang au regard de la situation de nos finances publiques et de notre économie. Il serait en revanche préférable, voire indispensable, de réfléchir immédiatement à une réforme paramétrique, seule à même de rétablir l'équilibre des régimes à long terme.
Selon l'Institut Montaigne, l'accroissement de la fiscalité n'est pas une solution viable, ni souhaitable, à long terme, de même que ni l'accroissement des cotisations sociales, ni la diminution des prestations servies par rapport à une situation de référence ou encore l'accroissement de l'âge de départ à la retraite ne sont des pistes d'action souhaitables ou réalistes.
L'Institut a donc, pour sa part, formulé quatre propositions d'orientations que devrait prendre la réforme.
Propositions de l'Institut
Selon l'Institut, la réforme des retraites, déjà nécessaire avant la crise, est indispensable pour redresser les finances publiques de la France. Quatre orientations à privilégier par la réforme sont alors avancées :
- Ne pas augmenter les cotisations sociales dans un contexte de chômage élevé, de reprise économique fragile et de compétitivité dégradée de notre économie ;
- Agir dans la concertation avec les partenaires sociaux ;
- Supprimer définitivement les régimes spéciaux, dont les effectifs pensionnés sont limités, mais dont l'équilibre financier coûte plusieurs milliards de subventions budgétaires chaque année, pour redistribuer ces économies en termes de droits à ceux qui vont perdre leur emploi dans les mois qui viennent ; par exemple, les nouveaux chômeurs depuis mars 2020 bénéficieraient de droits à hauteur du dernier salaire perçu et non pas à hauteur de leurs prestations d'assurance chômage ;
- Laisser le choix aux Français entre allonger – progressivement – le temps de cotisation pour ceux qui le souhaitent, ou réduire les pensions de ceux qui préfèrent partir plus tôt. n