Considéré comme une simple tache sous la responsabilité des directions juridiques jusqu'à récemment, le contract management connaît un tournant important avec une certification étatique et la création de départements dédiés dans les organisations.
Lumière sur un nouveau métier
De fait, la certification délivrée par l'Ecole Européenne de Contract Management (e²cm) a reçu une reconnaissance de l'Etat en 2013, via la Commission nationale de la certification professionnelle, sous l'intitulé officiel « Certificat Professionnel de Contract Management ».
« C'est précisément ce nouveau métier que les Trophées du Contract Management visent à promouvoir et à récompenser à sa juste valeur, en résonance avec sa place grandissante sur le marché et la démonstration régulière de son potentiel d'optimisation de la performance d'entreprise », explique Naoual Berggou, directrice générale adjointe d'e²cm et formatrice en contract management.
Son confrère Grégory Leveau, président fondateur d'e²cm, confirme l'essor de « cette profession en plein boom » en apportant quelques données chiffrées. La croissance du marché du recrutement des contract managers en France ne se dément pas, avec une augmentation de 30 % d'offres comparée à 2016.
Grégory Leveau décrypte la réforme du droit des contrats.
C'est une démonstration de la prise de conscience de la valeur ajoutée qu'apporte une pratique intelligente et rigoureuse de la gestion des contrats en entreprise. Trouver les bons candidats est, en revanche, de plus en plus difficile, les recruteurs ayant des attentes très précises alors que le nombre de candidats formés et expérimentés reste limité par rapport à la quantité de postes ouverts.
Côté salaire, la tendance logique est à la hausse également puisqu'un junior (bac +5 et stage) peut viser la fourchette 38 - 40k € et un senior d'une petite dizaine d'années (sans management d'équipe) 100k €, dans la majorité des secteurs.
Réforme du droit des contrats : la pratique trois ans après
Une conférence sur l'application de la réforme du droit des contrats qui « a favorisé une montée en puissance du contentieux », a ensuite été donnée par Grégory Leveau. Ce dernier s'est prêté à « un exercice pas si simple », en se concentrant sur une lecture des articles qui intéressent particulièrement les contract managers.
« C'est désespérant de voir que la France se trouve bon dernier en matière d'accessibilité de la jurisprudence », déplore-t-il en décrivant le travail de fond qu'il a dû abattre pour trouver des décisions intéressantes reliées au contract management.
Pour le moment, il n'y a pas de bouleversement notable mais seulement quelques fortes secousses selon lui, notamment à cause du « droit transitoire qui ne facilite rien » et le fait que « chaque article de la réforme a sa propre timeline de ratification ».
Toutefois, de nombreuses notions sont en attente de jugement. A l'instar de l'article 1223 du code civil sur la réduction du prix par le créancier en cas d'exécution imparfaite du débiteur, « dit le maudit », considéré comme « une arme redoutable dans les mains des clients ». « C'est un cliffhanger insoutenable, on attend la prochaine saison de décisions avec impatience car il n'y a pas encore de jurisprudence sur cet article.»
Pour l'adhésion de gré à gré - articles 1171 et 1110 du code civil - l'appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix à la prestation. Une Question prioritaire de constitutionnalité du 30 novembre 2018 valide le prix convenu par le juge grâce à l'article L442-1 du code de commerce sur la révision judiciaire du prix. Des jurisprudences contradictoires perdent les professionnels qui ne savent plus où ils en sont.
« Le suspense demeure sur ce qu'est un déséquilibre significatif », souligne Grégory Leveau.
Pour l'article 1112 du code civil sur la rupture brutale des négociations précontractuelles, les jurisprudences sont « sans surprise » dont une très récente rendue par la cour d'appel de Poitiers le 30 avril dernier qui juge en faveur du principe de liberté contractuelle permettant de mettre fin aux négociations.
Pour le moment, les jurisprudences récentes rendues par les tribunaux de commerce de Bobigny le 9 janvier 2018 et d'Evry le 11 janvier 2018 expliquent que la réforme s'applique de façon immédiate pour le renouvellement du contrat par tacite reconduction.
Grégory Leveau (président fondateur d'e²cm et médiateur), Yann Schneller (avocat au cabinet Orrick et arbitre) et Isabelle Meunier (juriste d'entreprise et médiatrice) ont expliqué que la médiation est un processus incontournable de la résolution des conflits contractuels. © A.P.
Côté violence économique - article 1143 - la doctrine qui commençait à se mettre en place se développe notamment sur les tiers qui abusent de l'état de dépendance de leur cocontractant. Côté exécution forcée - article 1121 – « pas de surprise dans la jurisprudence sauf sur le champ d'application du critère de la bonne foi tout au long du processus contractuel ». Le spécialiste alerte cependant ses confrères sur la possibilité donnée aux juges de fixer des astreintes journalières très élevées, à hauteur de 15 000 euros par jour.
Enfin, les juges font une application stricte et rigoureuse des articles 1225 sur la résiliation et la résolution des contrats et 1112-1 sur l'obligation d'information.
