« Pourquoi la Banque de France et l'ACPR accordent-elles de l'importance aux Fintechs ? Parce que celles-ci sont un élément essentiel pour le secteur financier : elles apportent de la créativité et comprennent les nouveaux besoins rapidement. Et elles valorisent le savoir scientifique et technologique français : intelligence artificielle, cryptographie, registres distribués, etc. », a déclaré François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France et président de l'ACPR en ouverture de l'événement.
Réconcilier confiance et innovation
Chargée de la supervision des secteurs bancaires et d'assurance, l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) est une institution intégrée à la Banque de France qui veille à la préservation de la stabilité financière et à la protection des clients. En partenariat avec l'Autorité des marchés financiers (AMF), elle dresse le bilan annuel de la conjoncture des technologies financières en pleine révolution avec l'essor des banques en ligne et des monnaies virtuelles.
« Notre rôle, comme banque centrale et superviseur, est de réconcilier confiance et innovation. Si vous m'autorisez une métaphore empruntée à l'histoire du chemin de fer qui fut d'abord au XIXe siècle une innovation majeure mais non sans risques, notre rôle consiste à éviter que le train déraille et à donner envie aux passagers d'y aller sans crainte », ajoute son président, fier de laisser la parole à Cédric O, secrétaire d'État chargé de la Transition Numérique et des communications électroniques.
« En matière de Fintech, nous avons le devoir d'innover mais en même temps nous avons celui de réguler », confirme le ministre du Numérique. « S'il y a des régulations c'est qu'il y a une raison souvent due à une période dystopique où une chute fait suite à un très bel essor à cause d'un défaut de confiance. La question qui se pose aujourd'hui dans tous les secteurs du numérique est celle de la confiance, que ce soit pour la 5G ou les cryptomonnaies », poursuit-il.
Tout à fait d'accord avec Cédric O, Natasha Cazenave, secrétaire générale adjointe en charge des affaires internationales de l'AMF considère qu'« il faut absolument réconcilier l'accompagnement de l'innovation avec la confiance ».
« Cette question des fintechs est à la croisée des enjeux de confiance et de souveraineté et étroitement liée à celle de la cybersécurité. Perdre la main sur la monnaie c'est le début de la perte de souveraineté politique. Nous devons donc prendre le sujet à bras-le-corps et l'initiative européenne est absolument majeure », confirme le membre du gouvernement.
L'ensemble des experts présents semble d'accord sur le constat que la France et l'Europe doivent s'emparer de cette nouvelle finance naissante, dont les futurs champions ne sont pas encore établis, afin de faire émerger des géants plus éthiques et plus sûrs et de faire face à la concurrence chinoise et américaine. La solution est donc la régulation raisonnée.
Faire face à la concurrence internationale
Pour Alain Clot, président de France Fintech, la régulation des technologies financières est « un sujet on ne peut plus stratégique qui structure les modèles ». « Pour une grande banque, la réglementation peut être une épine dans le pied tandis que pour une fintech ça peut être la mort ! », souligne-t-il toutefois, en mettant l'accent sur le risque d'étouffement de l'innovation par un cadre trop rigide. Pour lui, la concurrence internationale est rude : « la dernière fintech chinoise pèse 7 fois plus que la plus grande banque européenne qui est française ! ».
« La prise de conscience collective sur l'importance de réguler ce secteur et le mainstreaming de ces enjeux se traduit par des initiatives concrètes et une ambition très forte de l'Europe qui se donne les moyens à la fois en financement qu'en régulation », estime Natasha Cazenave qui se réjouit des annonces récentes de la Commission européennes sur l'encadrement des fintechs.
« Lita est implantée au niveau européen et voit les annonces réglementaires d'un très bon œil », confie quant à lui Julien Benayoun, directeur général de la fintech française Lita.co. qui a permis de financer 60 millions d'euros pour des projets RSE avec de l'épargne de citoyenne. Pour ce jeune acteur de la fintech, la finance est « complexe, peu transparente et n'englobe pas vraiment les enjeux de développement durable » aujourd'hui et il faut que ça évolue.
Par ailleurs, il s'agit d'un phénomène qui se mondialise et s'accentue. « L'utilisation du numérique va ne faire qu'augmenter, notamment avec la crise du Covid avec une forme de darwinisme où des monopoles vont continuer de prospérer », souligne Alain Clot. « Les nouveaux services financiers sont génériques, une appli de financement participatif est quasiment la même à Aurillac qu'à Singapour donc il y a une mondialisation de l'environnement financier », ajoute-il en arguant de la nécessité de poursuivre notre travail de régulation à travers l'écosystème européen.
« On a connu un énorme boom depuis la crise du Covid car il y a une prise de conscience et une rupture sur la volonté d'épargner autrement, avec une recherche de sens et d'épargne différente, axée vers des projets durables », témoigne le DG de Lita sur une notre très optimiste. D'ailleurs, cette jeune pousse est déjà rentable, ce qui est bien la preuve que l'environnement européen, bien que très encadré, laisse la place à l'innovation et à la croissance et qu'on a les moyens d'imposer nos standards à l'international.