Affiches Parisiennes : Vous allez vers le deuxième tour des élections régionales. Comment analysez-vous la situation politique aujourd'hui, étant donné la très forte abstention ?
Laurent Saint-Martin : L'abstention, c'est une alarme démocratique. Il faut absolument que l'ensemble des formations politiques, de façon tout à fait transparente, se penchent sur la question. Aujourd'hui, on ne peut pas se satisfaire d'un niveau de démocratie avec 30 % de participation. Ensuite, les régionales donnent une prime au sortant, comme c'est souvent le cas et comme cela a été encore vérifié cette fois-ci, quelle que soit la couleur politique. Maintenant, ce qui est important pour dimanche prochain, c'est de bien rappeler que c'est un scrutin proportionnel, pas un scrutin présidentiel. Il faut que la pluralité et la diversité démocratique soient bien représentées. J'appelle donc vraiment tous ceux qui sont allés voter dimanche dernier pour ma liste à renouveler leur confiance dimanche prochain pour avoir des élus progressistes, des élus issus de la majorité présidentielle à la région pour défendre leurs idées. Il faut que les Franciliens soient représentés à bonne proportion par rapport à ce qu'ils ont déjà exprimé dimanche. C'est important de le rappeler pour le second tour et évidemment aussi à tous ceux qui ne se sont pas déplacés.
A.- P. : Vous êtes également député du Val-de-Marne. Comment ressentez-vous la situation dans votre département, auprès de vos électeurs, sachant que le cumul des trois listes de gauche et de Lutte ouvrière dépasse le score fait par Valérie Pécresse ?
L. S.-M. : La fusion des listes de gauche ne fait jamais une somme arithmétique de voix. Il n'y a pas beaucoup de suspense sur l'issue de ce scrutin, Valérie Pécresse sera réélue présidente. La question maintenant est de savoir si chaque formation politique qui est qualifiée pour le second tour sera bien représentée. Je le répète, je crois qu'il faut une présence importante d'élus progressistes dans la région, c'est ce que j'entends aussi chez moi, dans le Val-de-Marne, pour qu'il n'y ait pas un énième match entre les majorités précédentes qui se reproduise demain pour les six prochaines années.
A.- P. : Aux dernières élections de 2015, on a vu une forte progression au deuxième tour. Peut-on s'attendre à la même chose ? Ce fort taux d'abstention est-il dû à la crise sanitaire ou à un désintéressement politique ?
L. S.-M. : Je pense évidemment que tout cela joue dans cette abstention record mais il ne faut pas se cacher derrière des excuses, on a tous une responsabilité à mieux faire intéresser les concitoyens à un scrutin intermédiaire. On a une abstention record, on ne peut pas s'en satisfaire. J'espère qu'il y aura un sursaut démocratique dimanche prochain. J'espère qu'il y aura bien un regain de la participation, mais hélas, je crains encore quand même encore un fort taux d'abstention.
A.- P. : Vous avez déjà dit que le match entre la gauche radicale et la droite conservatrice ne pouvait pas continuer ainsi et qu'il existait un chemin plus constructif pour les élus. Voyez-vous votre liste comme l'avenir de la région ?
L. S.-M. : Oui, en tout cas, c'est une force politique qui doit être bien représentée à la région pour peser, pour être constructive, cela veut dire accompagner les décisions quand elles vont dans le bon sens et savoir s'opposer dans le cas contraire. C'est extrêmement important d'avoir des élus dans cet état d'esprit. La nouveauté pendant les six prochaines années à la région sera d'avoir une vision politique différente qui soit vraiment centrée sur l'intérêt général et pas uniquement sur des oppositions classiques droite gauche. Cette nouvelle force politique, c'est la majorité présidentielle et c'est ce qu'on va apporter à la région.
A.- P. : Parmi vos mesures phares, vous avez mis l'accent sur la formation et l'emploi des jeunes. Vous avez aussi lancé l'idée d'accompagner les jeunes avec un mentor. Pouvez-vous nous expliquer cette mesure ?
