Baker MacKenzie publie la cinquième édition de son rapport intitulé « The Year Ahead : Global Disputes Forecast 2022 » qui retranscrit l’état d’esprit des grandes entreprises clientes du cabinet sur leur anticipation des litiges à venir et, cette année exceptionnellement, celui de 600 avocats seniors basés au Royaume-Uni, aux Etats-Unis, au Brésil et à Singapour. Des points de vue venant de quatre continents afin de donner une vision internationale de l’évolution des contentieux.
« Ce rapport a pour objet de fournir à nos clients ce que nous constatons sur l’évolution du marché des litiges au niveau mondial, notamment nos prédictions sur ce qui risque de se passer dans l’année à venir, en fonction des retours de nos grandes entreprises clientes ayant plus de 500 millions dollars de chiffre d’affaires et de leurs avocats », explique Claudia Benavides.
Pour cette avocate et arbitre expérimentée, l’information cruciale de ce rapport est qu’aujourd’hui, ce sontles litiges relatifs à la cybersécurité et à l'ESG (critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance, ce qu’on appelle en France la responsabilité sociétale et environnementale « RSE ») qui représentent les risques les plus conséquents pour les grands groupes. Selon elle, les résultats de cette enquête sont sans réelle surprise mais restent intéressants en ce qu’ils confirment des tendances émergentes depuis plusieurs années qui ont été renforcées par la crise.
Des entreprises anxieuses qui anticipent un boom des litiges
Cette enquête couvre un panel varié d’entreprises appartenant à six différents secteurs : retail (commerce de vente au détail), énergies et infrastructures, technologies-médias-communication, mode de vie, fabrication industrielle et transport, et institutions financières.
Bien que 50 % des entreprises interrogées s'attendent à ce que le volume de leurs litiges reste stable en 2022, l’étude révèle qu’un tiers prévoit une augmentation. Beaucoup de grands groupes sont donc plutôt anxieux quant à leur volume de contentieux à venir.
Plus préoccupant encore, ces derniers se considèrent comme mal préparées aux litiges à venir, en particulier les entreprises de plus petites tailles. Seulement 35 % des répondants expriment une grande confiance dans le niveau de préparation de leur organisation aux litiges.
« Ce qu’il faut retenir de ce rapport c’est que le Covid domine toujours le paysage des conflits, mais des risques familiers reviennent au centre de l'attention, en particulier autour de la protection des données et de l'ESG. Si notre étude révèle que de nombreuses entreprises s’estiment mal préparées à l’essor de ces conflits, elles peuvent toutefois prendre des mesures simples pour atténuer ces risques », commente Claudia Benavides.
En outre, les entreprises et avocats interrogés anticipent que le coût global des litiges va continuer d'augmenter malgré que la conduite des procès en ligne et l’utilisation d’outils digitaux permettent de baisser certains coûts de procédure.
Des tendances générales attendues
« Sans surprise, notre enquête révèle que les deux risques majeurs qui inquiètent le plus les entreprises sont d’une part les litiges relatifs à la protection des données et la cybersécurité pour 72 % des personnes interrogées, et d’autre part ceux qui peuvent émerger des nouvelles obligations liées à l'ESG pour 67 %. Pour le premier type de risques c’est tout à fait logique puisque la technologie est partout, dans tous les secteurs, et d’autant plus depuis la crise sanitaire qui a obligé les entreprises à se numériser et à s’exposer davantage aux cyber risques.Pour le second type c’est pareil, la transition énergétique met l’accent sur certains actes et engagements des entreprises qui, s’ils ne sont pas respectés, feront nécessairement l’objet de poursuites et accroit le risque réputationnel », précise l’avocate.
En effet, qu’il s’agisse d’assurer la protection des données personnelles des clients et fournisseurs, ou bien de contrôler la bonne application des règles environnementales, éthiques et du respect des droits de l’Homme dans toute la chaîne d’approvisionnement, notamment chez ses sous-traitants, les scandales sont vite arrivés et peuvent ternir fortement l’image de l’entreprise. Ce constat impose donc aux organisations de mettre le paquet sur leur dispositif de compliance dans ces deux domaines précis.
Sans grand étonnement non plus, l’enquête révèle que 2/3 des entreprises préfèrent l'arbitrage au contentieux pour régler les litiges internationaux, certainement afin de se soustraire aux justices étatiques trop longues et aléatoires.
En outre, pour la majorité des professionnels interrogés la médiation en ligne est très utilisée et aussi efficace que le face-à-face. Une partie des arbitrages se déroule également de plus en plus par visioconférence ce qui permet d’en réduire considérablement les coûts. Les experts s’attendent ainsi à ce que ces nouveaux modes de travail se pérennisent.
Des rapports commerciaux bouleversés par les crises internationales
Si tous les répondants citent le Covid comme vecteur de litiges potentiels, il ressort cependant que la concurrence reste le principal facteur externe à l'origine des litiges. Les dynamiques commerciales mondiales et les règles antitrust risquent effectivement d’être bouleversées par les crises récentes, de la pandémie à la guerre en Ukraine, et aux problèmes d’approvisionnement d’énergies, de céréales ou encore de minerais, sans parler des services numériques et de la contrefaçon.
« Nous sommes tous conscients que la crise Covid a un impact considérable sur le monde des affaires et va causer beaucoup de contentieux », considère Claudia Benavides.
Le budget moyen alloué au traitement des litiges (y compris les règlements à l’amiable, les jugements, les sentences et les frais de justice) des entreprises interrogées par l’enquête s’élevait à 48 millions de dollars l'année dernière, soit une moyenne de 1,0 % de leur chiffre d'affaires. Étant donné que selon ce rapport pas moins de 82 % des entreprises interrogées craignent une enquête externe cette année et que la majorité anticipe une hausse de leurs contentieux, on peut en conclure que ce budget va augmenter.