En substance, la QPC transmise posait le problème de savoir si le droit de présentation reconnu au notaire, c’est-à-dire le droit de celui-ci de présenter son successeur à l’agrément du Garde des sceaux, était contraire à l’article 6 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui érige le principe d’ « égal accès aux dignités, places et emplois publics ». Les sages ont tranché : ce droit de représentation est bien conforme à notre Constitution, puisque le notariat ne serait pas un emploi public, sinon une profession réglementée participant à l’autorité publique mais s’exerçant dans un cadre libéral.
En rendant cette décision, le Conseil constitutionnel est allé dans le sens du gouvernement et du Conseil supérieur du notariat (CSN) qui ne souhaitaient pas voir modifié ce droit qui, selon lui, « permet d'une part à la chancellerie de s'assurer des qualités objectives du candidat notaire tenant à sa qualification, son honorabilité et l'équilibre économique de son installation, et d'autre part au cédant de s'assurer des qualités subjectives du candidat, nécessaires à la satisfaction du service de l'authenticité ».
Dans un communiqué, la ministre de la Justice s’est réjouie « que le Conseil constitutionnel fasse droit aux arguments du gouvernement » tout en assurant qu’elle veillerait à ce que « la modernisation nécessaire se fasse dans le respect de l’égalité et du droit ».
Chez Pierre Thiollet, la décision suscite la déception, notamment parce que la haute juridiction a laissé sans réponse une question importante : si les notaires exercent une activité privée, comme semblent l’avancer les Sages, pourquoi sont-ils soumis à une réglementation spécifique ? En outre, son avocat avait argué que le droit de présentation était contraire à la liberté d’entreprendre, argument que le Conseil Constitutionnel aurait laissé en suspens.
Dans son volet concernant les professions réglementées, le projet de loi Macron sur l’activité entend maintenir le droit de présentation des notaires en même temps qu’il instaure le principe de leur libre installation : les jeunes notaires pourraient reprendre la charge d’un prédécesseur ou bien créer un nouvel office. Le ministère de la Justice se garde toutefois la possibilité de limiter la libre installation dans les cas où celle-ci pourrait nuire à d’autres offices.
Une incertitude plane encore : une indemnisation pécuniaire sera-t-elle versée aux notaires lésés, déjà installés ? EmmanuelMacron a exclu la possibilité qu’une telle indemnisation soit accordée par l’Etat, mais envisage que celle-ci soit versée par les nouveaux entrants eux-mêmes. A cet égard, le président du CSN, Pierre LucVogel a déclaré que si la liberté d’installation était maintenue telle quelle par le gouvernement, « il est sûr qu’elle pourrait donner droit à une indemnisation ». Celle-ci pourrait s’élever 8 milliards d’euros, d’après les estimations du CSN.