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Louis Degos : un progressiste au CNB

Louis Degos, délégué du bâtonnier de Paris aux Affaires publiques, vient d'être élu membre du Conseil national des barreaux. A cette occasion, il livre son analyse des dossiers chauds, du dauphinat au statut de l'avocat en entreprise, de l'abrogation de la postulation territoriale à la construction du barreau du Grand Paris… Une approche diablement progressiste…
Louis Degos : un progressiste au CNB

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Affiches Parisiennes : Commençons par parler du barreau de Paris. Eu égard à vos responsabilités aux affaires publiques, vous avez dû contribuer à la réforme du dauphinat ?

Louis Degos : J’ai effectivement porté la réduction du dauphinat voulu par les Bâtonniers actuels (NDLR : Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet) à six mois. A leur demande, j’ai préparé une étude avec un groupe de travail qui a abouti à décaler les élections de novembre à juin. Il n’était pas aisé de tenir la plume, présenter le rapport, un peu envers et contre tous, notamment les anciens bâtonniers qui considèrent qu’un an de dauphinat était important. Au final, le Conseil de l’Ordre a pris la décision de réduire le dauphinat à six mois, considérant que c’est suffisant. Quand on devient président de la République française ou président des Etats-Unis, il n’y a pas de dauphinat du tout ! Je suis favorable à ce dauphinat réduit et à un mandat plus long pour le bâtonnier. Deux ans, c’est trop court, surtout quand il passait une année avec un dauphin. Les interférences existent. La meilleure démonstration c’est de voir les candidats qui disent « le dauphinat, c’est important, parce qu’on peut initier des projets ». Mais s’ils souhaitent initier des projets, c’est forcément qu’ils s’immiscent dans la gestion du bâtonnier en exercice. Ceux qui sont aux affaires sont ainsi progressivement poussés vers la sortie. Moi qui sors de trois années passées au sein du Conseil de l’Ordre, je peux dire qu’il y a des projets, mais que ce n’est pas forcément le dauphin qui les initie, parce que les équipes de candidats sont tellement organisées qu’en réalité ces projets sont prévus dès avant dans les programmes des candidats au Bâtonnat. On se rapproche actuellement d’une élection plus politique que corporatiste.

A.P : Vous venez d’être élu au Conseil national des barreaux. Quelle y sera votre action ?

L.D : J’aimerais participer très activement à l’évolution de cette instance qui arrive à un tournant de sa jeune existence de 24 ans. Le CNB va devoir à présent entrer dans l’âge adulte et ce changement mérite d’être accompagné. Je ne crois plus du tout en la dichotomie Paris-Régions. Je pense qu’il y a surtout de la pédagogie à faire entre le juridique et le judiciaire. Certains avocats judiciaires connaissent mal la population des « avocats du juridique ». Dans mon cabinet, dont je suis le managing partner, j’ai la chance de proposer à nos clients un petit concentré de ce qu’offre le barreau de Paris, c’est-à-dire aussi bien du judiciaire que du juridique. Je m’occupe du judiciaire, mais je connais aussi le juridique… A Paris, sur un effectif de 26 000 avocats, 7 000 font du judiciaire, près de 20 000 font du juridique. Ces derniers ont porté la robe une fois, pour prêter serment, et ils la remettront une fois ou deux, mais enfin, ce monde n’a rien à voir avec celui qu’on voit au Palais de Justice, qui vote dans les instances ordinales…

Le CNB n’échappe pas à la règle, il est très majoritairement, si ce n’est exclusivement, porté, présidé, par l’esprit judiciaire de la profession. Il y a une incompréhension, une incommunicabilité. Les avocats du judiciaire ne comprennent pas qu’ils ont des confrères qui sont avocats à 100 %, mais qui ne mettent jamais les pieds dans les Palais de justice, les Tribunaux et les Cours. Cela pose évidemment des problèmes de réflexion, d’orientation.

Pour prendre l’exemple du juriste en entreprise, les confrères qui font du juridique connaissent très bien cette population, savent comment ils travaillent, les côtoient tous les jours, savent ce qu’ils souhaitent. Les avocats du judiciaire les connaissent mal, très peu, voire pas du tout ! Et l’ignorance fait peur, comme partout… Cela alimente un tas de fantasmes. Nous entendons des confrères, y compris en charge de mandats, nous dire que nous allons être envahis par 200 000 juristes, alors qu’ils sont environ 15 000, selon le décompte gouvernemental. Cette peur s’exprime même au barreau de Paris !

