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17e ENTRETIENS DE LA SAUVEGARDE

« L’articulation vers les procédures de sauvegarde est un des enjeux de la sortie de crise »

Intitulée “Quelle sortie de crise ?”, la 17e édition des Entretiens de la sauvegarde organisés par l’IFPPC révèle que le « tsunami des faillites » annoncé n’a pas eu lieu grâce à un bon maillage territorial de soutiens aux entreprises en difficulté.
« L’articulation vers les procédures de sauvegarde est un des enjeux de la sortie de crise »
© IFPPC

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Pas moins de 685 professionnels, dont 150 magistrats, ont participé cette année à la grand-messe des praticiens des procédures collectives. L’événement a dû se tenir une fois de plus en ligne, au grand dam d’Olivier Buisine, président del’Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC), qui a toutefois rappelé que cette parenthèse numérique est indispensable compte tenu de la crise sanitaire.

« Gageons que l’année prochaine les Entretiens pourront être démaqués et que nous aurons le plaisir de vous retrouver en présentiel. Le Covid-19 a bousculé, certes les hommes, mais également les textes avec l’actualité brûlante de la réforme des sûretés et les différentes dispositions sur l’accompagnement des entreprises face à la crise sanitaire », a annoncé en introduction le mandataire judiciaire François Legrand entrant dans le vif du sujet.

Baisse significative des procédures collectives malgré la crise

Succédant récemment à Christophe Basse à la tête du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires (CNAJMJ), Me Frédéric Abitbol, qui exerce la profession de mandataire judiciaire depuis 2007, a pu présenter sa feuille de route de mandat et évoquer « le tsunami qui n’a pas eu lieu et qui n’aura pas lieu ».

En effet, évoquant les statistiques récentes des procédures collectives en baisse significativeen France, le mandataire a expliqué que les procédures amiables ainsi que les différents dispositifs d’aides d’Etat ont su jouer efficacement le rôle de bouclier face à la crise.

Olivier Buisine a effectivement confirmé que les prêts garantis par l’Etat (PGE), le fonds de solidarité et le dispositif de travail partiel obtenus pour accompagner les entreprises pendant cette crise, ainsi que la nouvelle procédure de sortie de crise et le maintien de la garantie de l’Etat en cas d’abandon partiel de créance, ont très bien fonctionné.

« On note une baisse durable des volumes de l’environnement de la restructuration d’entreprise », a souligné Olivier Buisine.

Toutefois, cette dernière pourrait être encore plus soutenue si les dirigeants en difficulté étaient davantage informés des outils à leur disposition, notamment des procédures amiables. Selon un sondage Ifop, seulement 40 % des dirigeants connaissent le mandat ad hoc.

Tissu de « médecins et préventionnistes » au chevet des entreprises

Pour l’administrateur judiciaire, un des enjeux de la sortie de crise est donc « une meilleure articulation vers les procédures de sauvegarde et le mandat ah hoc ». Un objectif qui peut être atteint grâce au « mariage avec les greffiers des tribunaux de commerces et les avocats pour un meilleur maillage territorial ».

« Ensemble nous avons beaucoup à faire », a déclaré le grand témoin Jean Rottner, médecin et président de la région Grand Est depuis 2017 dans un message vidéo. « La région a un rôle majeur à jouer dans la détection des entreprises en difficulté, il est donc indispensable que nous renforcions notre coopération (…) et que nous prenions part la détection des signaux faibles de défaillance »Le grand témoin Jean Rottner, médecin et président de la région Grand Est

« Une crise est un temps de mutations, de difficultés, mais aussi d’opportunité. Ce qui frappe en premier lieu est le rebond économique qu’on n’attendait pas à ce niveau. Dans ma région près de 60 000 entreprises ont été créées l’an dernier, c’est 2 fois plus qu’il y a 5 ans », a confié cet optimiste résilient.

« Votre rôle pour accompagner cette sortie de crise est essentiel et fondamental parce que votre réseau est indispensable pour connecter repreneurs et entreprises en difficulté », a-t-il conclu en qualifiant les professionnels de l’IFPPC de « médecins et préventionnnistes des entreprises ».

Notre planète en « faillite permanente »

Invité spécial de ces 17e Entretiens de la sauvegarde, l’ingénieur en énergie et climat et ambassadeur de « the shift project » Jean-Marc Jancovici a proposé une analyse brillante et originale de la crise prenant en compte le défi climatique et qualifiant les administrateurs de la terre comme étant « en faillite permanente » à cause de la part immense d’énergies fossiles et de machines industrielles dans la croissance économique actuelle. « Ce qui nous attend à l’avenir c’est de régler plus de problèmes avec moins de moyens », a-t-il résumé en prônant la décroissance.

Coordination et maillage territorial

Lors de la table ronde sur ‘Les acteurs pour accompagner l’entreprise en difficulté’, le mandataire judiciaire Thibaud Poinsard a posé la question de la multiplication de ces derniers et de leur coordination.

