« La profession a travaillé main dans la main avec l'ensemble des acteurs de la justice consulaire. Agiles, créatifs et déterminés, nous avons mis en place en un temps record une solution de visioconférence sécurisée pour continuer de travailler malgré le confinement », déclare Sophie Jonval, présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC).
Le numérique au service de l'humain
Se revendiquant « tiers de confiance » qui œuvrent pour la pérennisation des entreprises françaises, les greffiers des tribunaux de commerce ont su tirer parti de leur avance technologique pour continuer à accompagner les dirigeants dès le confinement, grâce à la visioconférence, au téléphone et à des outils de télétravail maîtrisés.
En effet, s'il est concilié avec un service de proximité, le numérique peut se révéler être un allié hors pair. Le CNGTC a réussi à déployer, début avril, en plein confinement, un système de visioconférence sécurisé et crypté dans les 141 greffes qui a permis que se tiennent des centaines d'audiences.
Invités par le CNGTC à participer à une table-ronde sur les accompagnements pour le chef d'entreprise, les représentants d'autres institutions de la Justice commerciale, dont le Médiateur des entreprises, sont aussi passés au digital.
« Notre approche de base c'est quand même le présentiel. Nous avons donc dû apprendre très rapidement à nous servir des applis de visioconférence et nous avons réussi. En revanche, on s'est quand même rendu compte que pour les médiations les plus complexes, il valait mieux attendre de se rencontrer en physique. Le numérique doit nous libérer du temps qui doit être investi dans plus d'humain », témoigne Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises.
Sur la même longueur d'onde, Elise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab, partage son mantra : « le numérique est un outil “au service de“ et pas une finalité ». « Très rapidement se sont mis en place des conseils pour accompagner les entreprises à distance, notamment visant à mettre en place les mesures d'urgence », témoigne cette dernière, tout en rappelant l'importance de préserver le lien physique avec les dirigeants accompagnés par la Bpi.
« Comme Bpifrance est une banque, on pense tout de suite aux outils de financement spécifiques à la crise. Nous avons en effet assuré la plateforme PGE, mais nous avons aussi mis en place un numéro vert. Au-delà des outils de financement, nous avons mis en place toute une palette d'outils d'accompagnement et avons aidé à peu près 1 000 entreprises par téléphone pendant le confinement », ajoute-t-elle.
« Le numérique a pleinement joué son rôle car il a permis la continuité de nos services et de nos activités malgré le confinement. Infogreffe et le tribunal digital, notre dernière innovation, ont très bien fonctionné », témoigne quant à lui Dieudonné Mpouki, président du GIE Infogreffe. « Le discours du tout numérique ne règle pas toutes les problématiques. L'accompagnement doit être multiforme », ajoute-il cependant.
Diffusion de l'esprit de justice
« La crise a permis à l'esprit de justice de se diffuser », lance Marc Binnié, président d'Apesa France, convaincu de l'importance des réseaux de soutien aux dirigeants.
Ce greffier associé du tribunal de commerce de Saintes a mis en place un dispositif national de soutien psychologique aux chefs d'entreprise en difficulté (présent dans 67 TC) qui a permis de prendre en charge plus de 3 000 dirigeants en souffrance depuis 2013, dont 730 depuis le début de l'année, et de « former 2 252 sentinelles ». Apesa a mobilisé 400 psychologues en 3 semaines pendant le confinement, et formé 1 000 sentinelles de plus. Une appli dédiée sera d'ailleurs proposée dans les semaines à venir.
« Un dispositif formidable dont je voudrais m'inspirer pour que le même soutien psychologique puisse être apporté aux agriculteurs ou aux professions libérales qui relèvent du tribunal judiciaire », a d'ailleurs déclaré le garde des Sceaux dans son allocution de clôture du congrès.
« Derrière chaque dossier il y a une vie humaine », rappelle Marc Binnié.
« On a fait passer l'idée aux chefs d'entreprise que le dialogue pouvait les aider », explique de son côté le Médiateur des entreprises.
Dieudonné Mpouki, président du GIE Infogreffe et greffier associé du tribunal de commerce de Paris souligne aussi l'importance du dialogue et du collectif pour pouvoir déployer des services juridiques efficaces sur l'ensemble du territoire.
« Au mois de mars on a multiplié par 10 le nombre de médiations. Nous sommes passés d'une soixantaine de sollicitations par semaine au début du mois à 600 sollicitations fin mars, avec un taux de succès qui est resté à 75 % grâce à l'aide de nombreux collaborateurs. La bonne nouvelle c'est que ça a marché car notre taux de succès est resté constant malgré la crise », se réjouit Pierre Pelouzet.
Une crise salutaire ?
« On a appris tellement de choses avec cette crise qui a recréé du lien, ce qui est très important, qu'on se demande si nous n'avons pas besoin de tels événements pour retrouver le cap de l'intérêt général », confie Marc Binnié.
« Le symbole de la justice c'est l'équilibre et il peut servir d'intérêt général », poursuit-il.
Elise Tissier regrette que certaines PME aient pu constater et faire part de leur déception sur la réaction de leurs donneurs d'ordre, grands groupes « pas très solidaires et pas du tout en accord avec leurs discours officiels », et espère que cette crise contribuera à renforcer les liens du tissu économique français.
Sophie Jonval salue le lancement de la mission flash par le garde des Sceaux, menée en partenariat avec les Centres d'Information sur la Prévention (CIP), et le remercie d'avoir fait appel à la profession pour aider à orienter les entrepreneurs en difficulté vers des solutions rapides et concrètes. Le CNGTC sera effectivement représenté dans la mission par Maître Oudenot, greffier du tribunal de commerce de Marseille. Pilotée par Georges Richelme, président de la conférence générale des juges consulaires de France, cette mission présentera ses premières conclusions à Éric Dupond-Moretti le 20 décembre prochain.