J’espère donc apporter cette approche au CNB, en disant « moi aussi je suis un avocat du judiciaire, je ne suis pas plus Parisien que vous tous, puisque comme tout Parisien, je viens de ma province, en l’occurrence du Sud-Ouest. Il est temps que la réforme de 1991 soit comprise ». Le XXIe siècle, cela fait maintenant près de 15 ans que nous sommes dedans. Il est quand même temps de s’atteler au changement. C’est cette réflexion que je veux porter. Je souhaite que le CNB prenne ce tournant de l’ouverture, de la modernité, vers une grande profession d’avocat capable de convaincre, comme dans d’autres pays. Aux Etats-Unis où je vais souvent, les groupements de lawyers ont une puissance incroyable. Ils arrivent à créer ce qu’on appelle la « soft law ». Ils ont une vraie pratique, soit de place, soit internationale, avec impact économique certain. Ils parviennent même à influer sur la législation de certains pays parce qu’ils ont une activité internationale de lobbying, de marketing. Nous ne savons pas encore faire cela en France, alors que notre pays est le berceau du droit civil. Nos confrères anglo-américains de la common law sont bien mieux organisés que nous. Pourquoi refusons-nous, en France, d’avoir une profession puissante ? C’est aujourd’hui ma question. C’est au CNB d’y répondre et je compte bien apporter ma voix en faveur d’une profession d’avocats plus forte et plus puissante plutôt que recroquevillée sur elle-même.

Je resterai par ailleurs très proche du barreau de Paris que je continuerai à servir. Ce barreau a ce côté agitateur d’idées, laboratoire de concepts et créateur de mouvement qui ouvre sur une certaine liberté, un certain dynamisme qu’il faut préserver. Ce n’est pas pour autant qu’il faut l’opposer au CNB au prétexte que ce dernier serait statique.

A.P : Cette dynamique n’est-elle pas partiellement brisée par la multiplicité de barreaux nationaux ? En d’autres termes, êtes-vous pour un ordre national ?

L.D : Les barreaux sont des tribus et les avocats sont des Gaulois. Ce qui est paradoxal, c’est que la volonté d’unifier vienne aujourd’hui des Pouvoirs publics ! Ces derniers semblent vouloir faire notre bien contre notre gré. Je suis effectivement pour la création d’un ordre national, mais pas à n’importe quelle condition. Je suis pour une rationalisation à travers la création de différents échelons. Je comprends qu’on veuille préserver un niveau départemental, un ordre de proximité qui se chargerait du service auprès des justiciables. Puis, un échelon régional prendrait en compte un certain nombre de spécificités, en lien avec les Cours d’appel. Enfin, viendrait l’échelon national, plein et entier. Ce type d’organisation me paraît meilleur que l’actuel.

A .P : Dans le même sens, où en est-on avec la création de l’Ordre du Grand Paris ? Certains semblent craindre cette évolution…

L.D : Sur les sujets techniques qu’engendrent cette réforme, il y a, à mon avis, de la méconnaissance et une certaine frustration de la part des bâtonniers des barreaux d’Île-de-France. L’évolution est claire et nous l’accompagnons au barreau de Paris, c’est la métropolisation. Cette dernière est déjà en vigueur au niveau des forces de l’ordre. Elle également inscrite au niveau de la gouvernance des édiles. En réaction à cette inéluctable avancée, plutôt que la levée de bouclier, je crois qu’il conviendrait de prendre modèle sur la gouvernance du Grand Paris que les politiques ont défini. Faire le Grand Paris des barreaux, cela ne veut pas dire donner les clés aux Parisiens intramuros, mais plutôt établir un équilibre entre Paris, les petite et grande couronnes. Cela pose d’autres problèmes, vis-à-vis de la carte judiciaire, notamment du côté du barreau des Hauts-de-Seine qui est actuellement d’avantage tourné vers les Yvelines puisque sa CARPA a fusionné avec celle de Versailles, plutôt que vers la capitale. Sur ce sujet, j’ai entendu certains élus et certains membres de cabinets ministériels, dirent qu’il faudra peut-être revoir la carte judiciaire et redistribuer les ressorts des Cours d’appel…