En guide de réponse, le conseiller national à la sortie de crise Gérard Pfauwadel a présenté le dispositif qu’il décline depuis un an en partenariat avec les professions du droit et du chiffre au plan départemental « pour coller au terrain et à la réalité » sous forme de 101 comités départementaux à la sortie de crise « ayant pour vocation d’être le guichet unique » des entreprises en difficulté depuis la crise sanitaire. Ce dispositif est aujourd’hui « complètement opérationnel » et « n’est pas encore soumis à l’épreuve du feu » puisque les statistiques jouent en la faveur des entreprises. L’expert estime toutefois qu’« il ne faut pas se désarmer » et garder ce dispositif actif en cas d’effet boomerang.

« Il n’est pas mauvais qu’il y ait autant d’acteurs de la prévention car il y a beaucoup de besoins », a noté le président du Tribunal de commerce de Nanterre Jacques Fineschi.

L’avocat Jean-Dominique Daudier de Cassini a noté quant à lui que les banques sont très frileuses dans ce cadre d’instabilité, notamment les réassureurs, et que les entreprises ont un réel besoin de fonds de roulement donc que les professionnels devraient davantage communiquer avec les financiers.

Enfin, le nouveau président des greffiers des tribunaux de commerce Thomas Denfer a fait remarquer que les indicateurs d’Infogreffe sont très précieux et permettent d’orienter et de piloter le travail des professionnels des procédures collectives. Un algorithme en libre accès bâti par Infogreffe il y a déjà 4 ans permet en effet de donner un score à chaque entrepreneur et ses partenaires. Il a également souligné l’importance de l’association Apesa fondée par le greffier Marc Binnié qui prend en charge la dimension humaine des dirigeants en difficulté.

Nombreux outils deFinancement

Jean-François de Mongolfier, Directeur des affaires civiles et du Sceau (DACS) était l’invité d’honneur de la table ronde sur le financement et la restructuration de l’entreprise en difficulté. Il a présenté les nouveaux outils de financements tels qu’ils ressortent de la réforme du 15 septembre dernier via la publication des ordonnances sur les sûretés et le livre 6 du Code de commerce sur l’insolvabilité.

« Au moins 4 outils de sûretés peuvent intervenir dans des cadres de restructuration comme l’assouplissement des règles de la fiducie, la consécration de la sûreté des propriétés comme la cession de créance, l’admission du gage sur les immeubles par destination ou encore la suppression de la prohibition de l’hypothèque portant sur les biens futurs », a expliqué le DACS.

Il a ensuite donné davantage de détails sur la pérennisation du privilège de post-money, « le petit frère du privilège de new-money » qui peut être constitué à trois étapes, avant, pendant ou après la période d’observation ou le plan de sauvegarde.

Le DACS a également décrypté le mécanisme d’actionnariat pour le sort des actionnaires en application forcée interclasse dans lequel ces derniers sont appréhendés par le Code de commerce à travers la propriété dont ils font l’objet. Les conditions sont donc très strictes pour qu’ils se voient imposer un plan de sauvegarde ou une liquidation.

Frédéric Visnovsky, le médiateur national du crédit (outil gratuit et confidentiel pour les petites entreprises), a annoncé les nouvelles modalités pratiques de renégociation des prêts garantis par l’Etat en levant certaines inquiétudes.

« Le PGE a été conçu en termes d’amortissement comme un produit souple, c’est-à-dire un crédit à un an avec un choix de rembourser directement ou de demander un étalement de la dette. Près de la moitié des entreprises ont d’ailleurs déjà commencé à le rembourser », a-t-il expliqué. Le dispositif a donc répondu aux besoins selon lui car les estimations prédisent que seulement 5 % des PGE ne seront pas remboursés.

La moitié des PGE sont de « très petits montants d’environ 50 000 euros par entreprise » donc ils peuvent faire l’objet de renégociation et d’étalement, le tout étant de savoir bien dialoguer avec sa banque, notamment grâce à la médiation.

Olivier Buisine, président del’Institut français des praticiens des procédures collectives (IFPPC)

« Les équipes affaires spéciales ont fait le job et ont joué leur rôle », a rebondi Sophie Sabran, directrice du contentieux de la Caisse d’épargne Rhône-Alpes, après des développements sur l’octroi de crédit et le besoin de confiance en matière de restructuration.

Pour finir, le point de Stephan Catoire, président d’Equitis, sur la fiducie a montré que cet outil permet de « remettre de la confiance » dans la sauvegarde des entreprises, notamment pour « sécuriser des négociations un peu complexes avec les banques et aider les mandataires ou administrateurs judiciaires à obtenir des financements supplémentaires ». Pour l’administrateur Florent Hunsinger, la fiducie est d’ailleurs considérée comme « une piste de réflexion logique sur la migration de la profession vers les modes de gestion du patrimoine ». Une question également évoquée par le DACS.

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