Affiches Parisiennes : Vous êtes respectivement le président sortant de l'Ordre des experts-comptables de Paris Ile-de-France et la nouvelle présidente. Après avoir fait campagne en binôme, vous avez laissé la place à Virginie Roitman. Pourquoi ce changement ?
Laurent Benoudiz : Les mandats sont d'une durée de quatre ans et on a estimé avec Virginie que c'était une bonne idée de créer ce tuilage d'un an dans la poursuite des mandats des élus de la majorité ECF, afin de permettre une transition intelligente et d'assurer la continuité des travaux en cours. Le fait d'avoir des mandatures qui s'arrêtent net et des nouveaux élus qui arrivent, crée une politique conduite par à-coups. Or, certains projets sont aujourd'hui des projets de fond, de long terme, aussi bien pour la formation que l’accompagnement des cabinets. L'objectif, c'est que Virginie, qui va faire ses trois ans de mandat de présidente, ait la possibilité de se représenter à l'issue de son mandat en 2024, pour faire encore une année, afin d'accompagner le successeur qui sera élu dans la prise en main de ses fonctions, dans la compréhension de l'ensemble des projets lancés. Cela permet de garantir à l'ensemble de nos confrères et consœurs d’Île-de-France une pérennité dans la politique et dans les actions qui sont conduites par l'institution.
Virginie Roitman : Je voulais insister sur le binôme que l’on forme depuis longtemps avec Laurent, puisqu’on l’était déjà lorsqu'il était président de l’ECF Paris et que j'étais présidente de l’ECF formation Paris. Puis à l’Ordre, durant ses quatre années en tant que président, je m’occupais du tableau et de la Commission de répression de l’exercice illégal. Depuis un an, il est président de Sup’Expertise Paris et je suis vice-présidente de l'Ordre, en charge de la commission qualité et de la commission d'assistance aux confrères. Ce travail nous amène à avoir une connaissance profonde de l'institution.
A.-P. : La parité et la place des femmes aux postes de direction est un sujet d’actualité. Virginie Roitman vous êtes investie depuis longtemps dans l'action syndicale d’ECF et dans les instances de l'Ordre. Êtes-vous la première femme présidente de l'Ordre de Paris ?
V. R. : Je suis la troisième femme présidente de l’Ordre de Paris IDF, après Agnès Bricard et Françoise Berthon. La profession compte 27 % de femmes. Je travaille depuis 1993 et avant d’être femme, je suis tout d’abord expert-comptable. Je n'ai jamais trouvé qu'il y avait des différences dans l'exercice de mon métier parce que j'étais une femme. Je pense que la fonction n'a pas de sexe. J'espère pouvoir montrer aux femmes que ce métier est extraordinaire pour elles, parce qu’on l’exerce comme on le veut. On a la grande chance de suivre ses envies. Je regrette qu'il n'y ait pas plus de femmes dans notre profession. À ce titre, pour la Journée des droits des femmes du 8 mars, nous avons donné la parole à huit femmes dont les témoignages devraient inspirer les jeunes générations.
L. B. : Sa position, son élection et sa présidence ne résultent pas d'une discrimination positive qu'on aurait mis en place, mais bien de ses propres qualités. Elle a réussi à démontrer, par son histoire et ses actions, sa compétence, son sérieux, son implication à l'Ordre. Elle a une compréhension des enjeux de la profession, du rôle de l'institution, des attentes de nos consœurs et confrères qui sont liés à ses qualités personnelles et pas au fait que ce soit une femme. C’est un plus, mais ce n’est pas cela qui fait qu'aujourd'hui elle est à ce poste.

A.-P. : Cette présidence s’inscrit dans la continuité de votre action, Laurent Benoudiz. Pouvez-vous revenir sur les points forts de votre mandat ?
L. B. : L’Ordre est le premier réseau auquel les experts-comptables adhèrent, donc au-delà de la surveillance de la profession, on a un rôle, de service et d'accompagnement. Notre ambition, c'est de faire en sorte que tous les experts-comptables puissent trouver au sein de l'Ordre les clés qui leur permettent d'adapter leurs cabinets aux évolutions du numérique qui sont, à nos yeux, une transformation radicale de l'environnement dans lequel ils vont évoluer dans les années qui viennent.