A.P : Dans la perspective de création du barreau du Grand Paris, certains bâtonniers d’Ile-de-France redoutent malgré tout une position dominante du barreau de Paris…

L.D : Si les barreaux fusionnent, tous les avocats inscrits au barreau du Grand Paris disposeront des mêmes armes. Il n’y aura pas de différence. Par ailleurs, en petite et en grande couronnes, il y a de nombreuses PME, je pense notamment aux artisans du secteur du bâtiment. Ils vont continuer à s’adresser aux avocats les plus proches de leur siège social, même s’ils travaillent la plupart du temps dans la capitale. C’est donc davantage une question de gouvernance qu’il va falloir régler qu’une peur économique.

Cette réflexion me fait penser à la question de la postulation territoriale. Avec la grande majorité des avocats du barreau de Paris, je pense que ce passage obligé vient d’un autre temps et qu’avec internet, la fibre optique, le TGV… il n’a plus lieu d’être. A l’heure où il faut faire des économies d’échelle, morceler et cloisonner n’est pas vraiment la bonne solution. J’ai l’impression que certains s’attachent à des baronnies.

Cette postulation territoriale n’a plus de justification juridique, plus de justification formelle, plus de justification économique, ni même de justification sociale vis-à-vis du justiciable. Si la postulation territoriale disparaît, cela va-t-il encourager les avocats parisiens à aller plaider dans les régions ? Ne sont-ce pas, au contraire, les confrères de région qui vont venir plaider à Paris ? Nous avons l’impression que c’est la capitale qui va s’étendre… Mais l’extension va dans les deux sens ! En réalité, c’est Paris qui se fait grignoter par tous les bouts. En ce sens, la fin de la postulation territoriale dérange la population judiciaire parisienne. La population juridique est beaucoup moins gênée.

Ceci étant, la réforme proposée (par la Chancellerie), qui ne convient toujours pas aux avocats de région, c’est non plus l’abrogation de la postulation territoriale, mais la postulation à l’échelle des Cours d’appel. Nous passerions de plus de 160 barreaux à 36 Cours d’appel. Diviser le maillage par sept ou par huit serait déjà une grande avancée, même si n’est pas idéal sur le principe. Le côté « passage obligé » de la postulation territoriale n’est plus audible ni par la population ni par le gouvernement. Mais ce n’est pas parce qu’on retire un passage obligé qu’on n’y passera plus. Nous y sommes habitués et, d’un point de vue pratique, nous prendrons un « correspondant », au lieu d’un « postulant », qui fera exactement la même chose. Sur une base volontaire, et non plus obligatoire, nous aurons simplement l’impression de maîtriser la chose.

A.P : Au niveau des réformes en gestation, l’absence d’étude d’impact, notamment sur l’abrogation de la postulation territoriale, vous pose-t-elle un problème ?

L.D : Oui. Le gouvernement a tort de vouloir réformer sans études d’impact préalables. La postulation territoriale a quand même donné lieu à un rapport de l’Inspection générale des finances. Ce sont des gens sérieux ! Cette étude conclut en substance qu’instaurer des passages obligés issus du XIXe siècle, n’est plus conforme à l’économie et à la mobilité actuelle. En revanche, il y a d’autres sujets pour lesquels cette absence d’études d’impact est préjudiciable, notamment l’aide juridictionnelle pour laquelle le rapport du député Jean-Yves Le Bouillonec, qui est davantage une approche politique que technique –ce que doit être une étude d’impact–, est loin de suffire.

A la fin du projet de loi Macron, il est fait état de la réforme des juridictions prud’homales qui intéresse le monde du travail. Celle-ci institue un défenseur syndical et, en même temps, pour permettre un meilleur fonctionnement des juridictions sociales, la représentation obligatoire au niveau de la Cour d’appel. Mais instaurer un défenseur syndical qui viendrait jouer le rôle de l’avocat devant la Cour d’appel n’est pas acceptable. C’est pour les avocats un coup de canif, ou même un coup de poignard. Je trouve cela très inquiétant. Si on prend cette voie aujourd’hui, on va faire plaider demain les agents immobiliers devant le Tribunal de grande instance.

