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Protection des lanceurs d’alerte : quelles conséquences pour les entreprises ?

Le cabinet Flichy Grangé Avocats a invité le député Raphaël Gauvain à participer à un webinaire sur l’impact pour les entreprises des dispositions de la loi Sapin 2 et de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.
Les lanceurs d'alerte, "whistleblowers" en anglais, sont des employés qui divulgue des faits graves potentiellement constitutifs d’infraction (en donnant un coup de sifflet), sans contrepartie financière directe.
© Adobe Stock - Les lanceurs d'alerte, "whistleblowers" en anglais, sont des employés qui divulgue des faits graves potentiellement constitutifs d’infraction (en donnant un coup de sifflet), sans contrepartie financière directe.

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En 2005, la CNIL se prononçait sur les dispositifs d’alerte en entreprise et les critiquait en fixant un certain nombre de contraintes très étroites en la matière.

« Près de 20 ans après, ça a bien changé car la loi Sapin 2 oblige les entreprises à mettre en place ces dispositifs d’alerte », a expliqué l’associé Joël Grangé dans ses propos introductifs avant de céder la parole au député LaRem de Saône-et-Loire Raphaël Gauvain.

L’élu a été invité non seulement parce qu’il est avocat, mais surtout car il est co-rapporteur de la mission d’évaluation de la fameuse loi Sapin 2, qui fut la première à consacrer un régime général de protection des lanceurs d’alerte en France, et qu’il a travaillé cet automne sur la proposition de loi de transposition de la directive européenne visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.

Amélioration du dispositif de protection

L’an dernier, la commission des lois a décidé d’évaluer le dispositif mis en place par la loi Sapin 2 « pour deux raisons : parce que ça nous semblait opportun car c’était l’une des lois les plus importantes du quinquennat précédent, et qu’on souhaitait préparer le débat sur la transposition de la directive européenne sur les lanceurs d’alerte », a-t-il précisé.

Cette évaluation tout à fait « transpartisane » est arrivée à la conclusion que si la loi a donné de nouveaux droits aux lanceurs d’alerte, la réalité est que « son effectivité n’est pas au rendez-vous ».

Une proposition de loi, soutenue par les rapporteurs Sylvain Waserman et Catherine Di Folco a donc été déposée pour transposer la directive européenne et améliorer le dispositif français afin d’en faire le modèle à suivre en la matière.

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur cette loi le 25 octobre. La commission mixte paritaire s’est mise d’accord le 21 janvier dernier avant que le texte soit définitivement adopté par le Parlement à l’unanimité « malgré de fortes pressions extérieures ». Il ne reste plus qu’au Conseil constitutionnel, saisi par le Premier ministre le 18 février, à rendre sa décision le 18 avril prochain.

Raphaël Gauvain a énuméré les quatre questions sur lesquelles les députés et les sénateurs ont débattu :

  • le comportement des intéressés de bonne foi et leur non-rémunération ;
  • la libéralisation des canaux de dénonciation ;
  • le refus de donner la protection des lanceurs d’alerte aux personnes morales ;
  • la protection effective et financière des lanceurs d’alerte : « un des grands manquements de la loi Sapin 2, pour mieux les protéger contre les procédures baillons ».

« Je pense que nous sommes arrivés à un bon équilibre pour donner une protection effective aux lanceurs d’alerte, par rapport à 2017, et que la loi sera appliquée dans un délai d’environ 6 mois », a précisé le député.

Libéralisation des canaux de dénonciation

Natacha Lesellier, nouvelle associée du cabinet Flichy Grangé Avocats anciennement juristes chez L’Oréal en charge du suivi des dispositifs éthiques du groupe, a présenté plus en détail le contenu de la loi, notamment la nouvelle définition du lanceur d’alerte avec les notions de personne de bonne foi, sans contrepartie financière directe, qui divulgue des faits graves potentiellement constitutifs d’infraction.

Elle a ainsi explicité la notion de libéralisation des canaux de dénonciation, car il y a désormais trois procédures de signalement : interne, externe et publique (voir schéma).

« On a libéralisé le processus d’alerte car les lanceurs peuvent révéler les faits directement au public. Je pense que c’est un bon système car ça met la pression sur les entreprises pour qu’elles mettent en place un véritable système de recueil d’alerte interne effectif, transparent et garantissant les droits de tous », a commenté Raphaël Gauvain.

Le concept de « facilitateur » fait aussi son arrivée et bénéficie du même régime de protection que le lanceur d’alerte.

Pour l’avocate, la loi crée surtout de nouvelles mesures de protection : une immunité pénale doublée d’une immunité civile, de nouveaux agissements considérés comme des mesures de représailles, et la possibilité offerte de faire une demande de provisions pour couvrir la situation financière dégradée du lanceur d’alerte.

Elle consacre également un nouveau rôle au Défenseur des droits pour accompagner les whistleblowers et recueillir les alertes.

Impact sur les dispositifs d’alerte et les procédures d’enquêtes internes

Pour les signalements en dehors du cadre de la procédure interne « la façon de faire va devoir changer », a alerté l’avocate, car il faudra passer par les canaux institutionnels ou médiatiques.

Joël Grangé a soulevé la problématique de la communication des identités en demandant à Raphaël Gauvain comment protéger le lanceur d’alerte et l’anonymat des témoins lorsqu’ils, ou l’entreprise accusée, demande à consulter le rapport de lancement d’alerte. « C’est toujours une question d’équilibre », a-t-il répondu. Et si l’affaire avance et prend une tournure pénale, « évidemment qu’il y aura des auditions et des confrontations dans le respect des droits de la défense avec une divulgation des identités des personnes ».

Quid lors des enquêtes internes où parfois les entreprises extérieures, qui ne sont pas des cabinets d’avocats, ne respectent pas toujours les droits de la défense lorsqu’elles effectuent leur mission. « Il faudra sans doute mettre une place une législation qui encadre mieux ces enquêtes internes », a proposé le député.

« Lorsque nous menons une enquête interne, nous sommes particulièrement soucieux de respecter les droits de la défense et l’anonymat des témoins mais il est évident que l’on ne peut pas faire porter le même poids aux déclarations et témoignages anonymes contre ceux de personnes déclarées à visage découvert », a précisé Me Grangé.

Que faire contre les signalements abusifs et diffamatoires ? « Les études montrent que s’il y a des signalements abusifs, ce ne sont pas la majorité, et c’est pour ça que les entreprises doivent faire des enquêtes internes. Sinon, il faut rappeler que l’obligation de confidentialité s’applique évidemment au lanceur d’alerte donc il peut être attaqué là-dessus », a expliqué Me Lesellier.

Enfin, à la question de savoir quel est le délai maximum donné à l’entreprise pour traiter l’alerte, l’avocate à répondu « trois mois pour engager un suivi », en précisant toutefois que « ce n’est pas une deadline définitive ».

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