AccueilSociétéHandicap : la loi de 2005, un socle quasi-parfait qui n’a pas développé toutes ses potentialités

Handicap : la loi de 2005, un socle quasi-parfait qui n’a pas développé toutes ses potentialités

Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, s’est rendue à l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), pour faire le bilan de la loi du 11 février 2005.
Stef Bonnot-Briey, Patrick Gohet, Catherine Fauny, Philippe Mouiller, Geneviève Darrieussecq, Frédéric Cloteaux, Marie Rousseau, Bernadette Pilloy, Denis Piveteau.
© DR - Stef Bonnot-Briey, Patrick Gohet, Catherine Fauny, Philippe Mouiller, Geneviève Darrieussecq, Frédéric Cloteaux, Marie Rousseau, Bernadette Pilloy, Denis Piveteau.

Société Publié le ,

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été saluée pour les différentes évolutions apportées en matière d’inclusion des différents types de handicap, de compensation des surcoûts induits et d’accessibilité. Mais ce texte a-t-il tenu toutes ses promesses, après 18 années d’application ? C’est notamment pour en discuter que Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, s’est rendue à l’Institut national des jeunes aveugles (INJA), à l’occasion d’une table ronde animée par Frédéric Cloteaux, journaliste chez Vivre FM.

« Fin 2010, on m’a dit : votre fils n’a pas sa place ici ». Marie Rousseau, présidente de l’association la Cour des Grands 75, a témoigné d’une expérience difficile après que son fils ait été diagnostiqué autiste en 2008. « Malgré un parcours chaotique, durant lequel cette loi n’a pas été respectée, j’ai pu mettre en place un nouveau dispositif, qui va permettre à énormément de jeunes adultes autistes de s’épanouir », a-t-elle témoigné, précisant qu’il s’agissait de la première unité d'enseignement pour adolescents autistes, qui a vu le jour au sein du lycée parisien Honoré de Balzac.

« Ce qui m’a frappé dans votre témoignage, c’est que l’on ne peut pas comprendre l’apport de la loi de 2005 si l’on ne raconte pas une histoire de vie. Il ne s’agit pas d’une liste de prestations, mais d’accompagner un projet de vie, de permettre aux personnes handicapées d’aller au bout d’elles-mêmes », a complété Denis Piveteau, conseiller d’État, avant d’ajouter que la société n’avait pas encore épuisé tous les prolongements du changement de logique enclenché par la loi. L’idée était de passer de la réparation, dans le sens juridique du terme, à la compensation. « C’est un pivotement d’une radicalité que je ne soupçonnais pas à l’époque où nous travaillions sur le projet de loi », a-t-il souligné.

La loi sur le handicap de 2005, un « bébé extrêmement prometteur »

Catherine Fauny, cadre de santé à la maison des soins de Saint Jean de Dieu, a ensuite évoqué la question des difficultés que rencontrent encore les personnes handicapées pour accéder aux soins. « Selon les dernières enquêtes, on estime que 15 % des personnes vivant avec un handicap sont, soit en très grande difficulté pour accéder aux soins, soit en rupture de parcours de santé », a-t-elle détaillé. L’apport positif de la loi de 2005 reste qu’elle permet de soutenir les innovations à partir de projets d’acteurs de terrain. Aussi, des « handi-consultations » sont notamment développées pour remédier aux difficultés précitées.

« Je dirais que la loi de 2005 était un bébé extrêmement prometteur. Mais maintenant qu’elle est arrivée à l’âge de la majorité, on pourrait dire qu’elle n’a pas développé toutes ses potentialités », a ensuite abondé sans détours Bernadette Pilloy, membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Pour elle, la France est notamment en retard en matière d’accessibilité et de formation. Il faut également, selon elle, insister sur la recherche pluridisciplinaire et faire remonter des statistiques à partir de données de terrain. « Vive la loi de 2005, mais surtout vive son application », a-t-elle résumé.

Patrick Gohet, président de la Fondation internationale de recherche appliquée sur le handicap (Firah), a par ailleurs insisté sur le fait que le pays souffrait « d’inégalités territoriales considérables », certains départements étant mieux dotés que d’autres pour appliquer la loi. Le président de la Firah a aussi alerté sur la nécessité de proposer une réponse adaptée à chaque handicap, qui soit évolutive et durable. « Il y a, sur les polyhandicapés, un effet systémique des politiques, qui les conduisent progressivement à rejoindre la catégorie de la dépendance », a-t-il illustré, rappelant que la politique du handicap consistait, à la base, à n’oublier personne.

