« Jusqu’ici, aucun candidat à l’élection n’a traité le sujet du logement de façon massive dans les médias », avance Guy Lagache, journaliste télévision chargé de présenter l’événement. Un à un, les candidats à l’élection présidentielle ou leur porte-parole ont défilé, avançant chacun leurs arguments sur la rénovation énergétique ou le logement social, entre autres.
Bilan pessimiste pour le quinquennat Macron
Dominique Estrosi-Sassone, sénatrice des Alpes Maritimes et porte-parole de Xavier Bertrand, candidat à la primaire Les Républicains, a soulevé les principales problématiques du quinquennat en matière de logement. « Le Gouvernement a fait des économies sur les aides pour le logement ; il a fait des économies sur le dos des plus pauvres », a-t-elle avancé. Même constat pour Aurélien Taché, porte-parole de Yannick Jadot, le candidat écologiste. « La politique du logement a besoin d’un nouveau souffle. ».
Avec 4 millions de mal-logés aujourd’hui encore, difficile de dire le contraire. Améliorer le quotidien des Français, notamment avec le logement, rassemblait les sept candidats venus au congrès. Marine Le Pen a annoncé faire en sorte « que les Français vivent mieux dans cinq ans qu’aujourd’hui » quand Roland Lescure, député de La République En Marche, a reconnu que le bâtiment est un impératif économique. « Quand le bâtiment va, tout va », affirmait-il.
Pourtant, certains constats restent sans appel. Geoffroy Didier, porte-parole de Valérie Pécresse, la candidate à la primaire Les Républicains, a soulevé que seulement la moitié des logements sociaux promis aux étudiants il y a cinq ans seront construits en 2022. Ce qui représente « 30 000 logements sociaux, à défaut des 60 000 annoncés », a-t-il précisé. Roland Lescure a pourtant affirmé que le quinquennat d’Emmanuel Macron a vu un programme très ambitieux de rénovation logement être mis en place.
© AP - Geoffroy Didier, porte-parole de Valérie Pécresse
Faire du logement social une priorité
Pour Arnaud Montebourg, qui prône « « la Remontada de la France », il s’agit de construire une réserve républicaine de logements à destination des travailleurs d’intérêt général qui n’arrivent pas à se loger. Qu’ils soient dans le domaine de la santé ou dans celui de la sécurité, il s’agit d’assurer le confort minimal à celles et ceux qui rendent service au pays, au quotidien. Sans compter le manque de logements sociaux. « En Île-de-France, 700 000 personnes attendent un logement social », a avancé Geoffroy Didier. Pour répondre au maximum de demandes, il compte, avec Valérie Pécresse, mettre en place un bail de six ans afin de vérifier à chaque échéance l’éligibilité du résident. « La solidarité doit être réservée à ceux qui le méritent », affirmait-il, soulignant l’importance d’un bail de six ans.
Aurélien Taché, lui, a proposé la mise en place d’une assurance universelle sur les loyers qui permettra au propriétaire de s’assurer contre un impayé et faciliter ainsi l’entrée dans le logement pour plus de personnes. « L’assurance va venir agir et se substituer au locataire pour l’impayé », a précisé le porte-parole des écologistes. Nathalie Appéré défend quant à elle un concept de la rénovation des logements par gestes, puisque 26 % des locataires dans le parc privé ont du mal à payer l’énergie. Une rénovation qui passera obligatoirement par une phase sociale très importante, alors qu’avec Anne Hidalgo, elles souhaite « qu’aucun ménage ne soit contraint de dépenser plus du tiers de son budget pour se loger ».
@ AP - Arnaud Montebourg, candidat pour la Remontada de la France et Guy Lagache
Miser sur l’investissement
S’appuyer sur l’investissement, c’est le pari de Marine Le Pen, qui a proposé que l’Etat « garantisse un prêt immobilier d’appoint de 50 000 à 100 000 euros à taux zéro lors de la naissance du premier enfant d’un couple ». Derrière cette proposition, la candidate du Rassemblement National a souhaité surtout permettre aux jeunes couples de devenir propriétaires sans altérer leur désir fonder une famille. Marine Le Pen a aussi promis de suspendre les droits de succession pour les enfants et petits-enfants de classe moyenne ou plus pauvre, afin qu’ils puissent conserver ce capital foncier familial. Geoffroy Didier, dans ce sens, optait pour la défiscalisation tous les six ans des donations des jeunes, contrairement à la défiscalisation tous les quinze ans actuellement. La mesure concerne les donations venant de leurs parents ou grands-parents, connus pour avoir le plus gros patrimoine financier de la famille. Le but encore une fois, est de permettre aux jeunes d’investir dans l’immobilier, et de les accompagner en ce sens.
Les métropoles, zones tendues
« Vous avez un entassement des gens et des problèmes dans les métropoles », avançait Arnaud Montebourg. En effet, la grande majorité des métropoles sont des zones tendues, dans lesquelles il est difficile, mais surtout coûteux, de se loger. A l’inverse de la diagonale du vide dans laquelle Marine Le Pen a déploré « 24% de désertification », dénonçant un abandon des territoires, les étudiants doivent parfois « sacrifier la moitié de leurs revenus pour survivre dans un logement précaire en métropole » car la demande dépasse l’offre de logements sur le marché. La métropole pose problème, et, au-delà, l’inégale répartition des habitants qu’elle provoque. Ces pistes de travail sont à étudier lors du prochain quinquennat, pour des questions de répartition entre territoires et métropoles mais surtout, des questions d’ordre social.
La rénovation énergétique au cœur des débats
Votée en août 2021, la loi portant sur la lutte contre le dérèglement climatique, dite loi climat et résilience, comprend un volet sur la construction de nouveaux bâtiments et la rénovation énergétique de ceux qui existent déjà. Le calendrier de cette loi indique qu’en 2025, les logements classés G en termes de performance énergétique ne pourront plus être mis en location. En 2028, ce sera le cas des logements classés F, puis des logements classés E en 2034. Pourtant, le calendrier n’a pas fait l’unanimité. « S’il faut éradiquer les passoires thermiques, le calendrier n’est pas tenable », a affirmé Dominique Estrosi-Sassone. Arnaud Montebourg a aussi reconnu que « ce calendrier n’est pas une politique réaliste ». En termes de délais premièrement, mais aussi en termes de financements nécessaires, car les travaux de rénovation coûtent cher. Pourtant, la loi climat et résilience a vocation à bloquer 3,5 millions de logements actuellement loués, s’ils ne sont pas rénovés. Un facteur supplémentaire de tensions pour se loger en métropole.
Nathalie Appéré a approuvé le calendrier de la loi tandis qu’Aurélien Taché a estimé qu’il n’était pas raisonnable. « Le calendrier n’est pas raisonnable car je pense qu’il devrait être plus rapide », a-t-il admis. Plus rapide oui, mais à une seule condition : « dans ce cas, nous devons accompagner ces objectifs » a-t-il annoncé notamment en employant un budget de 10 milliards d’euros sur la politique de rénovation. Un budget proche de celui que le quinquennat actuel a employé dans la rénovation. Roland Lescure a en effet souligné l’engouement autour du dispositif MaPrimeRénov’ Copropriété. « Plus de 7 milliards d’euros ont été déployés pour encourager la rénovation et nous avons reçu deux fois plus de demandes pour MaPrimeRénov’ Copro que prévu ». Un bilan positif sur ce point, qui met en avant l’urgence de nouvelles mesures en matière de rénovation de logement, alors que la grande majorité des candidats présents estime le calendrier de la loi climat et résilience trop serré, à l’image des professionnels de l’immobilier présents dans la salle.