Cela nécessite beaucoup d'argent, d'investissement, de réflexion et de temps, que n’ont pas tous les cabinets, surtout les petits cabinets indépendants. On souhaite que les experts comptables soient plus des chefs d'entreprise que des indépendants techniciens. Nous leur donnons les outils pour y parvenir. C’est ce que j'ai essayé de faire pendant ces quatre années, avec une équipe de 30 élus, et c'est ce qu'on essaye de continuer à faire avec Virginie et notamment les projets qu’elle lance en ce moment.
Avec Laurent, on a ce projet de Sup’Expertise Paris, la grande école de la profession, fortement soutenue par l'Ordre. C'est un vrai atout pour conserver
des étudiants dans nos métiers, des experts-comptables stagiaires et surtout des femmes.Virginie Roitman
A.-P. : Virginie Roitman, quelles sont vos actions à venir ?
V. R. : J’ai défini trois axes pour ma mandature, le premier étant la transformation des cabinets. Deux phénomènes vont venir bouleverser nos cabinets très rapidement. D’abord la compta tech qui, depuis trois ans, a quand même levé 900 millions de fonds et nous permet aujourd’hui de disposer d’outils performants pour numériser nos process. Ensuite, la facture électronique qui arrive en 2024 et qui engendre un vrai changement de métier, d’ADN. Nous n’aurons plus rien à saisir, les TVA seront pré-remplies et la liasse fiscale sera bientôt remplacée par le fichier des écritures comptables. C'est la première fois depuis 1945 que nous allons vivre un tel changement, puisque 50 % de notre chiffre d'affaires devrait disparaître dans les cinq à dix ans. J'ai envie de dire tant mieux, parce que toutes ces tâches de base et chronophages n'étaient pas au niveau de nos compétences. Plus il y avait de lois de simplification qui sortaient plus nous croulions sous les tâches administratives pour répondre aux obligations fiscales et sociales. Maintenant, la question est de savoir ce que l’on fait demain. Certains cabinets d'expertise-comptable n’ont pas pris le temps de cette réflexion parce que le métier est difficile, qu’il y a une pénurie de collaborateurs et qu’on n'arrive pas à recruter. Tout le monde est à flux tendu, mais il est urgent de se poser, de faire le point, de penser aux missions de demain, et de définir une stratégie pour passer de la posture de l'expert-comptable technicien à celui de chef d'entreprise. Il faut donc former et transformer les collaborateurs, et c’est tout l'accompagnement que je vais mettre en place dans les trois prochaines années, notamment par des formations. On a sélectionné une dizaine de coachs référencés et formés par l’Ordre, ainsi que des mentors qui ont l'appétence pour le coaching et qui peuvent aider les cabinets qui n'arriveraient pas à faire cette transition.
A.-P. : Quel est le profil de ces coachs ?
V. R. : On a fait un appel à candidatures en juillet 2021. Nous avons reçu les professionnels, puis nous les avons sélectionnés et formés à notre environnement pendant une journée. Ce sont des coachs spécialisés dans la transformation de l'entreprise, dans le management de transition. L'expert-comptable qui se sent seul et ne sait pas comment faire, peut être aidé par un coach ou un mentor. Je vais d’ailleurs animer le séminaire de la transformation pour les experts-comptables et les collaborateurs aux Universités d'été, début septembre 2022.
Par ailleurs, je reste présidente du contrôle qualité. Dans ce cadre, j'ai fait un appel à candidatures des 140 contrôleurs qualité qui ont l'habitude d'aller voir les experts-comptables depuis des années. Une dizaine d’entre eux se sont portés volontaires pour accompagner de manière confraternelle les cabinets qui souhaiteraient prendre leur destin en main. Ces mentors, plus axés sur le tutorat seront plus proches des préoccupations techniques de l'expert-comptable.