Médiation : processus « absolument indispensable » en contentieux contractuel
Processus incontournable de la résolution des conflits au cœur de cycles contractuels complexes, la médiation a de nombreux avantages. A commencer par son taux de résolution très élevé entre 75 et 80 % de réussite, mais surtout par sa célérité (seulement 2 mois en moyenne), en lien avec le rythme des affaires, et son coût modique.
Trois spécialistes ont partagé leurs visions respectives du processus de médiation et les différences majeures avec une procédure judiciaire.
Un constat s'impose en la matière : « la France est à la traîne » alors que ce processus est « une arme absolument indispensable en matière de contentieux contractuel car ça reste une logique collaborative », selon Grégory Leveau, lui-même médiateur.
Un médiateur ne tranche jamais. « Ce n'est pas un jugement ni un arbitrage ni une conciliation car le médiateur ne prend aucune décision, n'en préconise aucune, mais il accompagne les participants vers une solution de façon totalement neutre », a rappelé Isabelle Meunier, juriste d'entreprise et médiatrice agréée du CMAP assermentée auprès de la cour d'appel de Paris pour des litiges de PI.
Avec cette citation de René Char : « la médiation c'est l'art de transformer de vieux ennemis en loyaux adversaires », la médiatrice a souligné que si la culture du conflit reste très importante en France il y a quelques signes positifs prouvant que « la médiation va trouver sa place dans le monde des affaires ». En témoigne la multiplication des clauses de médiation dans les contrats.
Pour Yann Schneller, avocat au cabinet Orrick et arbitre, spécialisé en résolution des litiges, les problématiques fréquentes traitées en médiation sont celles relatives à l'interprétation du contrat « ce qui est extrêmement factuel », et celles de l'évaluation des préjudices réparables sur des grands projets.
« Ma recommandation est assez simple : tentez de rédiger un contrat clair », lance-t-il à l'auditoire avec humour.
Les trois experts identifient plusieurs typologies de conflits : le conflit factuel (sur un point technique), le conflit de fond (désaccord fondamental sur une méthode ou un fait) et le conflit émotionnel (le plus compliqué à démêler car latent).
« Nous sommes des pacificateurs de la relation car le problème est toujours émotionnel et pas si juridique que ça », témoigne Grégory Leveau.
Plus le conflit est sur une logique technique plus le recours à un expert est important et à l'inverse plus le conflit est émotionnel plus le médiateur doit se contenter de « dépolluer le dialogue ».
En lien avec le positionnement prôné par la réforme du droit des contrats qui consacre la bonne foi, la solution qui émerge de la médiation est durable car collaborative. Contrairement au jugement, il n'y aura pas de vainqueur ni de vaincu, ce qui permet la poursuite des relations commerciales.
Ce médiateur avait réussi à convaincre l'ex garde des Sceaux Christiane Taubira de la nécessité de mettre en avant le processus de médiation en France, mais se dit navré que ce dossier ait été enterré. Il reste en revanche très optimiste pour l'avancée du processus en pratique et continue d'en faire la promotion auprès de ses étudiants.
Lauréats des Trophées du Contract Management 2019
Le nouveau Trophées "contribution exceptionnelle 2019" a été décerné à Isabelle Roux-Chenu qui a développé la branche dédiée au contract management chez Capgemini.© D.R.
Cette année, les Trophées du Contract Management ont mis à l'honneur quatre lauréats et plusieurs équipes de professionnels dévoués.
Le fameux Trophée du contract manager de l'année a été remis à Gautier Marcy pour son excellent travail réalisé chez Thales.
Le Trophée de l'innovation en contract management a été décerné à la société Horisis Conseil pour sa web-série ludo-éducative développée par un réalisateur et des comédiens professionnels issus du monde du cinéma. Ce « petit outil d'échange » sur le contract management facilite le dialogue avec les équipes opérationnelles en donnant beaucoup d'informations sur un ton un peu décalé.
C'est EDF qui a remporté le « petit chouchou d'e²cm » selon Naoual Berggou, sa directrice générale adjointe, le Trophée de l'approche collaborative en contract management. Il félicite l'équipe d'EDF pour sa réussite sur son dossier industriel relatif à l'EPR de Flamanville, qui comprenait des problématiques internationales et des challenges techniques, organisationnels et humains.
Enfin, l'école a décidé de remettre un trophée inédit (« complètement discrétionnaire pour reconnaître les contributions pour notre métier en dehors des candidatures ») à Isabelle Roux-Chenu pour sa contribution exceptionnelle en contract management. Cette femme pionnière a beaucoup œuvré en un temps record – moins de 2 ans - à l'intérieur de son organisation et au sein de sa branche, en boostant l'innovation, l'industrialisation, les études d'impact et en étant une source d'inspiration pour ses pairs.
« C'était un grand pas et un pari de décider de lâcher la direction juridique d'un groupe du CAC 40 pour y développer une branche dédiée au contract management », confie l'ex-directrice juridique de Capgemini.
« C'est la fonction de l'entreprise qui selon moi va le plus évoluer dans les jours qui viennent et créer de la valeur », assure la lauréate très « confiante dans l'avenir ».
« Je me suis battue pour qu'on soit reconnus comme une fonction opérationnelle et pas une fonction support, contrairement à la direction juridique ».