L. S.-M. : Je veux que l'orientation, qui est une compétence régionale, soit bien davantage mise en avant dans les six prochaines années. Je veux que dès le lycée, on puisse faire rentrer des métiers dans la connaissance des lycéens. Je veux faire du mentorat un levier d'action très efficace dans l'orientation, je propose 200 000 mentors sur la durée du mandat pour que chaque lycéen qui le souhaite puisse avoir accès à un mentorat pour l'accompagner dans ses choix professionnels. Il faut arrêter de se poser la question de son avenir professionnel à 18 ans moins le quart mais le faire dès la seconde et ça passe par un accompagnement beaucoup plus qualitatif. C'est aussi à la région de jouer ce rôle-là. Ces mentors peuvent être des étudiants, des chefs d'entreprise, des salariés ou encore des retraités. En réalité, toute personne qui a envie de s'engager. Le mentorat, ça marche quand il y a de l'envie, pas quand c'est forcé et obligatoire. Pour cela, il faut créer un vrai esprit de partenariat entre les Franciliens, créer de la solidarité et il faut surtout que les gens aient envie d'accompagner les jeunes dans les questionnements qui sont les leurs et notamment dans la vie professionnelle.
A.- P. : C'est donc une forme de bénévolat ?
L. S.-M. : Tout à fait, c'est une forme de bénévolat bien encadrée par la région, avec des outils qui sont au service des lycéens.
A.- P. : Sur la question de la complexité du millefeuille administratif, ne pensez-vous pas que les strates sont trop nombreuses ? Et que cela peut expliquer cette abstention record ?
L. S.-M. : Oui, il y a probablement une ou deux couches administratives de trop, ce n'est pas une prérogative de la région mais du Parlement. Je pense effectivement qu'il est temps pour le prochain mandat du Président de la République de s'attaquer au millefeuille administratif du Grand Paris.
A.- P. : Les Franciliens sont très sensibles à la question des transports. Le périphérique, aujourd'hui totalement saturé, en est un exemple flagrant. Quelles sont vos idées sur ce sujet ?
L. S.-M. : Il y a deux axes de réflexion qui sont complémentaires et qu'il ne faut surtout pas opposer : les transports du quotidien, et là-dessus la priorité c'est de les rendre plus sûrs, plus ponctuels et plus propres et c'est un investissement du quotidien extrêmement important, ainsi que les transports de demain avec le Grand Paris Express. Ce projet va considérablement modifier la perception des transports en commun et de l'aménagement du territoire, mais aussi la voiture qu'il ne faut pas stigmatiser et que nous allons devoir accompagner pour qu'elle soit plus propre, notamment avec la ZFE (zone à faible émission). Et cela est important parce que, demain, je veux que nous puissions rouler propre, et pour cela je propose une prime à la conversion des véhicules à l'achat d'un véhicule électrique pour que justement, ce ne soit pas une conversion subie mais qui puisse être accompagnée par les Pouvoirs publics. Il n'y a pas un transport, il y a des mobilités. Il y a les transports, la voiture mais aussi la marche et le vélo, et je propose justement que le RER vélo soit un beau projet de continuité de pistes cyclables pour que nous ayons de vraies infrastructures cyclistes dans notre région, ce qui aujourd'hui n'est pas le cas.
A.- P. : Que représente le mot écologie pour vous ?
L. S.-M. : Il y a deux visions de l'écologie : l'écologie décroissance et écologie de l'innovation. Moi, je pars du principe que la transition écologique est tout à fait compatible avec la croissance économique, avec la création d'emplois. L'écologie, pour moi, ce n'est pas de fermer un aéroport, c'est investir dans l'hydrogène vert, dans des avions moins polluants, c'est investir dans la recherche, le développement et l'innovation. Je suis rapporteur général du budget, le plan de relance que j'ai fait voter comporte 30 milliards, c'est à dire 30 % au service de la transition écologique. Je veux que le même volontarisme que nous avons démontré à l'échelle nationale soit poursuivi à l'échelle régionale.
A.- P. : La région a une prérogative importante concernant les lycées. La majorité sortante a-t-elle suffisamment avancé sur ce sujet ou reste-t-il beaucoup à faire ?
L. S.-M. : La majorité sortante a récupéré un état de vétusté des lycées inquiétante et a initié un certain nombre de rénovations. Le problème, c'est que par rapport à l'ambition qui était la sienne en 2015, le résultat est très décevant. Aujourd'hui, seul 23 % de l'exécution de la rénovation en termes de programme a été faite et qu'il faut largement accélérer. On ne peut pas se contenter de lycées dans lesquels il pleut à l'intérieur des classes, comme on l'a vu il y a quelques jours. On doit vraiment accélérer et être beaucoup plus efficace avec l'ensemble des entreprises qui participent à la rénovation des lycées. Je me donne l'objectif zéro vétusté à horizon 2030. Il est tenable mais pour ça, il faut être beaucoup plus exigeant avec toutes les entreprises de la région.
A.- P. : Comment peut-on aider l'Education nationale à améliorer le quotidien des professeurs, de ceux qui travaillent dans les lycées ? Que peut faire la région ?
