Selon une enquête réalisée par la plateforme digitale de devis gratuits d'avocats Jurifiable, auprès de 10 000 internautes ayant utilisé ses services, seuls 23 % des justiciables se déclarent satisfaits de la relation avec leurs avocats.
Il semble donc que les attentes des clients soient toujours plus nombreuses et plus exigeantes, et il est indispensable que l'avocat s'adapte à ces évolutions et place la relation client au cœur de sa stratégie.
La relation client-avocat n'est pas la seule à évoluer. Ses principaux acteurs, avocats comme clients, changent.
Aujourd'hui, 45 % des nouveaux avocats ont moins de 40 ans et sont touchés de plein fouet par la transition digitale, tout comme les justiciables qui évoluent pleinement dans l'ère numérique. Dans une société qui se digitalise à différents niveaux, les outils numériques se mettent logiquement au service de la relation client et la font avancer.
Qu'est-ce que la relation client-avocat aujourd'hui ?
La relation client-avocat vit une certaine mutation. Tout d'abord, le client a des attentes différentes. Face à un système judiciaire considéré comme opaque par les justiciables (91 % d'entre eux estiment que notre système judiciaire est compliqué à comprendre (Source, Le Figaro) le client est en quête de simplification.
Il cherche à ce que ses intérêts soient représentés de manière efficace tout en comprenant les tenants et les aboutissants de son dossier. Ainsi, l'avocat doit faire preuve de clarté pour un client souvent en perte de repère face à la complexité du monde judiciaire.
En découle aussi le besoin de transparence du client. Cette nécessité touche de nombreux aspects d'un dossier client et constitue un point hautement sensible qui noue la relation. Le client est aussi en recherche de performance. En effet, l'automatisation des tâches se propage également à l'économie des services et ses gains de productivité semblent justifier – pour le client du moins – une baisse des coûts des prestations.
Les acteurs de cette relation évoluent également. L'avocat vit cette transition dans ses rapports avec le juge depuis l'instauration en 2010 du RPVA (Réseau Privé Virtuel des Avocats), une connexion unique entre le juge et l'avocat, véritable accélérateur de productivité pour les petits comme pour les grands cabinets.
Clients comme avocats évoluent dans un monde toujours plus connecté, où les outils relationnels mis à leur disposition sont performants et nombreux. La dimension numérique s'impose donc logiquement dans leur relation. Face à cet enjeu hautement stratégique pour les cabinets, de nombreuses problématiques se dessinent.
Quels enjeux ?
Plus de visibilité
Au sein d'une profession de plus en plus jeune (45 % de la profession est âgée de moins de 40 ans) et de plus en plus nombreuse (les effectifs ont doublé en 20 ans), le besoin de se distinguer, de “sortir du lot”, est croissant.
Or, dans l'ère du numérique, où 80 % des internautes déclarent avoir recours à Internet pour se renseigner avant d'acheter un produit, gagner en visibilité est devenu un enjeu majeur dans le secteur des services. L'avocature n'échappe pas à cette règle. à ce titre, on peut relever, selon l'étude CNB/CSA de 2017, que si 90 % des avocats interrogés reconnaissent qu'il est important d'avoir un site Internet, seuls 67 % déclarent en avoir un. Les avocats sont donc parfaitement conscients de l'importance d'assurer une présence en ligne mais – paradoxalement – en font encore trop peu pour pleinement utiliser les outils à leur disposition.
Quels sont donc ces outils permettant à l'avocat de gagner en visibilité ? Outre le site internet mentionné précédemment, de nombreux outils numériques permettent à l'avocat de développer sa présence en ligne. Il existe bien évidemment les réseaux sociaux professionnels tels que LinkedIn, qui facilitent sa visibilité.
D'autres moyens à destination spécifique des avocats, et surtout de leurs futurs clients, se développent. Ainsi, de nombreux sites de référencement d'avocats ont commencé à essaimer dès le début des années 2000. De nombreux acteurs sont désormais bien présents sur le marché, tels que mon-avocat.fr, cherchelavocat.com ou encore alexia.fr. Ce dernier revendique même 7 500 avocats en service sur l'ensemble du territoire français.
Preuve de cet engouement pour de telles plateformes, le Conseil National des Barreaux (CNB) a même développé sa propre plateforme : avocat.fr. Ces sites ne servent pas exclusivement d'ersatz au « bon vieil » annuaire téléphonique puisqu'ils permettent souvent, au-delà d'une prise de rendez-vous ou d'un appel téléphonique, une première consultation gratuite.
Plus de transparence
Une fois le client mis en relation avec son avocat, la relation client-avocat ne fait que commencer. Cette dernière est en effet fondée sur une confiance solide et une communication régulière et ne s'achève qu'une fois la prestation effectuée. Simplement il est difficile pour le client d'appréhender ce que fait son avocat au quotidien et, de fait, il est difficile pour ce dernier de gagner la confiance de son client sur le long terme, voire de justifier le paiement de sa prestation.
Par quels outils l'avocat peut-il rendre son travail plus transparent et donc faciliter sa relation client-avocat ? Un outil récent s'appuyant sur les nouvelles technologies est en train de faire son apparition : il s'agit du legal cluster ou du dossier électronique-client partagé. Un exemple fort de cette innovation a été présenté par le finaliste du Prix 2019 de l'innovation des avocats en relation-clients du Village de la Justice : la plateforme Tempo du cabinet Vivaldi Avocats.
L'avantage pour le client est double. Tout d'abord cette plateforme a été conçue de telle sorte que le client puisse suivre son dossier en temps réel, ce que lui permet de mieux comprendre le travail fourni par l'avocat sur le dossier.
