La loi Pinel du 18 juin 2014 a encadré le régime des baux commerciaux et modifié leurs caractéristiques afin de favoriser l'implantation de nouveaux commerces.
Ce colloque, organisé par Marine Parmentier et Julien Prigent, co-présidents de la commission Droit Immobilier ainsi que par Michèle Brault et Nicolas Boullez, ceux de la commission Procédure de l'ACE, analyse l'impact de la législation sur le régime des baux commerciaux, après cinq ans d'application.
Des lacunes rédactionnelles
Le premier bilan porte sur les lacunes de la préparation et de la rédaction de la loi.
« Mal préparée car adoptée dans la précipitation », c'est le constat de Fabien Kenderian, maître de conférences à l'université de Bordeaux. La loi Pinel devait garantir l'équilibre entre bailleurs et commerciaux et nombre de mesures ont été prises par le législateur pour y parvenir. La « rédaction défectueuse ou du moins maladive » de la loi lui porte préjudice, l'éloignant de son esprit initial. Cela a causé des interprétations divergentes, contraignant la Cour de cassation à rendre des arrêts « doctrinaux » pour mettre fin aux controverses existantes sur l'état du droit.
Par ailleurs, la loi a introduit certaines obligations sans prévoir de sanctions inhérentes.
Les méandres de son application dans le temps
Comme toute loi, l'application de la loi Pinel est régie par les articles 1 et 2 du code civil. « Elle est en principe applicable immédiatement et non rétroactivement », expose Bastien Brignon, maître de conférences à la faculté de droit d'Aix-en-Provence. Elle n'est donc, en théorie, pas applicable aux procédures ou instances en cours puisqu'elle n'est pas une loi de procédure.
Toutefois, « des exceptions importantes s'appliquent à ce principe », ajoute-t-il. Conjointement aux dispositions dont l'entrée en vigueur est repoussée à plus tard, certaines dispositions nouvelles trouvent une application immédiate aux contrats en cours ou renouvelés, s'agissant notamment des dispositions du statut des baux commerciaux ayant un caractère d'ordre public, dès lors qu'elles justifient d'un motif légitime impérieux ou en cas d'application de la théorie des effets légaux du contrat.
Si la jurisprudence de la Cour de cassation a apporté des précisions aux incertitudes juridiques causées par les différentes entrées en vigueur, sécurisant ainsi la relation contractuelle, la loi Pinel continue d'alimenter un important contentieux.
Enfin, comme l'a soulevé le professeur à la fin de son élocution, qu'en sera-t-il de la date d'entrée en vigueur des réponses jurisprudentielles, sachant que, si la loi est par nature non-rétroactive, la jurisprudence est, par nature, l'inverse.
Application nébuleuse du réputé non-écrit
Pour introduire cet aspect de la loi, rappelons que sont réputées non-écrites les clauses contraires aux dispositions d'ordre public de la loi. Le réputé non-écrit ne nécessite pas l'intervention du juge et ne prive de tout effet juridique que la clause. Les actes délivrés sur la base d'une clause réputée non-écrite sont donc inefficaces.
En opposant le réputé non-écrit, les dispositions légales transgressées par la clause se substituent, en principe, à celle-ci. Les dispositions supplétives pourraient également trouver à s'appliquer à la place de celles litigieuses.
Toutefois la question du « dépeçage » de la clause peut se poser, c'est-à-dire l'ablation de la stipulation illicite ou de la totalité de la clause litigieuse, point sur laquelle la jurisprudence diverge. En effet, concernant les baux commerciaux, la problématique se pose du déséquilibre significatif entre les parties, critère qui s'apprécie au regard du contrat dans sa globalité et pas uniquement au regard de la clause illicite.
Loi Pinel pour booster l'artisanat
Promulguée le 18 juin 2014, après des mois de travail faisant suite au Pacte pour l'artisanat lancé en janvier 2013 par Sylvia Pinel, alors ministre de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme sous François Hollande, la loi relative à l'artisanat, aux commerces et aux très petites entreprises – dite loi Pinel - a réformé le statut des baux commerciaux.
L'objectif principal de cette loi était de mieux réguler les rapports locatifs des commerçants et des artisans pour soutenir une offre diversifiée sur le territoire en favorisant le développent des TPE. Plus précisément, ce texte législatif répondait à quatre objectifs complémentaires appuyés par des mesures concrètes comme :
• « Dynamiser les commerces de proximité, en rénovant le régime des baux commerciaux ;
• favoriser la diversité des commerces dans les territoires, notamment les plus fragiles, en renforçant les leviers des Pouvoirs publics et en modernisant l'urbanisme commercial ;
• promouvoir la qualité et les savoir-faire de nos artisans, en clarifiant le statut des artisans ;
• simplifier et harmoniser les régimes de l'entreprise individuelle, en créant un régime unique de la micro-entreprise et en facilitant l'accès à l'EIRL », selon le Gouvernement.
Pour faciliter la vie des TPE, la loi Pinel a mis en place des mesures juridiques concrètes, en modifiant notamment l'indice de référence pour la révision triennale légale du loyer ou le plafonnement du loyer du bail renouvelé. Elle a aussi allongé à 3 ans la durée du bail dérogatoire ; supprimé la possibilité du locataire de renoncer à sa faculté de résiliation triennale et modifié la répartition des charges pour l'état des lieux. La loi a enfin consacré un droit de préférence au locataire en cas de cession par le propriétaire du local loué, et a limité à trois ans la
« garantie solidaire » qui pèse sur le locataire cédant à compter de la cession du bail.
Anne Moreaux