Affiches Parisiennes : Quelles sont les préoccupations du Sénat en ce moment ?
Jean-Raymond Hugonet : L’actualité au Sénat, c'est le vote du projet de loi de finances pour 2023. Ici nous ne sommes pas soumis au processus du 49.3. Donc, nous avons décidé d'étudier le budget et nous en avons terminé l'examen la semaine dernière. Le texte est reparti en deuxième lecture à l'Assemblée et il va revenir ici après le second 49.3. Une attention particulière est portée sur le financement des communes et comment vont-elles vivre demain, alors que visiblement, du côté du pouvoir central, on a déterminé qu'on allait étouffer progressivement les communes.
A. -P. : Quelles sont les alertes que vous avez mises en avant ?
J-R. H : Les alertes sont simples. L’État sait pertinemment que les communes sont bien gérées, pour la bonne et simple raison qu'il nous oblige à voter nos budgets en équilibre. Donc celui qui nous oblige à voter les budgets en équilibre est celui-là même qui, depuis 40 ans, fait exactement le contraire en laissant courir les déficits. Aujourd'hui, les deux piliers principaux de notre démocratie que sont les communes et les départements, ces deux piliers n'en peuvent plus.
A. -P. : Du coup, quelles solutions proposez-vous ?
J-R. H : La solution, c'est de faire confiance au bon sens, et le bon sens il se trouve souvent sur le terrain ! Au Sénat, sous l'égide de Gérard Larcher, nous réclamons beaucoup plus de décentralisation et de différenciation. Or, nous constatons depuis des années que l'État, au contraire, concentre de plus en plus les pouvoirs entre ses mains et que les communes en sont progressivement dessaisies. L'article 72 de la Constitution sur la libre administration des communes est bafoué tous les jours et cela devient insupportable.
A. -P. : Vous avez co-écrit un rapport dernièrement sur le financement de l’audiovisuel public, qu’en est-il ?
J-R. H : Ce rapport, que j'ai écrit avec Roger Karoutchi, mon collègue de la Commission des finances, préconise tout simplement de fusionner les composantes de l'audiovisuel public pour qu'elles soient plus fortes et qu'enfin on décide d'un vrai cap pour l'audiovisuel public français, ce qui n'est toujours pas le cas puisqu'on vient de perdre cinq ans sans véritable réforme structurelle de l'audiovisuel.
A. -P. : Qu’avez-vous proposé pour faire évoluer l’audiovisuel ? Le numérique ?
J-R. H : Aujourd’hui, le numérique devient progressivement plus important que la TNT. Donc le numérique et le digital sont une vraie révolution. Dans l'audiovisuel, il s'agit de s'adapter, ce qui n'est pas le cas. L'audiovisuel, qu'il soit public ou privé, est régi par une loi qui date de 1986, qui a été modifiée, je crois, à plus de 80 reprises. C'est une loi qui tient debout par l'opération du Saint-Esprit, et, si vous me passez l’expression, qui sent vraiment le formol. Et aujourd'hui, alors que nous sommes en pleine révolution numérique, que les plateformes arrivent sur le marché, que le marché est totalement bouleversé, cette loi est totalement datée. Il n’y a quasiment qu'en France qu'on voit ça. Nous faisons donc tout ce qu'il faut pour essayer d'amener Madame la ministre à enfin prendre des décisions, si tant est qu'elle ait elle-même les latitudes pour les prendre ...
A. -P. : Sur Public Sénat, vous avez indiqué qu’il y avait trop de chaînes publiques. Pouvez-vous nous en dire plus ?
J-R. H : Ce que nous disons, c'est qu’aujourd'hui, le périmètre du service public doit être revu parce que l'on parle toujours des moyens, alors même que la bonne question à se poser c’est : quels moyens pour quelles missions ? Je crois qu'aujourd'hui, nous sommes arrivés à un seuil. Etant donné le déficit endémique des comptes publics, je pense qu'il faut être particulièrement raisonnable dans l'audiovisuel, comme dans d'autres domaines. Pour le même montant budgétaire, que fait-on ? Si on veut faire plus, il faut réduire le périmètre pour pouvoir développer le numérique. Il faut revoir à la fois le nombre de chaînes et le nombre de fréquences.
A. -P. : Quelles sont vos attentes positives pour 2023 ?
J-R. H : Ce qu'on peut espérer de positif ? Une seule chose, c'est que le pays comprenne que, sans un effort collectif majeur, on va avoir du mal à s'en sortir. Moi, c'est la seule chose qui aujourd'hui me fait m'engager en politique. Je parle de la vraie politique, celle que je fais depuis 22 ans, sur le terrain en proximité immédiate des administrés. Ce n'est pas là un propos de façade. Je suis très fier d'être aujourd'hui au Sénat, mais je n'oublie pas d'où je viens et au service de qui j’agis au quotidien. A partir du moment où nous n'aurons pas collectivement pris conscience de l'état dans lequel se trouve notre beau pays qui est si riche, ça n'avancera pas. Et malheureusement, quand je regarde sur l'échiquier politique, je me rends compte qu'on est toujours dans les petites combines et qu’on se rapetisse de jour en jour, alors que l'objectif majeur qui devrait être le nôtre, et je vous parle quasiment à l’ombre de la Constitution de 58 qui se trouve juste à portée de bras ici, exposée au Sénat, c'est qu'on relise ce que d'autres avant nous ont écrit dans d'autres circonstances. Je pense qu'on prendra un petit peu conscience de l'effort qu'on a à faire, et je me mets dedans bien évidemment.