Le deuxième axe, c'est l’attractivité du métier, car cela fait presque 10 ans que l’on a des besoins de recrutement. Personne ne veut être comptable ou expert-comptable, on a mauvaise réputation. Pour lutter contre cette image, on communique et on combat les caricatures. C’est important de dire et de redire qu’on ne fait plus d’heures supplémentaires dans un cabinet ou que l’on peut avoir une vie privée en parallèle de sa carrière. On va aussi chercher les élèves en fin de terminale pour qu'ils viennent dans nos cursus. Avec Laurent, on a ce projet de Sup’Expertise Paris, la grande école de la profession, fortement soutenue par l'Ordre. C'est un vrai atout pour conserver des étudiants dans nos métiers, des experts-comptables stagiaires et surtout des femmes.
Enfin, le troisième axe, c'est le régalien, puisque j’ai occupé et j’occupe toujours beaucoup de fonctions régaliennes. Au-delà de son rôle de surveillance, je veux que notre institution soit au service des professionnels. De l’accélération des inscriptions au Tableau, en passant par l’instauration d’un volet performance aux contrôles qualité des cabinets, le rôle de l’Ordre est d’accompagner ses membres, leur faciliter la vie et les aider à se développer. Je précise aussi que le régalien sait et saura sévir face aux experts-comptables qui dépasseraient les limites et seraient délibérément couvreur d'exercice illégal.
A.-P. : Votre binôme donne donc la priorité à la formation. En tant que président de Sup’Expertise, comment vous allez booster les formations ?
L. B. : C’est un projet qui a débuté en 2017, lorsqu'on a commencé à échanger avec l'ACE et les discussions se sont concrétisées en 2020, date à laquelle l’Ordre a pris le contrôle de l’ACE. On a ensuite travaillé à la fusion de notre association en charge de la formation continue, l’ASFOREF et de l’ACE pour créer Sup’Expertise Paris.
Il s’agit de l'accompagnement des étudiants post-bac pendant leurs études, soit en direct, soit avec des partenariats. Ensuite, on va former les 2 700 experts-comptables stagiaires d’Ile-de-France, puis en formation continue avec les experts-comptables et leurs collaborateurs.
L'objectif, c'est de développer en partenariat un maximum de formations certifiantes. On a déjà commencé à le faire avec Dauphine pour les Executive Master et la nouvelle formation RSE qu’on a lancé en septembre 2021. On a également lancé une formation avec HEC sur le DAF externalisé et on travaille avec d'autres institutions pour proposer des certificats ou masters qui devront compléter l'offre.
Notre ambition, c'est de faire en sorte que demain, on puisse distribuer aux étudiants les plus méritants des bachelors qui donneront les équivalences ou les dispenses du DCG, et la même chose pour les masters au niveau du DSCG.
On envisage d'investir massivement dans la communication pour faire reconnaître cette école comme étant une école attractive parce que les étudiants s'orientent souvent vers des masters et des bachelors qui n’offrent pas nécessairement des débouchés permettant la poursuite des études. Or, un bachelor qui serait réalisé au sein de Sup’Expertise donnera les équivalences DCG/DSCG et garantira aux étudiants de poursuivre leurs études de bac+3 à bac+5 et au-delà. L'attractivité de nos cabinets dépend du nombre d'étudiants dans la filière. On veut donc communiquer auprès du grand public, des parents, des étudiants et des lycéens sur la qualité, la richesse, la diversité des parcours et des missions et redonner de l'envie aux jeunes pour venir nous rejoindre.
On va leur parler de bachelor, de formation technique et comportementale dans la gestion financière. On pense qu’on a d'énormes atouts à faire valoir par rapport aux attentes du marché des jeunes et de leurs parents, mais que malheureusement c'est assez peu connu. En plus de Sup’Expertise, on est en train de réaliser d'importants travaux sur un bâtiment situé à Courbevoie, pour un campus qui va faire 100 000 m2 avec des espaces de confraternité, de relaxation, des espaces de vie adaptés pour les jeunes, avec une salle de sport et une cuisine, un patio superbe et une terrasse de 1 200 m2.
Parallèlement au centre de formation, rue de Londres, à Paris, qui compte 12 salles de formation d'une vingtaine de places, le bâtiment à Courbevoie dispose d’une quarantaine de salles de 30 places et d’un amphithéâtre de 160 places dédié à la formation initiale et à la formation continue des stagiaires. On répartira les groupes entre les deux lieux.
https://www.oec-paris.fr/l-ordre-vous-accompagne/je-prepare-lavenir/parcours-de-la-transformation/