Affiches Parisiennes: Qu’est-ce que Legal Suite?
Patrick V. Deleau: Créé au printemps 2000, Legal Suite est un éditeur de logiciels informatiques pour les juristes d’entreprise. Nous déployons chez nos clients des systèmes d’information juridique (SIJ) fédérateurs, organisateurs et structurants. Comme je le dis souvent, ce n’est pas l’informatique qui va asservir le juriste. Ça devrait être totalement l’inverse : l’informatique au service du juriste !
A.-P.: Comment est née l’entreprise?
P.V.D.: C’est un peu comme l’histoire du cordonnier mal chaussé qui refuse de l’être ! Je suis diplômé de droit des affaires et de finances, j’ai fait toute ma carrière dans le droit en entreprise et en particulier dans des sociétés nord-américaines de technologies. À la question ‘‘qu’est-ce que les technologies faisaient pour mes équipes et moi-même en termes d’outil ?’’ la réponse était ‘‘pas grand-chose’’. C’est comme ça que l’idée m’est venue de créer les premiers éléments qui allaient devenir une suite logicielle pour juriste d’entreprise. J’ai quelque part forgé l’outil que je ne trouvais pas et que je ne pouvais pas acquérir en France. C’est comme ça que Legal Suite est née.
A.-P.: Quel est l’intérêt des technologies pour les juristes d’entreprise?
P.V.D.: Quand on est juriste d’entreprise, la majorité de l’activité est du conseil interne, du contrat, tout ce qui relève de la préservation et de la bonne gestion des actifs financiers, des filiales et participations (propriété industrielle, marques et modèles, brevets, noms de domaine…), ce sont aussi des contentieux, des questions de patrimoine foncier (droit de l’immobilier, baux commerciaux), des libertés publiques (protection des données personnelles), des affaires sociales (contrats de travail, délégations de pouvoirs)… Tous ces domaines méritaient un outil qui vienne soutenir le savoir-faire des juristes spécialisés. C’est ce que procure aujourd’hui Legal Suite a ces différents métiers, soit fusionnés en un seul département juridique très généraliste, soit répartis en pôles d’expertise. Le droit est un des plus vieux métiers du monde alors que l’informatique n’a que quelques petites décennies. Le but était de rapprocher ces deux mondes, et de permettre aux juristes d’entreprise de suivre le rythme très soutenu du monde des affaires. Et surtout, ne pas faire que le département juridique d’une entreprise soit finalement le seul qui n’ait pas un logiciel spécialisé pour son métier. Les comptables, c’est fait depuis les années 1970, les financiers, les commerciaux, le marketing… depuis les années 1980, il ne manquait plus que les services juridiques !
A.-P.: Donc le concept manquait en France mais existait déjà aux États-Unis?
P.V.D.: Excellente transition parce que la réponse est oui. Dans notre développement international, on a découvert en 2008 que les legal technologies sont totalement associées aux États-Unis depuis 35 ans, avec l’existence d’un salon qui est devenu le rituel de ce secteur. Chaque année à New York, fin janvier, se déroule le LegalTech®. Preuve que les professionnels du droit innovants ont associé assez spontanément les métiers du droit aux nouvelles technologies.
A.-P.: Qu’en est-il de votre concurrence?
P.V.D.: Cette année, Legal Suite à intégré le « Magic Quadrant » de l’étude très convoitée du cabinet Gartner, un institut qui donne l’état des innovations et technologies sur tout ce qui est informatique pour l’entreprise. Ce cabinet a officialisé les « ELM » Entreprise Legal Management, dédiés aux acteurs majeurs dans la gestion des activités juridiques. C’est exactement ce qu’on fait, donc évidemment pour un créateur comme moi, juriste à l’origine, c’est une forme de reconnaissance et même de consécration. On fait aujourd’hui partie des huit entreprises dans le monde entier reconnues par le Gartner group. Il n’y a qu’une entreprise française dans ce carré magique, c’est Legal Suite. Pour nous c’est énorme parce que notre PME a gardé son indépendance et reste constante sur ses convictions.