« On voit que les termes transformation et changement reviennent depuis des années. Certaines choses avancent. Mais à quel moment va-t-on s’arrêter et profiter du changement ? », a ensuite lancé Stef Bonnot-Briey, membre d’Handivoice. Si des évolutions ont été notables ces derniers temps, via les gains issus de l’innovation et de la simplification, paradoxalement, les textes sont « très mal appliqués et très mal compris ». « Derrière cette simplification, cette innovation, il nous manque l’opérationnalité », a-t-elle témoigné, ajoutant par exemple qu’il n’était pas concevable qu’il faille, en France, « demander de l’aide pour obtenir des aides ».

Philippe Mouiller, sénateur et président du groupe d'études “Handicap“ du Sénat, a de son côté estimé qu’il fallait « changer d’état d’esprit » et faire preuve de pédagogie. L’élu a ajouté vouloir montrer l’exemple, en faisant en sorte d’être exemplaire en tant qu’institution, en termes d’accessibilité et de communication notamment. « Sur cette culture générale, nous, élus comme habitants, avons tous un rôle à jouer collectivement. Si l’on considère que cela fait partie d’un enjeu global de société, on aura gagné », a-t-il estimé.

Genviève Darrieussecq appelle à changer de paradigme

« Tant que nous n'aurons pas changé de paradigme au niveau de notre société tout entière, dans son approche, dans sa capacité à ne pas exclure, nous aurons vraiment encore beaucoup de travail à réaliser », a finalement assuré Geneviève Darrieussecq, ajoutant que la loi de 2005 constituait un socle textuel suffisant en soi. « 18 ans après cette loi, si beaucoup de choses ont évolué dans les différentes composantes de notre société, tout n’est pas parfait », a reconnu la ministre. « Nous avons une tâche absolument immense pour arriver à faire en sorte que le mot inclusion ne fasse plus partie de notre vocabulaire », a-t-elle ajouté, indiquant mesurer la complexité des dispositifs (notamment des dossiers MDPH), de la mise en œuvre des droits à prestation de compensation, ou encore de l’emploi de personnes handicapées. « Nous allons travailler à simplifier les choses, avec l’objectif d’éviter de perturber l’évolution des familles et des personnes handicapées avec des difficultés administratives trop complexes, ce qui est incompréhensible, qui plus est, avec l’arrivée du numérique », a-t-elle ajouté.

Alors que la France s’est construite sur les structures et les institutions, l’heure est aujourd’hui à la désinstitutionalisation. « Je comprends que la lenteur de ce retournement soit difficile quelquefois, à comprendre. Mais la Conférence nationale du handicap va nous donner cet élan supplémentaire pour poursuivre cette transformation, cette simplification, mais aussi l'acte 2 de l'école inclusive et de l'université inclusive », a-t-elle précisé, appelant tous les entrepreneurs de France à se préparer à l’accueil de ces jeunes. Pour Geneviève Darrieussecq, la recherche et l'innovation (en matière technologique, organisationnelle ou d’interactions sociales) sont aussi des aspects fondamentaux, qu’il faut soutenir.

La ministre a également acquiescé quant à la nécessité de former les professionnels à tous les niveaux, pour que chacun soit en capacité d’interagir avec une personne handicapée. « En fait, c'est depuis la petite école qu'il faudrait apprendre des choses. L'inclusion scolaire va nous servir aussi à faire en sorte que notre société évolue, grâce à la jeunesse et par la jeunesse. C’est cela qui est important et je veux vraiment que nous le portions avec beaucoup de dynamisme », a-t-elle conclu.

Partager :
Abonnez-vous
  • Abonnement intégral papier + numérique

  • Nos suppléments et numéros spéciaux

  • Accès illimité à nos services

S'abonner
Journal du 24 mars 2023

Journal du24 mars 2023

Journal du 17 mars 2023

Journal du17 mars 2023

Journal du 10 mars 2023

Journal du10 mars 2023

Journal du 03 mars 2023

Journal du03 mars 2023

S'abonner
Envoyer à un ami
Connexion
Mot de passe oublié ?