Selon la taille de son entreprise, un employeur ne sera pas soumis aux mêmes obligations administratives. Depuis la Libération, qui embauche un cinquantième salarié doit par exemple créer un comité d'entreprise. L'objectif de l'article 11 de la loi Pacte, selon l'étude d'impact du projet de loi, est de « rendre les seuils d'effectif plus simples à apprécier et à remédier à l'anxiété que l'approche d'un seuil peut susciter auprès d'un chef d'entreprise ». En effet, poursuivait le rapport, « les seuils d'effectif salarié constituent aujourd'hui un environnement juridique peu lisible, complexe et source d'anxiété pour le chef d'entreprise ». Pour ce faire, l'article propose une action dans trois directions.
Harmonisation
Il s'agit tout d'abord d'harmoniser le mode de calcul des effectifs, qui jusqu'alors différait selon les codes. Le code de la sécurité sociale est retenu comme référence. L'effectif salarié annuel de l'employeur, y compris lorsqu'il s'agit d'une personne morale comportant plusieurs établissements, y correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente. Une dérogation est maintenue pour l'application de la tarification au titre du risque « accidents du travail et maladies professionnelles ». Dans ce cas, l'effectif à prendre en compte est celui de la dernière année connue. De même, l'effectif de l'année de création du premier emploi salarié titulaire d'un contrat de travail dans l'entreprise demeure celui atteint au dernier jour du mois au cours duquel cette embauche a eu lieu. Un décret du Conseil d'État est toutefois attendu pour apporter certaines précisions sur la question.
Rationalisation
Le législateur a également entendu rationaliser les niveaux de seuils, en ajustant les seuils préexistant à la hausse ou à la baisse sur les niveaux de 11, 50 et 250 salariés. Parmi les seuils significatifs relevés de 20 à 50 salariés il est possible de retenir le seuil d'assujettissement à la contribution au Fonds national d'aide au logement (les entreprises de 20 à 50 salariés ne devront désormais s'acquitter que d'une contribution de
0,10 % sur les salaires bruts au lieu de 0,50 % auparavant), le seuil d'assujettissement à la participation à l'effort de construction (Cette contribution n'étant plus due pour les employeurs de moins de 50 salariés, les salariés ne pourront donc plus bénéficier des avantages servis par les organismes. Des versements volontaires seront toujours possibles.) et le seuil qui impose un règlement intérieur dans l'entreprise. Malgré le relèvement du seuil de 20 à 50 salariés, Walter France conseille cependant de mettre en place ce règlement intérieur car la rédaction de celui-ci permettra de définir les droits et obligations des collaborateurs dans l'entreprise en matière d'hygiène, de sécurité et de discipline.
Différenciation
Enfin, il est prévu un mécanisme « générique » de lissage de l'effet de seuil. Selon l'étude d'impact en effet, les anciens seuils d'effectifs constitueraient « un frein à la croissance et à l'embauche dès lors que leur franchissement génère des obligations juridiques ou financières supplémentaires ». Des mécanismes différenciés sont prévus selon qu'il s'agisse d'un franchissement à la hausse ou à la baisse. Un franchissement à la hausse est pris en compte lorsque le seuil a été atteint ou dépassé pendant cinq années civiles consécutives. Pour un franchissement à la baisse, la règle court toutefois dès l'année civile concernée. Une entreprise dont la diminution de l'effectif conduit à la faire passer sous un seuil disposera à nouveau de cinq ans pour être soumise à l'obligation attachée au franchissement à la hausse du seuil en question.
Raison ?
Les dispositions décrites ci-dessus sont loin de faire l'unanimité. Le Conseil d'État, lui-même, dans un avis du 19 juin 2018, désapprouve l'absence d'analyse sur l'impact économique et budgétaire des modifications affectant certains dispositifs. Il est surtout critiqué le postulat selon lequel les effets de seuil seraient des freins à l'emploi. Dans un article publié en 2010 dans la revue de l'Insee Economie et statistiques, Nila Ceci-Renaud et Paul-Antoine Chevalier, montrent en effet que l'effet des seuils sur la dynamique et la distribution de long terme des entreprises est statistiquement significatif, mais de faible ampleur. Lorsque ces auteurs utilisent la source pour laquelle l'effet est le plus marqué ils observent que la proportion d'entreprises entre 0 et 9 salariés diminuerait de 0,4 point en l'absence de discontinuités administratives, tandis que la proportion d'entreprises entre 10 et 19 salariés et celle d'entreprises entre 20 et 250 salariés augmenteraient de 0,2 point.
Surtout, selon Christophe Willman, professeur à l'Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, « la perception de l'effet dissuasif des seuils paraît sans commune mesure avec la réalité entrepreneuriale ». Si la considération de franchissement d'un seuil peut exister au moment où l'employeur décide d'embaucher un salarié supplémentaire, ce facteur semble marginal par rapport à d'autres.
Plus techniquement, le Conseil d'État, dans l'avis précité, évoque l'asymétrie entre la règle de franchissement à la hausse et la règle de franchissement à la baisse des seuils d'effectifs, qui « est susceptible de donner lieu à des comportements de contournement auxquels il conviendra de prêter attention ». Il pourrait être ainsi tentant pour une entreprise de faire en sorte, sur des cycles de cinq ans, d'avoir 50 employés pendant les quatre premières années et 49 la cinquième pour être en permanence assujettie aux règles concernant les entreprises entre 11 et 49 salariés.