A.-P.: Êtes-vous les seuls sur ce secteur en France?
P.V.D.: Non. Par contre, pour avoir été dans l’habit du client quand j’étais en fonction en entreprise et que j’avais sous ma responsabilité 120 filiales et participations, j’avais acheté un logiciel français, très rigide mais qui avait au moins le mérite d’exister. En revanche, à l’époque le marché n’offrait rien pour les contrats, le conseil interne, etc. Aujourd’hui, nous sommes l’un des seuls logiciels à fournir une offre globale composée de douze modules qui peuvent être choisis à la carte. Cette approche est différenciante par rapport à nos concurrents qui sont plutôt spécialisés (contrat, droit des sociétés, propriété intellectuelle…).
A.-P.: Quelle est votre clientèle?
P.V.D.: Nous avons une base de plus de 500 entreprises clientes allant de la multinationale à l’entreprise de taille intermédiaire, dans les secteurs privé comme public. On s’honore d’ailleurs de la clientèle de quelques ministères, conseils généraux et grandes municipalités. Nous sommes la seule société du secteur qui capitalise sur autant de clients, et des clients fidèles. Le taux d’équipement des départements et services
juridiques en France
augmente constamment mais on est loin de la saturation. Le logiciel pour juristes d’entreprise est un marché qui tourne très bien aux États-Unis et bien en France. Toutefois, le taux d’équipement n’est que de 25 % des directions juridiques françaises. Ce taux était de 5 à 8 % autour des années 2005.
A.-P.: Souhaitez-vous élargir votre cible?
P.V.D.: Les fonctions génériques et transverses de notre plate-forme GaLexy® le permettent. Nous n’avons pas la prétention de dire que le droit des affaires s’arrête à une douzaine de métiers. Donc, nous avons la possibilité d’offrir notre logiciel à d’autres publics que les juristes d’entreprises. Par exemple aux opérateurs de recouvrement de créances et aux financiers. L’acronyme GRC « gouvernance, risque management, compliance » nous intéresse aussi. La gestion des risques, la conformité et la gouvernance sont nées en réaction à des crises, notamment le scandale Enron et tout ce qui s’en est suivi. C’est souvent davantage, la réglementation (aux USA les lois Sarbanes–Oxley ; en France la loi de Sécurité financière), mais aussi les ensembles professionnels qui mettent au point des normes (les Accords de Bâle dans la banque ; Solvency dans l’assurance). Globalement, être conforme est un vaste programme. Nos logiciels permettent par exemple de lancer des campagnes d’audit électronique interne pour savoir si les contrats d’une entreprise sont conformes à toutes les réglementations. Ou encore de dresser la cartographie des contentieux d’une société. Legal Suite offre aussi un service de « mémoire juridique d’entreprise® » qui relève du fameux « knowledge management », la gestion de la connaissance de la société, une capitalisation essentielle pour l’entreprise.
A.-P.: L’innovation est au cœur de la stratégie du groupe Legal Suite, quelles sont les nouvelles innovations en matière de logiciels juridiques?
P.V.D.: Nous n’avons pas changé sur nos valeurs fondamentales de départ, et parmi celles-ci il y a l’innovation. Nous réinvestissons 18 % de notre chiffre d’affaires dans l’innovation. Je considère qu’on propose un des rares logiciels 2.0. Dès 2002, la partie technique de la société nous a fait passer en full-web, donc uniquement sur internet. Rétrospectivement, je dis bravo et merci à mes associés pour avoir insisté pour que Legal Suite ne s’endorme pas sur ses lauriers de base de données relationnelle très classique. En 2013, on est passé à la version 2.0, c’est-à-dire le métier ajouté à tout ce qui fait aujourd’hui la technologie en entreprise : la mobilité, le collaboratif et le partage. De n’importe où dans le monde, on peut se connecter et accéder à tout son espace juridique, même si on est en négociation loin de sa base. Le logiciel, dans sa toute dernière version dite GaLexy®, marque déposée par Legal Suite, offre encore plus d’ergonomie et d’intuitivité (avec le Portail collaboratif, la timeline graphique pour le suivi des contrats, la signature électronique…). Dans nos dernières innovations, peut-être comme pionnier en Europe, mais certainement pas aux États-Unis il faut être honnête, nous avons développé une solution de facturation électronique : le E-Billing.