« Cette crise nous rappelle que l'incertitude est présente, et encore plus forte qu'avant. Pour un dirigeant, travailler sur sa vision stratégique est toujours aussi important. Des acteurs comme Bpifrance doivent porter un discours sur le collectif et la résilience économique », rappelle Elise Tissier.
Des partenariats sont évoqués pour institutionnaliser les liens entre les différentes institutions d'accompagnement des chefs d'entreprise en difficulté, notamment avec le CNGTC dont l'observatoire statistique lancé en 2019 semble être un outil très précieux.
Thomas Denfer, vice-président du CNGTC, interroge les intervenants sur leurs projets de rebond face à cette crise qui va se poursuivre un moment. « C'est le moment d'accélérer comme dit mon directeur », répond Elise Tissier, directrice de Bpifrance Le Lab « bien que l'incertitude s'accentue, on doit accepter ce niveau extrême et prendre quand même des décisions ».
« Le plus difficile reste toujours devant nous car le raz de marée des défaillances n'a pas encore eu lieu », alerte Sophie Jonval dans ses propos conclusifs en rappelant que « le maître-mot doit rester l'anticipation ». Preuve que les acteurs de l'accompagnement des entreprises doivent plus que jamais rester mobilisés.
Assurer la continuité de la justice commerciale
« Cette année 2020 est particulière. La grave crise sanitaire que nous traversons depuis le mois de mars, et qui connaît actuellement une inquiétante résurgence, continue d'avoir des impacts considérables », constate Sophie Jonval, présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce (CNGTC) dans son discours introductif. Ce congrès a été l'occasion pour elle de partager sa vision sur le rôle de soutien de sa profession au service des entreprises en difficulté.
« Le confinement a été une période inédite durant laquelle l'activité économique a été brutalement suspendue. J'ai ici une pensée particulière pour les victimes de cette pandémie, mais aussi pour toutes les professions qui se sont mobilisées, au premier rang desquelles les personnels de santé. Comme le reste des grandes fonctions de notre société, le service public de la Justice a été brutalement impacté. Dès les premières mesures annoncées par le Gouvernement pour faire face à la crise, les greffes des tribunaux de commerce se sont mobilisés pour assurer la continuité de la justice commerciale », poursuit-elle.
C'est pourquoi le thème central de ce 132e congrès est l'accompagnement des entreprises, au cœur des missions de la profession.
La présidente du CNGTC met cartes sur table. Les greffiers de tribunaux de commerce font aujourd'hui face à un pic d'activités qui crée un « double enjeu : poursuivre leur mission judiciaire d'accompagnement des entreprises tout en préservant la santé des collaborateurs des greffes, des justiciables et des auxiliaires de justice ».
« Cette crise sanitaire nous a amené, nous greffiers, à repenser notre manière de travailler […] et à puiser dans le meilleur du numérique », ajoute Sophie Jonval.
Le numérique offrant un moyen de communiquer en respectant les contraintes sanitaires, le CNGTC a opté pour l'organisation d'un congrès 100 % digital. Un congrès inédit qui permet ainsi de « s'adresser à un public plus large que notre traditionnel rendez-vous annuel », se réjouit sa présidente, bien décidée à convaincre l'opinion publique de la forte mobilisation de sa profession auprès du monde des affaires.
Elle finit enfin par saluer ses consœurs et ses confrères pour « leur mobilisation et leur engagement sans faille » et les remercier infiniment.
Un soutien sans faille du garde des Sceaux
Dans son allocution, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti a avant tout salué « la mobilisation exceptionnelle » de la profession des greffiers « qui a permis aux tribunaux de commerce de fonctionner correctement malgré la crise ».
« Je sais pouvoir compter sur votre profession qui a beaucoup d'idées et de ressources », lance le garde des Sceaux à leur adresse.
Il fait notamment référence à l'avance des greffiers en matière numérique et leur maîtrise des outils de visio-conférence qui ont permis « que le service public de la justice commerciale ne soit pas interrompu ».
Il témoigne ensuite de ce qu'il a pu constater en rencontrant les personnels du greffe du tribunal de commerce d'Orléans début septembre, soit une grande mobilisation des acteurs à l'écoute des difficultés des entrepreneurs.
« Je tiens également à saluer votre engagement pour la mise en œuvre des outils de lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme. La tenue du Registre du Commerce et des Sociétés, et du registre des bénéficiaires effectifs, vous place aux avant-postes pour détecter les fraudes et lutter contre la circulation d'argent sale », déclare le garde des Sceaux.
« Je ne suis pas inquiet, je sais que vous pouvez relever d'importants défis », lance-t-il en visant leur devoir de vigilance ainsi que leur implication dans le redressement de la situation des tribunaux mixtes de commerce d'outre-mer.
Sujets fâcheux, les conséquences de la loi Pacte qui prévoit la mise en place d'un Guichet unique et la révision tarifaire des prestations juridiques sont aussi abordées plus brièvement. Éric Dupond-Moretti annonce alors le report de l'entrée en vigueur des nouveaux tarifs des formalités d'entreprise à l'année prochaine, et la présentation imminente du décret d'application du Guichet unique devant le Conseil d'État afin qu'il puisse ouvrir le 1er janvier 2021.
Enfin, après avoir précisé que ses services analysent actuellement les propositions formulées par le CNGTC pour faciliter l'accès à leur profession « toujours accueillies avec attention », ce dernier se réjouit que le dialogue soit constant entre l'État et l'institution des greffiers.