Le Barreau de Paris, ambassadeur des libertés publiques, s'est toujours fait le devoir d'agir sur le plan international pour le respect des droits et des libertés fondamentales. Comme le dit son bâtonnier, Pierre-Olivier Sur, « Les avocats sont des briseurs de silence ! », le silence de la défense muselée, comme le silence des victimes incapables de parler.
Nul n'ignore que dans la région du Sud-Kivu, à l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les viols massifs sont devenus une arme de guerre. Des chiffres circulent afin d’alerter l’opinion mondiale sur cette pratique extrêmement répandue en zone de conflit : selon les Nations Unies, 200 000 femmes auraient subi des violences sexuelles en RDC depuis 1998, elles seraient plus de 500 000 selon le bâtonnier de Bukavu. Et face au grand nombre de victimes et au mutisme étatique, les avocats congolais sont démunis.
C’est pourquoi, pour la première fois dans l’Histoire judiciaire, le barreau de Bukavu, implanté dans une province touchée par les crimes de guerre, a pris l’initiative de solliciter le soutien du bâtonnier de Paris. Ce barreau ne recevant aucune subvention étatique, seules les cotisations des 200 avocats inscrits rémunèrent une aide juridictionnelle qui ne suffit pas à assumer la demande.
Le bâtonnier de Paris a répondu à cet appel à l’aide en signant dernièrement une convention d'entraide et de coopération inter barreaux dont l’article 4 stipule « L’ordre des avocats de Paris, conscient de la situation difficile des femmes en RDC –en particulier concernant les viols massifs commis en toute impunité depuis la fin des années 1990– s’engage à apporter son soutien de coopération judiciaire afin d’aider les victimes à obtenir les conditions optimales d’un accès au droit et à la justice. »
La communauté internationale est sensibilisée à ce problème. Une marche des femmes contre les violences sexuelles a eu lieu à Lubumbashi (deuxième ou troisième ville de RDC), le 20 mai dernier, et tout récemment 48 ministres des Affaires étrangères étaient à Londres, sous la houlette d’Angelina Jolie, ambassadrice de bonne volonté du Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés, et du chef de la diplomatie britannique, William Hague, pour réfléchir à la lutte contre les violences sexuelles dans les zones de conflit. Sans oublier qu’un rapport d’information du Sénat « sur les violences sexuelles faites aux femmes lors des conflits armés », au nom de la délégation aux droits des femmes, a été déposé le 10 décembre dernier par la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin.
Avec cette convention de coopération judiciaire, le barreau de Paris s’engage dans cette action. Le bâtonnier s’est lui-même engagé à aller en RDC sur le banc des victimes pour les défendre aux côtés de leurs avocats congolais. L’aide apportée sera humaine et professionnelle. Il n’est pas question de soutien financier. L’article 3 précise que les avocats inscrits au barreau de Paris ont la permission « de représenter les intérêts de leurs clients et de plaider devant les juridictions relevant de la circonscription de Bukavu, aux côtés d’un avocat du barreau d’accueil, dans le respect de la législation en vigueur », et vice versa.
Par ailleurs, cette convention inter barreaux œuvre aussi pour la lutte contre la peine de mort selon son article 5, stipulant que l’ordre des avocats de Paris « s’engage à apporter un soutien judiciaire dans le combat international mené par les grandes république démocratiques contre la peine de mort ».