« Nous avons aujourd’hui 145 000 mandats sur un champ d’environ 2,5 millions de petites entreprises. On en comptait 161 500 en 2018 », annonce d’emblée Yannick Ollivier, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC).
S’il « regrette ce constat de tendance baissière » et le fait que le tissu économique des petites entreprises se fragilise à mesure que la présence du commissaire aux comptes (CAC) se réduit, il se réjouit toutefois que certains dirigeants fassent toujours appel à leurs services.
« Cette enquête a eu énormément de succès avec 1 500 commissaires aux comptes répondants, ce qui est très important pour la profession, parmi lesquels 57,7 % ont entre 1 et 10 mandats PE », commente Fabrice Vidal, président de la commission Marché Petites Entreprises de la CNCC.
Pour l’institution des commissaires aux comptes, une petite entreprise (PE) est une structure qui produit jusqu’à 8 millions d’euros de chiffre d’affaires et 4 millions d’euros de bilan annuel. Elles représentent ainsi une grande majorité des PME françaises, 57 % des mandats des CAC et 27 % de leurs honoraires perçus en 2020.
Plus de la moitié des mandats non renouvelés
Cette étude s’appuie sur l’analyse des déclarations annuelles d’activité des CAC et sur une enquête menée auprès des professionnels au cours du mois de mars 2022 sur l’évolution de leur portefeuille de mandats dans les PME et l’état de leur relation avec les dirigeants sur ce segment de marché.
Le recul attendu de la présence du CAC auprès des PE se poursuit de manière progressive, dans une proportion légèrement supérieure à celle observée depuis l’entrée en vigueur de la loi Pacte. À l’issue des audits réalisés sur l’exercice 2020, plus de 10 500 mandats n’ont pas été renouvelés par les chefs d’entreprise du fait du relèvement des seuils, soit 52 % des mandats arrivés à échéance, contre 46 % à l’issue des audits réalisés sur l’exercice 2019.
Yannick Ollivier note toutefois un « effritement limité » par rapport à ce qui était anticipé mais qui pourrait s’aggraver avec l’impact économique différé de la crise sanitaire sur les TPE dont le nombre de faillites a été considérablement limité grâce aux dispositifs d’aide d’Etat mais qui risque de remonter significativement dans les années à venir.
Alerte sur l’affaiblissement du niveau de sécurité économique
« L’enjeu c’est la sécurité économique dans les petites entreprises et ce qui nous intéresse c’est de dire attention car dans ce champ il n’y a pas toujours un vrai niveau de contrôle. Ce qui ressort de ce baromètre est que cet enjeu continue à être fort dans un contexte de fragilisation avec un recul continu et progressif du nombre de mandats », alerte le président de la CNCC.
Une baisse préoccupante non seulement pour la profession mais surtout pour l’économie hexagonale essentiellement composée de petites boîtes.
Un constat « d’autant plus dommage dans cette période délicate où l’heure est venue de rembourser les PGE et où nous allons voir les défaillances arriver dans les prochains mois », relève-t-il.
« Le commissariat aux comptes dans les petites entreprises est extrêmement important pour les entreprises et les CAC car ça représente 145 000 mandats qui apportent de la sécurité dans les tissus territoriaux. Notre objectif ce n’est pas uniquement qu’il y ai une présence dans les PE mais surtout qu’elle réponde à leur besoin de certification des comptes et de sécurisation financière », ajoute Fabrice Vidal.
Promotion du rôle de tiers de confiance des CAC
« Ce qui nous intéresse c’est de connaître avant tout le comportement des chefs d’entreprise », souligne Yannick Ollivier notant la stabilité des facteurs de renouvellement des mandats.
Selon l’enquête, les dirigeants qui bénéficiaient déjà de la présence d’un CAC ont fondé leur décision de renouveler volontairement leur mandat de certification légale sur la base d’une conviction : la mission du CAC constitue un atout et un facteur de réussite de leur projet. Un constat intimement lié à la confiance qu’il leur accorde. Ainsi, pour 57 % des CAC interrogés, il apparaît que la qualité de la relation professionnelle avec leurs clients compte parmi les facteurs les plus déterminants du renouvellement des mandats.
« La qualité de la relation est un point important dans le renouvellement du mandat ce qui démontre que le CAC est reconnu par les chefs d’entreprise et que sa présence nous semble appréciée », se réjouit Fabrice Vidal.
Cette perception est également soutenue par l’étude des déclarations d’activité qui révèle que 89 % des mandats sont renouvelés auprès des mêmes cabinets de commissariat aux comptes. Un « élément important » selon Yannick Ollivier qui « montre qu’il n’y a pas vraiment d’effet de concentration vers les grands cabinets d’audit » ce qui inquiétait de nombreux CAC à l’annonce de la baisse des seuils.
« C’est souvent le contexte qui détermine si l’entreprise fait appel à un CAC plutôt qu’à un expert-comptable », précise Yannick Ollivier qui ne souhaite pas leur faire la guerre et met en avant l’indépendance des CAC, leur déontologie et la complémentarité de leurs analyses. Leur but n’étant pas de se faire concurrence mais de répondre aux besoins des dirigeants.
À la question de savoir si la CNCC milite pour une évolution législative de rehaussement des seuils d’audit légal, l’institution répond « pas vraiment, même si le besoin de confiance qui ressort de ce baromètre est vivement défendu devant le gouvernement ». Elle réfléchit plutôt à ce qu’on ajoute dans les textes de la sécurité financière là où il y en a besoin, sur des problématiques données comme les Ehpad par exemple (car co-financés par le privé, les collectivités et l’Etat), ou encore pour assurer l’égalité entre les actionnaires ou sécuriser les structures de gouvernance particulières, car les CAC « souhaitent être présents là où ils sont utiles ».
Yannick Ollivier insiste surtout sur l’importance que l’écosystème (banques, financeurs, actionnaires…) recommande l’appui d’un CAC pour assurer la réussite du projet entrepreneurial en mettant en avant leur déontologie dont la nouvelle norme est actuellement en instance de validation par leur régulateur, le H3C. La CNCC construit également des partenariats avec les réseaux bancaires pour faire la promotion de la profession et échange beaucoup avec l’exécutif sur la prévention des entreprises en difficulté.
« C’est vraiment un sujet de fonds qu’on va continuer à porter et à défendre en expliquant aux parties prenantes à quel point notre présence est utile », en conclut-il.