L. S.-M. : Déjà en leur donnant des conditions de travail dignes, avec des lycées qui ne soient pas vétustes, dans lesquels les matériels informatiques et le WIFI fonctionnent et avec des conditions d'enseignement correctes. Il faut aussi que la sécurité aux abords des lycées soit renforcée, que la médiation et la prévention soient renforcées, que les budgets soient remis à niveau pour que les enseignants puissent enseigner dans des conditions confortables et tranquilles. C'est évidemment un accompagnement en coordination avec l'Académie et l'Éducation nationale qui doit être fait et la majorité présidentielle peut le faire mieux que les autres si elle a des élus à la région.
A.- P. : Au niveau économique, la région est aujourd'hui très attractive pour les investisseurs, notamment étrangers. Comment comptez-vous aider les entreprises à passer le cap de cette crise ?
L. S.-M. : D'abord, il faut rappeler que si l'Ile-de-France, et le pays en général, est aujourd'hui l'un des plus attractifs au monde, en termes d'investissements étrangers, c'est grâce à la politique économique que nous avons mis en place depuis 2017 avec le président Emmanuel Macron. Nous avons baissé les impôts, attiré des investissements, créé de la croissance et de l'emploi jusqu'à la crise. Cela doit être reconnu parce que c'est ce qui nous permettra de rebondir après la crise. Continuons une politique de fiscalité attractive avec la baisse des impôts de production, objet du plan de relance. Il faut aussi que les collectivités, comme la région Île-de-France, accompagnent ce mouvement à d'autres activités. Il faut aider nos entreprises à investir, à pouvoir rebondir et embaucher. Et pour cela, il y a deux leviers très forts sur lesquels la région doit insister : la mobilisation de l'épargne des Franciliens, je propose d'ailleurs la création d'un fonds d'épargne populaire pour renforcer les PME, et l'emploi des jeunes avec la formation et l'aide à l'apprentissage des jeunes, avec le logement des apprentis. Il faut que la région mette les meilleures conditions dans le rebond économique au service des entreprises et de l'emploi des jeunes.
A.- P. : Vous êtes sensible à la question du vélo, également une préoccupation des Franciliens. Il manque encore des pistes cyclables, des stationnements et une aide à l'acquisition de vélos électriques. Qu'en pensez-vous ?
L. S.-M. : La prime à la conversion pour les véhicules peut aussi servir à l'éligibilité de l'achat d'un vélo à assistance électrique. C'est ce que nous avons fait dans la loi climat et résilience et que je veux mettre à l'échelle régionale. Donc, l'incitation à l'achat d'un véhicule à assistance électrique est évidemment une priorité mais sur le vélo, je ne pense pas que la seule incitation financière résoudra le problème. Évidemment qu'il faut des infrastructures et des pistes cyclables continues dans notre région. Aujourd'hui, le projet du RER vélo c'est la priorité.
A.- P. : Vous avez appelé votre liste Envie d'Ile-de-France. Comment allez-vous justement donner envie de la région et donner envie aux électeurs d'aller voter ?
L. S.-M. : D'abord, rappeler que c'est un scrutin proportionnel et qu'il faut donc des élus de différentes sensibilités. L'envie d'Île de France, c'est d'abord le constat qu'un Francilien sur deux aujourd'hui aspire à quitter la région. Les problématiques de transports en commun, de logement, de qualité de vie, de pouvoir d'achat, de lycées vétustes, de formation font qu'aujourd'hui, les Franciliens ne se sentent pas assez bien dans notre région. La bonne façon de redonner envie de la région, c'est de s'attaquer aux problèmes à la racine et de les traiter avec des solutions très concrètes. Moi, je ne veux pas d'une région qui soit un distributeur automatique de billets dans les communes. Je veux une région qui investisse dans des projets qui permettent aux gens de vivre mieux dans notre région. C'est un vrai changement de paradigme, une bonne transformation de la région et de l'aménagement du territoire capitale. Ce n'est pas uniquement une question de priorité budgétaire et de curseur budgétaire à la hausse ou à la baisse. Par exemple, prenons la relation au travail, qui ne sera pas la même après la crise. C'est pour cela que je veux créer des tiers lieux aux abords des gares du Grand Paris pour que, justement, il n'y ait plus uniquement ces pôles de quartiers d'affaires qui prédominent comme avant. Je veux rendre la vie plus douce et je veux surtout que les gens aient un trajet domicile-travail raccourci pour qu'il soit au quotidien beaucoup plus facile à vivre.