Stars & Métiers : l'artisanat français prisé à l'étranger
Les lauréats Stars & Métiers 2014 démontrent qu’une entreprise artisanale qui réussit, s’appuie sur l’exigence d’un travail de qualité, sait renouveler son offre aux consommateurs et peut se développer à l’international malgré un climat économique morose.
Si chacun des huit artisans récompensés ont su placer au cœur de leur entreprise le capital humain, la moitié d'entre eux peuvent se venter d'avoir su faire reconnaître à l'étranger leur savoir-faire français.
Ces lauréats offrent une mosaïque vivante de la richesse et du dynamisme de l’artisanat français moderne et sont une vitrine parfaite du Made in France.
N'oublions pas que l’artisanat est le premier employeur de France. Avec 3,1 millions d’actifs, il génère plus de 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires par an. Comme le souligne si bien le fond national de promotion et de communication de l'artisanat, "L'artisanat occupe une place prépondérante dans l'économie française. Il est le dépositaire de traditions anciennes, de techniques éprouvées, d'une culture qu'il enrichit et adapte au gré des évolutions de la société et des goût de sa clientèle".
Du machinisme agricole à la cristallerie d'art, l'artisanat français s'exporte :
- Alain Dorez, à la tête d'une entreprise familiale qui accompagne les mutations agricoles depuis six générations, l’Atelier Dorez, basé à Dampierre (Aube) et récompensé pour ses innovations technologiques dans le domaine du machinisme agricole.
Dans les années cinquante, quand les tracteurs remplacent les chevaux partout en France, le grand-père maréchal-ferrant se reconvertit dans la vente et la réparation de machines agricoles. En quelques décennies, l’entreprise s’impose comme le principal partenaire des céréaliers et producteurs de pomme de terre de Champagne-Ardenne. Pour accompagner le développement de l’entreprise familiale, Alain et son père créent, en 1989, l’« Atelier Dorez ». C’est le début d’une nouvelle aventure : pendant la basse saison, Alain conçoit des prototypes d’engins agricoles innovants et adapte des machines dans l’objectif d’améliorer le quotidien des agriculteurs de la région. C’est là que naît le fleuron de l’atelier Dorez : une station mobile de triage et protection des semences (photo). A l’heure où le marché des graines s’internationalise, Alain fait le pari fou de la filière courte. Un modèle dans lequel l’agriculteur fait valoir son droit séculaire à re-semer ses propres semences, pour en maîtriser l’origine et la qualité. Dès sa commercialisation en France, fin des années 80, la station mobile agraire remporte un énorme succès auprès des groupements d’agriculteurs et coopératives. Mais Alain Dorez veut aller plus loin. En 2004, il teste des pompes-doseuses gérées électroniquement pour l’application des produits phytosanitaires. Un système qui limite les manipulations par l’homme, évite le rejet de poussières dans l’environnement et surtout, permet d’importantes économies en améliorant nettement la précision du dosage selon le volume de semences à traiter. Après plusieurs années d’expérimentation et deux brevets déposés, la nouvelle machine, présentée en 2009 au Salon International du Machinisme Agricole remporte un grand succès : en quatre ans, le chiffre d’affaires croît d’un tiers.
Aujourd’hui la station se vend déjà en Europe, en Russie et en Afrique, et les perspectives de développement dans les pays émergents sont fortes !
- Martine Mauger-Matray, chef de l’entreprise HTI Services, basée à Saint-Gérand-Le-Puy (Allier) et récompensée pour sa stratégie globale d’innovation dans le domaine de la conception et l’assemblage de flexibles haute technologie.
En reprenant HTI Services en 2011, Frédéric Mauger perçoit le fort potentiel de cette entreprise artisanale auvergnate qui fournit des flexibles haute sécurité à l’industrie agroalimentaire, cosmétique, pharmaceutique,chimique. A la disparition de son époux, Martine Mauger (à gauche de la photo) reprend les rênes, poursuit le dessein de son mari et se prend de passion pour l’entreprise et ses hommes. Mettant son emploi de professeur des écoles entre parenthèses, elle accélère la structuration de l’activité, instaure une démarche-qualité partagée par l’ensemble du personnel et crée des outils de pilotage permettant d’ évaluer en permanence la rentabilité et la performance de l’entreprise. Côté marketing, l’entreprise se dote d’un outil de relation client, crée un catalogue pour mettre en valeur ses 3 500 produits et s’assure une présence sur les salons-clés du secteur. Un site internet bilingue est développé, deux commerciaux recrutés.
Sur le plan stratégique, Martine et son équipe mettent l’accent sur l’innovation et la certification : tuyaux homologués pour le transport de matières dangereuses ou sous pression dans les usines SEVESO, flexibles antistatiques pour les zones explosives, échangeurs thermiques flexibles... chaque besoin spécifique devient un défi pour les techniciens d’HTI. Avec une gamme qui se renouvelle en permanence autour de la marque-phare Alimax®, une capacité de production qui atteint désormais 20 000 flexibles par an et une force de frappe commerciale stimulée, l’activité décolle. Le chiffre d’affaires progresse de 7 % en deux ans et l’effectif passe de 7 à 12 personnes.
Prochaines étapes pour cette capitaine d’entreprise artisanale qui insiste pour réinvestir, chaque année, le quart des bénéfices dans la recherche et développement : agrandir les locaux, se lancer à l’assaut de nouveaux marchés... et protéger la dernière invention sortie de ses laboratoires : un raccord tournant 100 % étanche.
- Christophe Roussel, pâtissier-chocolatier basé à La Baule (Loire-Atlantique) et récompensé pour sa dynamique commerciale.
