Affiches Parisiennes : Pouvez-vous nous décrire votre niche professionnelle ?
Antoine de Brosses : L’aspect réglementaire est monstrueux dans le droit du produit. Juste l’alimentaire représente 40 000 pages de textes. Il y a donc un ticket d’entrée de compétences et connaissances très lourd sur lesquelles nous nous sommes développés depuis longtemps. Notre niveau d’expertise est lié à cette complexification réglementaire.
Isabelle Haye : Notre activité consiste à accompagner les produits tant dans le conseil lors de la mise sur le marché, qu’en phase de précontentieux lorsqu’il y a des contrôles, ou de contentieux lorsque cela survient.
Gilles Boin : Notre activité, quelque soit le produit concerné, alimentaire, de santé, chimique ou de grande consommation, est à la frontière de la réglementation, du droit et de la science.
AP : Pourquoi avoir décidé de créer ce cabinet très spécialisé ?
AdeB : L’originalité du cabinet c’est de nous consacrer exclusivement au droit des produits. C’est-à-dire nous intéresser à tous les aspects des produits de grande consommation, à leur réglementation et mise sur le marché. Pour mettre un produit sur le marché, il faut en premier lieu vérifier ce que l’on met dedans et ce que l’on raconte sur celui-ci (étiquetage). Ensuite, nous assurons la défense des produits en cas de contentieux (de la viande de cheval dans les lasagnes congelées, la mouche dans le vin jusqu’à la souris dans le sachet de pates, ndlr). Notre maîtrise de la réglementation et du droit nous permet donc de régler des problèmes que ni ingénieurs ni juristes ne peuvent résoudre. Nous appliquons les méthodes de travail des grands cabinets internationaux dans lesquels nous avons travaillé de nombreuses années et dont nous avons pu mesurer les avantages et les inconvénients.
GB : Nous avons un regard très précis sur le produit grâce à notre réseau d’experts. Nous sommes à l’interface du juridique, de la réglementation et du scientifique.
AP : De quels produits parle-t-on ?
AdeB : Nous sommes spécialisés dans tous les produits de grande consommation, notamment dans l’agro-alimentaire et les produits de santé.
IH : Les produits de santé, c’est le médicament et tout ce qu’il y a autour : les compléments alimentaires, dispositifs médicaux, cosmétiques, produits et éléments du corps humains. Tous ces produits répondant à des réglementations très spécifiques et variées.
AP : Le cabinet compte pour le moment deux fondateurs et une associée, racontez-nous votre rencontre ?
AdeB : Gilles et moi avons fondé le cabinet après avoir travaillé ensemble dans quatre grandes structures internationales : Keller & Heckman, Hogan Lovells, Simmons & Simmons, et puis il y a bien longtemps chez Gide. Nous avons un passé de quinze ans dans la spécialité.
IH : J’ai exercé dix ans dans le cabinet Reinhart Marville Torre avant de m’installer. J’ai rejoint Gilles et Antoine en juillet dernier, avec pour principal objet le droit des produits de santé.
AP : Quelle clientèle visez-vous ?
AdeB : Nos clients sont essentiellement des industriels. Ceux qui fabriquent des produits finis mais aussi des ingrédients. Nous travaillons côté producteur, jamais consommateur.
AP : On imagine que dans le domaine du droit des produits, notamment de santé, il est nécessaire de s’entourer d’experts techniques et scientifiques. Disposez-vous d’un réseau d’experts étendu ?
AdeB : Nos experts représentent un atout majeur de notre cabinet. En fait, nous nous appuyons sur deux réseaux principaux. Un réseau de confrères, qui exercent comme nous au sein de cabinets de niche, dans le monde entier, le Food Lawyers Network. Et un réseau d’experts scientifiques et techniques français avec qui nous travaillons depuis très longtemps. Grâce à ces réseaux de spécialistes de haut niveau, nous pouvons ainsi accompagner une entreprise sur les dossiers les plus compliqués : la molécule, l’OGM, les contaminations chimiques, toxiques, toxicologiques…
GB : Parmi nos experts, il y a ceux reconnus pour leurs compétences techniques (microbiologiste, toxicologue, spécialiste OGM), et il y en a d’autres qui sont en quelque sorte des Hub scientifiques qui vont nous orienter vers le spécialiste difficile à dénicher.