A.-P.: Quel est l’avantage du E-Billing pour ses utilisateurs?
P.V.D.: Ce logiciel de facturation électronique entre les grands cabinets d’avocats et leurs clients permet aux services juridiques de faire des économies. Tous les actes sont codés (conclusions en réponse, représentation en audience, rédaction d’actes, consultation…) et on y associe les conventions d’honoraires passées entre le département juridique et les différents cabinets d’avocats qu’il emploie. Cela permet une détection d’erreurs au profit des entreprises clientes avec des taux parfois très forts, qui se réduisent dans le temps puisque le système a pour vertu de bonifier et rendre de plus en plus fiables les notes d’honoraires émises par les cabinets. Aujourd’hui, ce n’est pas un concept convoité par la majorité des directions juridiques européennes, mais demain ça le sera. Il me paraît alors légitime qu’on puisse offrir ce service à nos clients. L’E-Billing a eu un très bon accueil outre-Atlantique début novembre au congrès annuel de l’ACC (Aassociation of Corporate Counsel), l’association américaine des juristes d’entreprises.
A.-P.: Donc cela s’adresse uniquement aux grandes entreprises?
P.V.D.:Oui. Quand on a fait l’étude de marché en 2012 avec notre arrivée aux États-Unis, ce qui est ressorti est, qu’en dessous de 1 à 2 millions de dollars d’honoraires par an, cela ne vaut pas le coût, ça peut se travailler à la main, à l’ancienne ! Au-dessus, il y a un retour sur investissement démontré.
A.-P.: Legal Suite est-il un logiciel facile d’utilisation?
P.V.D.: Effectivement, dans nos préceptes il n’était pas question de transformer des juristes en opérateurs de saisie. Ainsi, nous avons beaucoup d’exigences envers la technologie qui doit rendre les choses à la fois simples, fluides, logiques, intuitives, etc. On s’y attache mais ça ne suffit pas. Il faut donc de la conduite du changement et de la formation. Les juristes ne sont pas naturellement des gens de direction de projet, c’est pour ça qu’il faut les accompagner. D’où la présence dans l’effectif de Legal Suite de consultants, chefs de projets, formateurs, et d’une bonne dose de juristes spécialisés en droit des affaires afin d’être des interlocuteurs efficaces. Si on a le privilège de conserver notre clientèle c’est parce qu’on continue de répondre à leurs besoins, et on y est attentifs parce qu’ils évoluent.
A.-P.: Est-ce que les exigences de vos clients vous aident à innover?
P.V.D.: Oui, c’est même extrêmement précieux ! Il faut entendre le métier avec une oreille suffisamment attentive pour décoder de manière constante ce qui serait quelque chose de très bien mais isolé et quelque chose qui couvrirait les besoins du plus grand nombre. Évidemment, en tant qu’éditeur de logiciel c’est vers la seconde proposition que l’on doit aller.
A.-P.: Quelles sont vos ambitions pour 2015 l’année des 15 ans de Legal Suite?
P.V.D.: Pour nos 15 ans, nous allons poursuivre notre développement international. Le fait d’avoir acquis une visibilité internationale avec ce fameux magic quadrant des ELM nous a ouvert des accès déjà concrétisés, notamment dans les pays du Golfe et en Asie. Nous devons aussi réussir la commercialisation de notre module d’E-Billing, et gagner quelques places dans le rapport Gartner des ELM. Ce qui est exceptionnel dans le contexte actuel, c’est de terminer l’année 2014 avec une solide croissance à deux chiffres ! Et c’est ce que nous allons donc poursuive cela en 2015. L’objectif est de rester sur nos valeurs fondatrices : innovation, croissance et ouverture.