Lundi 29 août, à l’hippodrome de Longchamp, s’est tenue la Rencontre des entrepreneurs (Ref). Organisé par le Mouvement des entreprises de France (Medef), ce rassemblement des dirigeants d’entreprise était attendu, notamment le discours de la Première ministre, Elisabeth Borne. Dans un contexte économique délicat – inflation, tension sur l’approvisionnement en énergie, dérèglement climatique – la Première ministre a attaqué son discours en rappelant que « le dérèglement climatique n'est plus une vérité qui dérange, c'est une réalité qui détruit. Il est là, concret, tangible, visible. Personne n'échappera à ses effets. C'est un danger qui pèse sur notre économie, notre santé, notre quotidien ».
Une introduction dans laquelle elle a aussi rappelé les différentes catastrophes naturelles qui ont touché les régions françaises durant l’été. « La canicule a commencé plus tôt encore que les autres années. La sécheresse a atteint des niveaux records. Les feux de forêt ont détruit des dizaines de milliers d'hectares. Des orages violents ont fait des victimes et provoqué des dégâts considérables ».
Un soutien sans appel à l’Ukraine
Elisabeth Borne a ensuite abordé la menace que fait peser la guerre en Ukraine sur les valeurs démocratiques. « Une démocratie est attaquée, des villes entières sont détruites, des populations doivent fuir et des vies humaines sont perdues. En tant que citoyens, en tant que démocrates, en tant qu'Européens, cette attaque brutale nous indigne, nous révolte et nous impose d'agir. Je veux ici à nouveau assurer l'Ukraine du total soutien de la France, nous serons à ses côtés jusqu'au bout ».
Un soutien au peuple ukrainien qui fait écho au discours de lancement de la Ref 2022 intervenu quelques minutes plus tôt, de Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef. « Comme dans toute guerre, rien n'est simple et rien n'est blanc ou noir. Bien sûr, l'histoire de cette partie du monde que je connais un peu est éminemment complexe et mélangée, mais l'agression russe nous oblige à choisir un camp. Nous devons choisir le camp de la liberté, celui du peuple ukrainien. », a-t-il déclaré. « Les tensions dans le monde vont continuer à monter, que ce soit en mer Noire ou en mer de Chine. Il va nous falloir reformater nos logiciels qui étaient habitués à une mondialisation heureuse. Nous devons faire en sorte de ne pas passer de la mondialisation heureuse à la démondialisation malheureuse. », a ajouté le chef d’entreprise.

« La liberté a un prix »
« Dans un moment historique pour l'unité européenne, nous avons adopté sept paquets de sanctions contre la Russie, des sanctions contre le secteur financier et des restrictions commerciales majeures dans un grand nombre de domaines. Ces sanctions ont un objectif : rendre le prix de la guerre insupportable pour la Russie. », a lancé la première ministre. Elle a ensuite reconnu que : « Oui, ces sanctions ont un coût, la liberté à un prix. Cette guerre a des conséquences lourdes et durables. ». Mais Elisabeth Borne a tenu à mettre en avant la prise de responsabilités de l’Etat. « Nous avons agi pour limiter les effets de la hausse des prix et protéger le pouvoir d’achat des Français », en précisant que « de nouvelles mesures entreront en vigueur dans les prochains jours. Elles ont un coût inédit pour les finances publiques. Cet investissement nécessaire, indispensable, va peser durablement sur nos comptes et rendre chaque choix financier plus difficile à faire pour l'Etat. ».
Agir ensemble pour surmonter le risque de pénurie
La cheffe du Gouvernement a profité de ce discours pour appeler les Françaises et les Français, État, entreprises, collectivités, associations et citoyens, à faire bloc tous ensemble et à regarder dans la même direction pour répondre aux difficultés à venir en matière d’approvisionnement en énergie. « Certes, les prochains mois et les prochaines années seront difficiles, exigeants même. Mais si nous agissons, nous pourrons surmonter le risque de pénurie de gaz cet hiver pour atténuer le dérèglement climatique, nous adapter aux effets qui sont déjà irréversibles, mais aussi faire de la transition écologique une opportunité pour l'innovation, pour la croissance, pour l'emploi. Nous devons mettre en œuvre des solutions radicales et innovantes, engager des changements puissants dans nos manières de produire, d'investir dans la formation aux métiers de demain. Chacun doit prendre sa part à sa mesure. Nous avons tous notre rôle à jouer ».
D’après Elisabeth Borne, l’Europe manquera de gaz pendant l’hiver, faute d’alternative immédiate pour compenser la diminution des importations de gaz russe. Cependant, elle a affirmé que la France serait « moins exposée que les autres Nations » et que les stocks de gaz seraient à 100 % pour l’hiver, malgré des réserves plus faibles que les autres années.
« Qu’une seule voie, la baisse de la consommation d’énergie »
« Cette crise est un nouveau défi pour la solidarité européenne. Nous devons répondre présent, parce que nous subirons fortement en retour les conséquences d'un ralentissement économique européen. C'est en faisant preuve de solidarité aujourd'hui que nous pourrons à notre tour en bénéficier demain. Alors, face aux menaces de pénurie de cet hiver, nous n'avons qu'une seule voie : la baisse de la consommation d'énergie. Cette baisse, je vous propose que nous nous organisions ensemble si nous ne le faisons pas, si chacun ne prend pas sa part, les coupures brutales de gaz pourraient avoir lieu du jour au lendemain, avec de graves conséquences économiques et sociales. », a avoué la Première ministre, ajoutant qu’il sera primordial de lutter contre les consommations d’énergie qui ne sont pas indispensables.
