Malgré les inquiétudes qu’elle engendre (asservissement de l’humain par la machine, manipulation des comportements, surveillance de masse, etc.), l’intelligence artificielle (IA) et ses avancées technologiques aident l’Homme à réaliser des tâches qui n’étaient jusqu’alors pas à sa portée : reconnaissance de personnes sur des images, création automatique de contenus, analyse sémantique, etc. Selon le Conseil d’Etat, l’IA, en tant qu’ensemble d’outils numériques au service de l’humain, pourrait réellement améliorer la qualité du service public rendu aux citoyens.
Dans son étude publiée le 30 août dernier, la plus haute juridiction administrative française se positionne donc en faveur de la conduite d’une stratégie de l’IA ambitieuse et au service de la performance publique. Cette dernière devra alors créer les conditions de la confiance et doter la France des ressources et de la gouvernance à la hauteur de ses ambitions.
Vers une « intelligence artificielle publique de confiance »
Actuellement, le déploiement de l’IA dans les services publics n’est que très progressif et souvent à titre expérimental, par exemple pour la gestion de la circulation automobile, la défense et la sécurité ou encore la lutte contre la fraude ou les politiques de l’emploi. Or, dans le domaine de la qualité du service public, cette technologie favoriserait l’amélioration de la continuité du service public 24h/24, de la pertinence des décisions et prestations délivrées ou de l’égalité de traitement ainsi que la réduction des délais d’examen des demandes des usagers.
L’intelligence artificielle permettrait également de renforcer les liens entre le citoyen et l’agent public, qui gagnerait du temps avec l’automatisation de certaines tâches (accusés de réception, demande de documents supplémentaires, etc.) et d’améliorer la qualité du service par l’accomplissement de tâches jusque-là matériellement impossibles. C’est pourquoi l’étude du Conseil d’État plaide pour une politique volontariste du déploiement de l’IA, au service de l’intérêt général et de la performance publique. Pour ce faire, la France doit anticiper la mise en place d’un cadre réglementaire, notamment au niveau européen, à travers la mise en œuvre de lignes directrices pragmatiques permettant un déploiement de l’intelligence artificielle dans les services publics par étape, lucide et vigilant, au plus près des besoins des Français.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat estime qu’une intelligence artificielle publique de confiance repose sur sept principes : la primauté humaine, la performance, l’équité et la non-discrimination, la transparence, la sûreté (cybersécurité), la soutenabilité environnementale et l’autonomie stratégique.
Des ressources et une gouvernance adaptées pour notre pays
Pour conduire cette stratégie de l’intelligence artificielle publique, la France doit disposer des ressources humaines et techniques adaptées. De ce fait, former les dirigeants publics, recruter des experts des données et se doter des ressources techniques nécessaires sont l’une des priorités du pays. selon les magistrats administratifs, la France devra aussi se pencher sur un assouplissement du cadre juridique, notamment du partage de données au sein des administrations.
L’étude préconise également de transformer la Cnil en une autorité de contrôle nationale responsable de la régulation des systèmes d’IA, notamment publics, pour incarner et internaliser le double enjeu de la protection des droits et libertés fondamentaux, d’une part, et de l’innovation et de la performance publique, d’autre part.