AP : Vous êtes à l’origine de la création du réseau Food Lawyers Network, pouvez-vous nous en parler ?
AdeB : C’est un réseau de best-friends réunissant des partenaires de confiance ayant le même niveau d’expertise. Le Food Lawyers Network regroupe exclusivement des avocats liés par le secret professionnel. L’idée est de pouvoir offrir à un grand groupe l’expertise sur un produit qui pourra ensuite être lancé sur le marché dans 20 pays simultanément en une semaine. Cela n’existe pas à l’heure actuelle.
GB : Lorsque nous avons commencé chez Simmons & Simmons, nous avions recherché des homologues dans notre spécialité, les produits alimentaires, dans les bureaux internationaux du cabinet, en vain. Nous avons donc pris contact avec des spécialistes étrangers, exerçant au sein de cabinets de niche ou de grands cabinets. Au même moment, un avocat allemand et un italien ont entrepris la même démarche. A sa création en 2007 nous étions une dizaine d’avocats. Aujourd’hui, notre réseau compte une trentaine d’avocats dans le monde entier (Europe, Amérique, Russie, Israël, Australie…). La très grande majorité (98 %) exerce dans des cabinets de niche. Il s’agit, en fait d’une société d’experts. Nous nous informons et communiquons en permanence sur les dernières jurisprudences en la matière. Comme pour le thé « Detox » qui est une allégation santé interdite dans certains Etats. Chaque année, nous publions un petit fascicule sur un thème que nous offrons à nos clients. L’an dernier, c’était sur les allégations environnementales (labels recyclables, écologiques…).
AP : Quelles jurisprudences récentes ont bouleversé votre domaine ?
AdeB : Nous avons eu récemment des contentieux sériels qui ont abouti à découvrir, avec encore plus de lumière, qu’une règle de fond sur un produit ne vaut rien si on n’a pas en même temps une règle qui définit le contrôle du produit. En effet, les méthodes de contrôle pour savoir si telle viande est bien de la viande de cheval ne sont pas encore définies.
GB : Nous avons aussi obtenu des décisions de jurisprudence sur la notion d’allégation de santé portant sur des produits alimentaires et leur interaction avec les marques déjà utilisées par les entreprises.
AP : Dans quelle mesure le droit européen influence-t-il votre pratique professionnelle ?
AdeB : Pour résoudre un problème, nous réalisons toujours une veille juridique complète. Avec l’exemple des produits alimentaires, la réglementation est à 50 % européenne 50 % française.
IH: Il en est de même pour les produits de santé. En France, nous avons toujours une spécificité qui s’ajoute à la règle commune applicable dans l’Union européenne. Il est donc nécessaire de croiser en permanence les informations. Cela implique une veille quotidienne.
AP : Avez-vous un objectif d’extension du cabinet à l’international ?
AdeB : Oui, nous avons l’ambition d’ouvrir un cabinet secondaire à Bruxelles. L’objectif n’est pas la taille du cabinet mais de couvrir le spectre complet des produits de grande consommation. C’est un autre business model que le full service offert par les grands cabinets d’avocats. Ce sera un cabinet spécialisé dans les produits. En résumé, tout ce que nous trouvons dans nos supermarchés et pharmacies.
AP : Pratiquez-vous le lobbying ?
GB : Nous intervenons en support au lobbying. Nous apportons aux lobbyistes notre expertise dans la rédaction de textes relatifs aux produits.
AP : Vous recrutez des collaborateurs et stagiaires, quelles qualités premières recherchez-vous ? Avez-vous des profils prédéfinis ?
GB : Il n’existe pas de formation spécifique en réglementation produit. Par conséquent, nous assurerons personnellement la formation de nos collaborateurs. Nous recherchons des talents ayant de solides bases en droit privé et /ou européen, dotés d’une parfaite maîtrise de l’anglais. Il est essentiel que le candidat témoigne d’un réel intérêt pour les produits.
Une de spécificités de notre activité est que dans la même semaine, nous pouvons intervenir en droit des obligations en réglant une question de contrat, en droit pénal avec un client poursuivi pour tromperie, en droit européen avec un client étranger qui demande si ses compléments alimentaires sont compatibles avec le marché français, et puis aussi en droit administratif avec un recours pour excès de pouvoir sur des mesures imposées par l’administration.