Mise en place d’un plan de sobriété énergétique
La cheffe du Gouvernement est revenue sur l’annonce du président de la République, Emmanuel Macron, le 14 juillet dernier de la mise en place d’un plan de sobriété pour tous les Français. « C’est un pacte que nous vous proposons. Préférez les économies choisies plutôt que les coupures subies. L’Etat doit naturellement être le premier à montrer l'exemple. A ma demande, des mesures de sobriété ont été prises dès cet été et chaque ministère va finaliser en septembre ce plan de sobriété pour réduire nos consommations de 10 % au moins dans les deux prochaines années. La sobriété, c'est aussi notre responsabilité en tant que citoyen ». Elisabeth Borne a ainsi lancé un appel, « chacun doit s’interroger sur ce qu’il peut faire pour consommer moins à son niveau et compte tenu de ses moyens ». Dans ce sens, une vaste campagne d’information sur les écogestes sera lancée par le Gouvernement dans les prochaines semaines.
Devant les chefs d’entreprise réunis en nombre lors de cet évènement, Elisabeth Borne a insisté sur leur part de responsabilité dans ce plan de sobriété énergétique. « Je sais que vous avez déjà commencé à réduire votre consommation car vous subissez la hausse des prix de l'énergie. Mais il faut aller plus loin ! Les premiers engagements concrets ont été pris, notamment dans la grande distribution et je veux les saluer. J'entends aussi chez Geoffroy Roux de Bézieux les propositions que vous formulez ». Parmi ces propositions, une a particulièrement retenu son attention : l’idée d’un ambassadeur de la sobriété dans chaque entreprise. Un modèle qui avait bien fonctionné avec les référents Covid durant la crise sanitaire. Lors de son introduction, le président du Medef avait rappelé les efforts consentis par les entreprises ces dernières années. « Il n’y a plus d’entrepreneurs climatosceptiques. Aujourd’hui un chef d’entreprise sur deux attend que le Medef fasse des propositions en matière de transition écologique ». Il a également indiqué que « les entreprises feront leur part pour atteindre ces objectifs de sobriété énergétique » en réduisant le chauffage des bureaux, des ateliers et des entrepôts, en contrôlant le déplacement des collaborateurs, mais aussi en travaillant sur l’efficacité des processus de production.
Réduire les émissions de gaz à effet de serre
Geoffroy Roux de Bézieux a parlé d’un ‘’basculement’’ en évoquant la transition énergétique. « Notre défi va être d’inventer un modèle de production et de consommation qui nous permettront d’atteindre nos objectifs de baisse des émissions de CO2. C’est ce que j’ai appelé l’année dernière, le capitalisme décarboné. Ce capitalisme décarboné a un but, respecter les 1,5 degré de l'accord de Paris. Il incarne la trajectoire de décarbonation. Il a également une monnaie commune, le carbone évité. » Il a ensuite lancé un appel à la Première ministre et au Gouvernement : « Notre objectif commun doit être de maximiser les tonnes de carbone évitées au meilleur coût et de faire au fond de la décarbonation un levier de compétitivité de la France. Mais évitons les mesures symboliques, médiatiques dont l'impact carbone est nul ou en tout cas très faible et qui pointe les uns et les autres dans cette transition ».
Lors de sa prise de parole, Elisabeth Borne s’est attardée sur le lancement d’un plan global de réduction des émissions de gaz à effet de serre qui devrait être le pendant du Green Deal européen. L’objectif européen étant d’ici 2030 de baisser de 30% les émissions afin de de s’adapter face au dérèglement climatique. « Ce plan établira les transformations supplémentaires que nous devons engager dans nos façons de nous déplacer, de nous nourrir, de produire, de nous loger, de consommer », a-t-elle déclaré. Pour le définir, un travail sera effectué secteur par secteur, avec toutes les parties prenantes autour des différents ministres. La cheffe du Gouvernement a fixé dès le mois de septembre, des premiers cycles de discussions et de négociations autour de trois chantiers : la forêt, de l’eau et la production d’énergie décarbonée (nucléaire et énergies renouvelables). « Dès que des mesures feront l'objet d'un accord, nous arrêterons leur mise en œuvre sans attendre la fin de tout le processus de négociation au cours de l'automne. Cette démarche sera engagée pour l'ensemble des secteurs avec comme objectif d'aboutir d'ici la fin de l'année à une première vision complète de notre planification écologique ».
Lever les freins au plein-emploi
« La transition écologique sera un levier clé pour l'émergence de nouvelles filières, de nouveaux secteurs et la création de nouveaux emplois, a par ailleurs annoncé la première ministre. Elle est donc au cœur de notre stratégie pour le plein emploi ». Dans cette optique, elle a précisé que « le Gouvernement mènera toutes les réformes nécessaires, pour certaines dès les prochaines semaines afin de lever les différents freins ». Pour cela, Elisabeth Borne s’est notamment engagée à rendre le travail toujours plus rémunérateur que l'inactivité et a annoncé la présentation à l'Assemblée nationale dès la rentrée d’un projet de loi sur l’assurance chômage. Des initiatives saluées par le président du Medef qui s’était offusqué dans son intervention de lancement de la REF 2022 que « dans certains cas ne pas travailler est malheureusement financièrement plus intéressant que de travailler ».