Ensuite, il centralise les différentes spécialités et acteurs intervenant sur le dossier. à titre d'exemple, la plateforme Tempo autorise le partage d'un dossier contentieux avec l'huissier ou les experts intervenant sur celui-ci, tout en garantissant que ces intervenants externes n'aient accès qu'à la partie les concernant. Maître Eric Delfly, avocat associé au sein du cabinet Vivaldi Avocats, souligne que l'outil créé permet plus de réactivité de la part de l'avocat et, surtout, l'exhaustivité de la relation client-avocat.
Un autre outil permettant plus de transparence est le legal design. Le concept qui se cache derrière cet anglicisme vient du New-York des années 90 et pourrait être résumé de la façon suivante : dessiner pour mieux expliquer. Ainsi, par le biais de schémas ou de dessins, l'avocat peut désormais expliquer de manière plus simple et plus claire une opération ou une stratégie juridique envisagée afin que le client en saisisse l'intégralité. Cet outil permet donc de rapprocher le client de son avocat en facilitant la compréhension et l'accessibilité de l'information juridique par ce premier.
Plus d'efficacité
Enfin, l'avocat se doit d'être plus efficace dans son travail. Une étude menée en 2017 par le cabinet Acritas montre que la critique la plus souvent adressée aux cabinets d'avocats est leur faible « valeur ajoutée ». 44 % des clients interrogés considèrent que les cabinets d'avocats doivent être plus transparents et plus efficaces.
Le gain principal d'efficacité réside dans l'automatisation croissante des tâches et rend possible des gains de productivité notamment par la génération de documents juridiques. De nombreux sites, logiciels et applications ont désormais pour fonction de générer des documents voire d'effectuer des tâches de due diligence (Kira, eBrevia). Cette automatisation de tâches répétitives fait gagner du temps à l'avocat qui peut donc se concentrer sur d'autres tâches moins répétitives mais bien plus stratégiques pour le client.
Cette automatisation passe aussi par des recherches améliorées et plus efficaces. De nombreux services numériques se sont donc développés afin de proposer à l'avocat les sources jurisprudentielles les plus pertinentes et complètes possibles, offrant là encore de nombreux gains de temps à celui-ci (LexisNexis ou doctrine.fr).
Ces différents outils permettent à l'avocat de devenir un « avocat augmenté » lui permettant de se consacrer à plus de tâches purement juridiques ou à se consacrer à développer son relationnel client.
Quelles limites ?
Les avocats, s'ils bénéficient largement de la digitalisation de la relation client-avocat, restent sous la menace d'une certaine forme de « tripadvorisation » de la profession, pour emprunter ce néologisme à Fabien Girard de Barros, directeur général de Lexbase.
Comme l'avait relevé le rapport de Maître Haeri, le phénomène de notation des produits « deviendra un élément déterminant dans la perception de l'attractivité, par les autres consommateurs, des services proposés. Tout sera noté : l'hôtel, le restaurant, l'école, le médecin… l'avocat » .
Or, par un arrêt en date du 11 mai 2017, la Première chambre civile de la Cour de cassation a statué qu'il était tout à fait possible pour un site tel qu'alexia.fr, demandeur en l'espèce, de procéder à la comparaison d'avocats entre eux, contrairement à ce que soutenait le CNB, défenseur au pourvoi.
En effet, la Cour de Cassation a considéré que l'interdiction faite par l'article 15 al 1er du décret 2005-790 interdisant aux avocats d'intégrer « tout élément comparatif ou dénigrant » au sein de publicités ou de sollicitation ne s'appliquait qu'aux avocats, et donc a contrario ne s'appliquait pas aux sites référençant ces derniers.
La Cour conclut donc que « les tiers ne sont pas tenus par les règles déontologiques de cette profession, et qu'il leur appartient seulement, dans leurs activités propres, de délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente ».
Tout repose sur cette question : comment le client donnant un avis peut-il délivrer cette information sans être subjectif, notamment dans cet aspect très personnel qu'est la relation client-avocat, comme le souligne Benjamin Charrier, chercheur associé au Cerdi.
Si la relation client-avocat peut être améliorée par le biais du digital, il est de notre perception que celle-ci revêt un aspect trop subjectif pour être notée ou classée. En outre, face à une relation qui évolue dans un monde traditionnel et codifié, il semble que l'impact de la digitalisation demeure encore secondaire par rapport à la prépondérance des subtilités et de la force du contact humain.
Chronique « Droit, Juriste et Pratique du Droit Augmentés »
Cette chronique a pour objectif, de traiter de questions d'actualité relatives à cette transformation. Dans un contexte où le digital, le big data et le data analytics, le machine learning et l'intelligence artificielle transforment en profondeur et durablement la pratique du droit, créant des « juristes augmentés » mais appelant aussi un « Droit augmenté » au regard des enjeux et des nouveaux business models portés par le digital.
L'EDHEC Business School dispose de deux atouts pour contribuer aux réflexions sur ces sujets. D'une part, son centre de recherche LegalEdhec, dont les travaux – reconnus – à l'intersection entre le droit et la stratégie, et portant sur le management des risques juridiques et la performance juridique, l'amènent aujourd'hui à lancer son nouveau projet A3L (Advanced Law, Lawyers and Lawyering). D'autre part, ses étudiants, et en particulier ceux de sa Filière Business Law and Management (en partenariat avec la Faculté de droit de l'Université Catholique de Lille) et de son LLM Law & Tax Management, dont la formation et les objectifs professionnels les placent au cœur de ces enjeux du digital.