C’est la première exception à la représentation obligatoire ouverte à des personnes –sans doute très compétentes– qui ne sont pas des auxiliaires de justice. Cette réforme est issue du récent rapport de Monsieur Lacabaratz, qui est un grand magistrat, réalisé en concertation avec le Conseil national des barreaux. Le barreau de Paris n’a pas été sollicité. Certaines personnes du CNB ont donc donné un blanc seing ! Ont-ils marchandé cette représentation obligatoire contre ce coup de poignard qui est pour moi une déchirure dans la robe d’Avocat ? Là non plus, il n’y a pas eu d’étude d’impact. Il y a pourtant là un coût direct pour l’Etat. Le défenseur syndical est salarié d’une entreprise. Or, tout le temps qu’il passera en juridiction devra être remboursé à l’employeur par l’Etat. Ce dernier va donc rembourser un salaire dont il ne maîtrise pas le quantum, alors même qu’en pratique, on me l’a appris récemment, les syndicats et les représentants syndicaux sont aussi rémunérés sur une partie des condamnations qu’ils obtiennent. Je crois donc que ce type de loi part d’une bonne intention et qu’elle dérive vers d’énormes problèmes, vis-à-vis des avocats, des magistrats, du justiciable, sans parler des problèmes de finances publiques. In fine, ce texte va engendrer des questions sur le financement des syndicats... Le gouvernement a bêtement ouvert la boîte de Pandore !

Ne jouons pas avec la représentation obligatoire. Ne jouons pas avec la postulation. Nous touchons là un grand principe de notre profession. Autant la postulation territoriale est une modalité de fonctionnement, autant là, nous sommes sur un principe, celui de la représentation obligatoire de l’auxiliaire de justice.

J’ai saisi mes bâtonniers sur ce problème. Ils m’ont donné instruction d’y œuvrer aux affaires publiques pour faire retirer cette mesure. Heureusement ces articles ne passeront pas par voie d’ordonnance, mais seront discutés devant la représentation nationale. Nous sommes déjà en train de fourbir nos amendements et j’espère pouvoir œuvrer aussi dans ce sens au CNB. Le problème est que les syndicats font sans doute la même chose.

A.P : Dans le projet de loi Macron, savez-vous ce qui risque de passer par voie d’ordonnance et ce qui sera discuté au Parlement ?

L.D : Je dispose du projet de texte qui a été transmis par le ministère concerné au Conseil d’Etat, où se dessinent assez bien les réformes. Certaines mesures seront probablement prises par voie d’ordonnances, notamment le statut d’avocat en entreprise (qui s’il se heurte à une forte opposition parlementaire fera l’objet d’un amendement), mais aussi l’ouverture du capital des cabinets et l’abrogation de la postulation territoriale...

A.P : A vos yeux, cette loi ne prend-elle pas en compte trop de réformes ?

L.D : Une partie de ces réformes exprime une volonté politique. D’autres sont obligatoires. On oublie, par exemple, que l’abrogation de la postulation territoriale est exigée par l’Europe, au même titre que les bureaux secondaires. L’Union européenne vient nous dire « comment se fait-il qu’un avocat européen, du fait de la libre circulation des services, a le droit de s’installer de Berlin à Marseille, alors qu’un avocat de Lille ne peut pas aller s’installer à Marseille ? »

A.P : Concernant les affaires publiques du barreau de Paris, vous restez délégué du bâtonnier ?

L.D : Je devrais rester délégué du bâtonnier pour permettre une transition la plus efficace possible et continuer à travailler sur les sujets qui ont été initiés cette année et sous la présidence du Membre du Conseil de l’Ordre qui sera l’année prochaine en charge des affaires publiques. Ces affaires publiques ne sont pas soumises à un rythme d’un an, de deux ans ni même de trois ans. C’est souvent un travail à très long terme. Via les affaires publiques de Paris, le barreau de Paris est, par exemple, partenaire de France Expo 2025. C’est dans 10 ans !

