Amusé, l'ancien conseiller à la sécurité d'Emmanuel Macron se souvient encore de ses premiers jours, fin août, dans son nouveau bureau niché au 24e étage de la tour dessinée par l'architecte André Wogenscky. Une semaine tout juste après sa prise de fonction, il accueillait une équipe de tournage d'un documentaire sur l'ex-ORTF. De la série "Au service de la France", une comédie sur les services secrets français dans les années 1960, au film plus grand public "Victoria", le bâtiment voulu par André Malraux n'en finit pas d'attirer le 7e Art. Depuis 2014, pas moins de 15 tournages ont eu lieu dans ce bâtiment reconnaissable à ses "brise-soleil" aux fenêtres. Et pour cause. D'apparence austère et froide, les 113 m de béton et d'aluminium qui dominent la ville de Nanterre comptent en leur sein des décors rétros typiques des années 1970.
Au premier étage, à quelques mètres seulement de l'accueil du public, un bar avec puits de lumière, interminable comptoir en inox et fauteuils en skaï rouge et noir, côtoie des passerelles ressemblant à s'y méprendre aux couloirs de l'aéroport d'Orly.
Vasarely et Le Corbusier
Vingt-trois étages plus haut, le bureau du préfet, qui offre une vue imprenable sur Paris et sur la "skyline" de la Défense, est le décor idéal pour des scènes de réunion en entreprise. Toujours au premier étage, deux immenses tapisseries de Vasarely et de Tourlière se font face dans le salon d'honneur. De l'autre côté de la cloison, le salon de réception du préfet regorge d'œuvres d'art et de meubles prêtés pour l'essentiel par le mobilier national. « Si tout n'est pas d'origine, tout est d'époque », assure-t-on à la préfecture, dont certains espaces ont été inscrits en 2019 au titre des monuments historiques. L'argent des tournages, qui ont rapporté une année jusqu'à 60 000 euros, sert à financer la rénovation du bâtiment où, chaque jour, travaillent 1 900 personnes et sont accueillies 2 000 visiteurs. Le bâtiment « était visionnaire mais jusqu'à un certain point », glisse un cadre de la préfecture. « Les concepteurs n'ont pas forcément anticipé totalement le vieillissement de la tour, ni le fait qu'un jour l'État n'aurait plus autant de moyens que dans les années 1970 ». Surfant sur le retour en grâce du rétro, la tour s'est dotée d'un compte Instagram et a décidé en 2012 d'ouvrir ses portes au public dans le cadre des journées du patrimoine. Elles resteront toutefois closes cette année en raison du rebond de l'épidémie de coronavirus.
Goût de revanche
Ce succès auprès du cinéma a également un goût de revanche pour Nanterre. Inaugurée en 1973, la préfecture, avec le palais de justice adjacent, devaient en effet initialement s'inscrire dans un projet beaucoup plus vaste. En 1964, la commande d'André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles, prévoyait en outre la construction de quatre écoles d'art et un "musée du XXe siècle". Cette dernière partie ne verra finalement pas le jour – Georges Pompidou aurait dit-on souhaité que le musée notamment soit situé à Paris intramuros – mais un immense escalier « ne menant à rien », si ce n'est depuis peu à une terrasse, est toujours visible, s'amuse une employée de la préfecture. Rien d'étonnant aux yeux de Laurent Hottiaux, qui rappelle que les projets d'aménagement se sont toujours accompagnés d'une "relation particulière" – entendre certains tiraillements - entre Paris et les départements, à l'image du quartier de la Défense.