La Master Class, variété de moot court, est un procès fictif devant une juridiction composée de professionnels, sur un procès réel, en cours, les plaidoiries étant aussitôt suivies d’un délibéré avec le public, puis de la décision, rendue « sur le siège ».
La Cour fictive était composée de Anne-Marie Sauteraud, présidente de la 17ème chambre du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris, assistée par Maître Eric Andrieu (cabinet Pechenard) et Maître Nelly Olas (Baker & Mckenzie). Tandis que deux étudiantes ont plaidé face à un ancien, Robinson Ladreit de Lacharrière, avocat à la cour (cabinet Neuer). Le professeur Gautier, quant à lui, a endossé les habits de l’avocat général.
Ce cas pratique s’est basé sur l’appel d'une décision rendue par la 17ème chambre civile du TGI de Paris le 4 décembre 2013, opposant l’actrice Emmanuelle Béart au journal le Figaro. Les juges ont condamné le Figaro à verser 1 euro de dommages et intérêts à l’actrice et à publier un communiqué judiciaire relatant la décision pendant dix jours sur le figaro.fr, pour l'avoir imputé à tort d'être exilée fiscale en Belgique. Retenant l'atteinte à la vie privée et le droit au respect de son image, le tribunal souligne que « l'information litigieuse est insuffisamment sérieuse et vérifiée pour pouvoir être justifiée par la légitimité du débat d'intérêt général » sur l'exil fiscal. Le Figaro a fait appel de cette décision.
En réalité, l’audience d’appel est à venir devant la Cour d'appel de Paris. Deux grands principes des droits fondamentaux sont en question : la liberté d'expression et la protection de la vie privée.
Les deux étudiantes ont joué le rôle des avocats de l’appelant, le Figaro, tandis que le jeune avocat Robinson Ladreit de Lacharrière a joué celui de l’intimée, Emmanuelle Béart.
La plaidoirie claire et concise des étudiantes, basée sur le droit à la liberté d'information défini par l’article 10 de la Convention Européennes des Droits de l’Homme (CESDH), n’a pas suffit à conquérir l’auditoire. Argumentant sur le fait que la société le Figaro, animée par le principe de l'exercice de sa liberté d’expression, dans un but affirmatif et non pas racoleur, d’informer le public sur le débat de société « d’intérêt général » que serait les célébrités exilées fiscales, et sur le démenti de Madame Béart publié juste deux jours après la publication litigieuse, les avocats n’ont pas convaincu. Pourtant, leur argument concernant le fait que cette même information ait été relayée par de nombreux journaux tels que le Huffington post, France soir, France tv info ou encore Voici, et qu’elle provenait d’un article du Nouvel Observateur écrit en 2010, jamais démentie en deux ans de temps, était fort habile.
La plaidoirie de l’avocat d’Emmanuelle Béart a fait état du caractère sensationnel des propos du Figaro, de l’absence de débat d'intérêt général « il s'agit uniquement de satisfaire la curiosité du public », de la violation des articles 8 et 9 de la CESDH sur le respect de la vie privée et des opinions, du caractère insuffisamment sérieux et vérifiée de l’information publiée, et enfin d’une atteinte à l’honneur de sa cliente.
Le Ministère Public, incarné par Pierre-Yves Gautier, s’est dit « extrêmement dubitatif et troublé par ce dossier », il lui semble que l'avocat de l’actrice a utilisé un fondement juridique qui pose une difficulté : ce n'est pas tant la vie privée que la responsabilité civile qui est en jeu ici. En l'espèce, il y a eut erreur de la part du Figaro, il semble acquis par les parties que Madame Béart n'a pas déménagé en Belgique pour échapper au fisc français. Le fondement est donc soit la diffamation, s'il y a eut atteinte à l'honneur (loi sur le droit de la presse de 1881 avec prescription de 3 mois), soit une négligence, donc une responsabilité civile délictuelle relevant de l’article 1382 du Code civil. Il lui semble que les éléments du délit civil (faute, dommage, lien de causalité) sont rassemblés ici. La réparation du dommage avant l'instance pose problème car le Figaro s'est empressé de publier un rectificatif faisant droit aux demandes de la plaintive. Mais ici, le dommage a-t-il entièrement disparu ? On est dans le domaine de l'internet, de l'infini, de l'éternel, le dommage n'a donc pas vraiment disparu puisque de nombreux commentaires et articles à ce sujet sont encore accessibles sur le net.
Finalement, la Cour a exposé son avis au public qui a pu en débattre. Ce qui en est ressorti est que les plaidoiries, claires et juridiquement justes, ont souffert de quelques lacunes. De fait, n’ont pas été abordé le caractère anodin de l’information, le droit à l’image (puisqu’une photo allait avec l’article), et les éventuelles excuses du Figaro qui allaient avec la publication rapide du démenti. En outre, la mention de l’atteinte à l’honneur était mauvaise et allait trop loin puisqu’elle suggérait une diffamation ce qui aurait pour effet de permettre aux juges de requalifier les faits (grâce à l’article 12 du Code de procédure civile) et de les exclure car prescrits.
Pour finir, aux questions « y a-t-il eut atteinte à la vie privée ? » le public a répondu majoritairement oui, et à « est-elle légitimée par un débat d’intérêt général ? » il a répondu non, ce qui pronostique un rejet de l’appel du Figaro.