Dans le cadre de son baromètre national des entreprises, le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce publie une étude flash Covid-19 sur l'impact de la crise sur les entreprises. Celle-ci se base sur les données fournies par Infogreffe sur les entreprises inscrites au Registre du commerce et des sociétés (RCS) de 2018 à 2020 et analysées par l'institut Xerfi | I+C, sur la période du 1er mai au 31. Ces dernières ont été présentées lors d'un point presse en présence de Sophie Jonval, présidente du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, et de Laurent Frelat, directeur général de l'Institut Xerfi | I+C.
Il ressort de l'étude qu'avec un nombre d'entreprises en difficulté bien inférieur aux niveaux de 2019 et un rebond inattendu des créations d'entreprises observé pendant l'été, la crise sanitaire n'a pas eu les effets négatifs annoncés sur le monde entrepreneurial.
« Cette nouvelle édition de notre étude permet de mesurer concrètement les conséquences de la crise sanitaire sur les dynamiques entrepreneuriales de notre pays. Si nous pouvons nous féliciter de l'efficacité des dispositifs de soutien mis en œuvre par l'Etat, les prochains mois seront cruciaux pour déterminer la santé réelle de notre tissu entrepreneurial. Pédagogie et prévention seront les clés pour limiter au maximum le nombre de défaillances ! », déclare Sophie Jonval.
Vif redressement des créations d'entreprise
L'étude du CNG fait état d'un spectaculaire rebond du nombre de créations d'entreprise dès la mi mai, avec des progressions de 20 000 créations par quinzaine. Sur la période du 1er mai au 31 juillet 2020, 105 843 immatriculations au RCS ont été enregistrées et avec 82 887 immatriculations enregistrées en juin et juillet, le nombre de créations d'entreprises a progressé de plus de 10 % par rapport à la même période en 2019.
Ainsi, le net recul de l'entrepreneuriat, conséquence de la crise et du confinement, observé en mai, aboutit à une baisse de 5,5 % du nombre de créations sur l'ensemble des mois de mai, juin et juillet, par rapport à 2019, à la même période.
Pour Laurent Frelat, ce rebond ne suffit pas à compenser le manque à gagner de la période de confinement mais si la tendance se poursuivait, cela permettrait d'arriver à une année blanche. Par ailleurs, le directeur général souligne qu'en matière d'activité économique, nous assistons à un rebond technique sur cette période, plus qu'à une reprise car, si des sommes conséquentes ont été injectées dans le circuit économique et ont permis ce rattrapage, les chiffres récents ne vont pas dans le sens d'une réelle reprise.
Ce rebond procède vraisemblablement d'une volonté de création post-déconfinement mais cette dynamique des créations est sensible car elle concerne surtout des micro-entreprises, avec leurs difficultés afférentes et la fragilité de ce système.
Des entreprises majoritairement préservées
Parallèlement à cette dynamique entrepreneuriale, le ralentissement des défaillances d'entreprises, observé au printemps, se confirme. Le nombre d'ouverture de procédures collectives est en chute de 42,5 % à un an d'intervalle, avec 6 037 ouvertures enregistrées entre le 1er mai et le 31 juillet 2020. Les mesures gouvernementales de soutien, dont les trois principales sont le prêt garanti par l'Etat, le gel de cotisations et le dispositif de chômage partiel, sont venues en soutien des entreprises et ont permis de créer des liquidités au-delà de ce qui était espéré, continuant d'ailleurs de produire leurs effets positifs sur la trésorerie des entreprises et donc limitant le nombre de procédures collectives. « Le pire est évité », déclare Laurent Frelat, qui en vient même à souligner le paradoxe actuel au vu de l'excès de liquidité à disposition de certaines entreprises.
Toutefois, les prochaines semaines seront déterminantes et il n'est pas exclu d'observer quelques faibles vagues d'ouvertures de procédures collectives, qui ne seront pas massives grâce à l'effet des mesures d'aides. « Les chefs d'entreprises doivent s'orienter vers les mesures préventives et éviter les processus liquidatifs », interpelle Sophie Jonval.
Fortes disparités selon les régions
Si le déconfinement a relancé les mouvements entrepreneuriaux, toutes les régions de France ne sont pas concernées dans les mêmes proportions et certaines restent en situation de grande difficulté. Tel est le cas du Sud et Grand-Est. En détail, la Corse enregistre -20,5 % d'immatriculations, la région Occitanie -12,4 %, la région PACA - 11,9 % et le Grand-Est - 11,6 %. Des disparités qui s'expliquent par la spécialisation de certaines régions dans des secteurs plus ou moins affectés par la crise, comme le tourisme, la restauration ou l'hébergement. Les structures de l'activité économique régionale expliquent ces différences avec des régions pourtant très touchées par la crise comme l'Ile-de-France, qui retrouve une dynamique équivalente à celle de 2019, tout comme les Hauts-de-France, tous deux pourtant très impactés en mars-avril.
De même que selon les secteurs d'activité
Comme au niveau régional, des disparités sont présentes selon les secteurs d'activité. Le seul à voir son nombre de créations d'entreprises augmenter sur la période est celui des activités de transport et d'entreposage, avec un taux d'évolution des immatriculations sur la période du 1er mai au 31 juillet 2020 de 24 %. Ce phénomène s'explique par le bénéfice du dynamisme des acteurs de la foodtech commeUber Eats, Deliveroo ou encore Just Eat. De ce fait, 10 % des entreprises créées entre mai et juillet relèvent des activités de livraison de repas.
À l'inverse, les secteurs de l'hébergement et de la restauration souffrent du ralentissement de l'entrepreneuriat, avec une chute du nombre d'immatriculations de 29 % sur la période.