Dans cet esprit de professionnalisation des affaires publiques, il va falloir essayer de dépasser les rythmes de la politique professionnelle de nos organisations et de nos institutions. Je devrais donc, tout en étant au CNB, continuer à servir mes confrères parisiens si les Bâtonniers en exercice et leur successeur me le proposent. On m’a donné en début d’année la mission de créer ces affaires publiques et je ne peux m’empêcher de considérer que c’est un peu mon bébé, même si je ne suis pas l’unique parent car ce sont d’abord les Bâtonniers Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet qui en sont les géniteurs

A.P : Vous avez eu des sujets extrêmement importants à suivre, notamment les professions réglementées, l’aide juridictionnelle, la lutte contre le terrorisme, les écoutes téléphoniques, la décentralisation. Qu’est-ce qui reste à faire aujourd’hui ?

L.D : Pour l’année qui vient, nous avons déjà pas mal de sujets sur notre feuille de route. D’abord, nous n’allons pas lâcher l’aide juridictionnelle. C’est malheureusement une question récurrente, parce que c’est une ligne dans le budget de la chancellerie, alors qu’elle devrait être un grand principe républicain d’accès au droit. Nous avons une grande idée qui me tient à cœur, basée sur le concept d’une Sécurité sociale de la justice. Nous projetons de passer par une organisation, peut-être plus nationale. Nous avons testé l’idée et nous sommes en train d’étudier la faisabilité de ce qui deviendrait une caisse nationale d’accès au droit qui trouverait divers financements, une gestion rationalisée, une gouvernance semi-publique… Les échos que nous avons sont tout à fait encourageants. Nous sommes par ailleurs en mission de préfiguration sur le Grand Paris. Là aussi, c’est un sujet important et nous envisageons d’organiser une série de conférences, rencontres, assises… qui sera plus large que la question de l’avocature, touchant la gouvernance, l’administration, la sécurité, les transports, la carte judiciaire… Ce dossier dépasse le seul barreau de Paris et nous souhaitons l’ouvrir à d’autres barreaux.

A.P : L’avocat en entreprise devrait aussi être un sujet qui va vous occuper en 2015 ?

L.D. : Bien sûr. Le calendrier est assez serré. Si le texte est voté, d’ici un an, il va falloir accueillir les premiers avocats en entreprise. Nous allons donc affronter quelques révolutions coperniciennes, à commencer par l’arrêt de la politique de la chaise vide, en participant à l’élaboration, à la rédaction des textes et en expliquant la méthode qui permettrait que ce statut soit accepté par l’ensemble de la profession. Si cette réforme ne se fait pas avec nous, elle se fera sans nous. En janvier, le projet de loi d’habilitation devrait être adopté. Nous aurons donc une ordonnance au printemps, peut-être sans besoin de décret d’application. La mise en vigueur sera effective d’ici un an. Même si on parle de 15 000 juristes d’entreprises, même si tous ne pourront pas ou ne voudront par devenir immédiatement avocat en entreprise, il va falloir les accueillir. Je ne suis pas sûr que les barreaux de France seront capables de faire passer 3 000 examens de déontologie supplémentaires par an sans s’y préparer.

A.P : Certains voudraient déléguer cette mission aux universités…

L.D : Nous faisons tout pour que cela n’arrive pas. Ce sont les ordres et leur barreau qui doivent avoir la maîtrise de leur tableau. Nous ne voulons pas entendre parler de commission d’accès. Nous devrons donc faire face aux problèmes logistiques. A Paris, nous accueillons chaque année 2 000 nouveaux avocats. Nous savons faire, notamment avec l’EFB et pourrons faire plusieurs sessions. L’accueil de nouveaux confrères ne devrait donc pas poser de problème à Paris.

A.P : Ces avocats en entreprise vont ainsi participer pleinement à la vie des barreaux ?

L.D : Oui. Ils vont également participer aux élections. Voilà quelque chose qui pourrait faire peur aux avocats, surtout à Paris. Certains avocats en entreprises parisiennes vont être à la tête d’effectifs juridiques qui seront supérieurs à de nombreux barreaux français. Le directeur juridique de la Société Générale est, par exemple, le chef de 1 200 juristes. Le directeur juridique d’Orange a dans son service 700 juristes. Ces gens-là sont des bâtonniers en puissance… Le judiciaire devrait néanmoins conserver son influence. Nous verrons bien si nous imiterons le barreau du Québec où le bâtonnier est actuellement une avocate en entreprise, sans que cela ne pose de problème à personne. Nous allons grossir nos rangs et du même coup notre force de frappe. Les institutions et la gouvernance vont devoir s’ouvrir aussi !

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