Son histoire est celle d’une ascension fulgurante. Après un CAP de pâtissier-chocolatier-glacier-confiseur et de nombreuses expériences professionnelles à l’étranger (Amérique du Sud, Antilles, Suisse, Polynésie...), il s’installe à La Baule en 2004. A partir de 2008, il ouvre une deuxième boutique à Guérande puis fait construire à La Baule, un atelier de 800 m².
En 2013, deux nouvelles adresses bauloises voient le jour dont un atelier de pâtisserie artisanale.Les touristes et les Baulois apprécient la proximité et la convivialité de Christophe Roussel : « Un dimanche de haute saison, il y a plus de mille familles qui dégustent nos pâtisseries à midi. Ma récompense, c’est de pouvoir partager des conseils, des émotions avec eux.»
Mais aujourd’hui, sa grande satisfaction est d’avoir ouvert une boutique à Montmartre, où il vend une gamme originale de bonbons de chocolats, « les petites buttes Montmartre » et une gamme de petites Tours Eiffel en chocolat réalisées par un designer.
Un succès qu’il doit à une stratégie commerciale énergique : passée de quatre à trente personnes en dix ans, dont une dizaine d’apprentis, son entreprise a vu son chiffre d’affaires croître de 40 % ces deux dernières années. Et les projets ne manquent pas : agrandir l’atelier, ouvrir un nouveau site de vente en ligne et transformer l’arrière-boutique de la maison-mère, à la Baule, en école de pâtisserie pour le grand public.
Depuis deux ans, il crée des corners événementiels à la St Valentin dans les six premières villes du Japon, où ses produits-phares font fureur tel le "Kisses from...", un chocolat à la framboise en forme de bouche !
- Franck Benito, chef de l’entreprise Cristal Benito & Fils basé à Colombes (Hauts-de-Seine) et récompensé pour sa dynamique commerciale dans le domaine de la création d’objets d’art.
Franck incarne la troisième génération d’une famille d’artisans ayant réussi à hisser la cristallerie française au rang d’œuvres d’art. Dans les années 1970, son père initie une montée en gamme qui permet à l’entreprise de percer sur le marché américain et devenir une référence mondiale auprès des architectes et décorateurs d’intérieur, des boutiques de luxe et des collectionneurs privés. En 2000, le dernier-né poursuit la saga familiale, avec des ambitions commerciales renouvelées. Franck prend d’abord soin de faire déposer la marque maison à l’INPI, en France, mais aussi en Chine, afin d’éviter les contrefaçons. Il innove avec des séries limitées destinées aux arts de la table : vases, coupes, coffrets, œufs, bonbonnières, carafes et flacons... et lance une gamme d’appliques art déco. Des initiatives qui séduisent ses clients tels Caron, Harrod’s ou Mercury. Pour consolider son chiffre d’affaires, dont 90 % est réalisé à l’export, il s’assure une présence qualitative sur les salons internationaux (Maison & Objet à Paris et Moscou, Decorex à Londres) et multiplie les missions de prospection à l’étranger. En France, il devient fournisseur officiel de l’Elysée et de l’ambassade des Etats-Unis pour la restauration de pièces en cristal.
La cristallerie d’art telle qu’envisagée par Franck Benito croise divers métiers : bijoutier, sertisseur, façonneur de minéraux, souffleur de verre, bronzier d’art et doreur. Celui qui apprécie de pouvoir, à travers ses créations, imposer de nouveaux modèles intemporels n’hésite pas travailler sur des projets d’envergure : sa pièce maîtresse, un bar à ours serti de diamants, a nécessité plus d’un an d’élaboration ! Pour se développer en France, il tisse actuellement un réseau de chefs d’entreprise artisanale, titulaires, comme lui, du label Entreprises du Patrimoine Vivant. A l’international, il mise sur des catalogues sur-mesure associant des tirages professionnels de ses œuvres, à des photos d’atelier en clair-obscur. Une manière de mettre en scène son travail et sublimer ses créations auprès des intermédiaires commerciaux les plus exigeants. Son ambition : percer sur le marché de la décoration de yachts de luxe, en plein essor aux Émirats Arabes Unis, en Angleterre et en Russie.
Stars & Métiers : l’artisanat français se projette dans l’avenir
Depuis 2007, les Banques Populaires et les Chambres de métiers et de l’artisanat organisent le prix Stars & Métiers pour récompenser le succès et le dynamisme de chefs d’entreprises artisanales, dans tous les secteurs d’activités.
Ils réussissent car ils pratiquent l’innovation technologique, stratégique, managériale et commerciale. En 2014, plus de 2 000 candidats de tous les métiers de l’artisanat et régions de France ont participé aux différentes sélections départementales et régionales. Plus de 80 ont été retenus à l’issue des sélections régionales pour concourir au niveau national.
Pour cette 8ème édition, le jury national était composé de représentants des Banques Populaires, des Chambres de métiers et de l’artisanat, des SOCAMA, de l’UPA ainsi que d’institutions et organismes professionnels, de journalistes et d’experts investis dans le développement de l’artisanat français. Au terme d’une compétition régionale puis nationale, 8 lauréats ont été désignés dans quatre catégories (innovation technologique, stratégie globale d’innovation, dynamique de gestion des ressources humaines et dynamique commerciale).
Les lauréats nationaux seront mis à l’honneur et recevront leur trophée lors d’une grande soirée qui aura lieu le 2 décembre à la Salle Wagram, à Paris. Elle réunira près de 1 000 participants : organisations professionnelles, institutionnels, apprentis, personnalités politiques et médias.
L’intérêt apporté à ce concours par la presse régionale et nationale garantit aux lauréats une large reconnaissance par le grand public. Par ailleurs, un voyage pour deux personnes récompense les lauréats. Il constitue un temps de découverte interculturelle tout en permettant la création de multiples réseaux professionnels et internationaux.