Suite au dernier Conseil européen consacré à la réaction de l'Union européenne à la pandémie de Covid-19, à la question numérique, ainsi qu'aux relations extérieures, la commission des affaires européennes du Sénat a souhaité entendre le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, chargé des Affaires européennes.
Le sénateur Jean-François Rapin a d’abord rappelé quelques éléments de contexte sur le thème de cette audition et soulevé que le sujet de la pandémie au sein du Conseil européen a étonnement été remplacé par la décision du Tribunal constitutionnel polonais. L’enjeu est principalement juridique puisque le tribunal a jugé que deux articles du traité sur l’Union européenne étaient contraires à la Constitution polonaise. Certains ont dénoncé cette décision comme remettant en cause la primauté du droit de l’Union alors que le Président de la République Emmanuel Macron, qui recevait au moment même de cette audition le Président polonais, Andrzej Duda, dans l’objectif de poursuivre le dialogue entre les deux chefs d’État, a explicitement visé l’indépendance de la justice en Pologne.
« L’urgence inattendue »
Devant les sénateurs, Clément Beaune s’est adonné au compte rendu du Conseil européen, un rituel bien établi. Ce dernier a commencé par rappeler « L’urgence inattendue du moment : le cas polonais ». Un sujet qui détient un angle majeur : un aspect juridique qui cache en réalité un problème politique de souveraineté.
Durant l’audition, les éléments juridiques priment, et pour cause les mesures sont exceptionnelles et une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de tomber. « La Cour de justice de l’Union européenne constate que la Pologne ne s’était pas mise en conformité avec la réforme souhaitée de l’indépendance de la justice et plus particulièrement des chambres disciplinaires. Suite à cette absence de rectification, une amende a été imposée d’un million d’euros par jour. Une mesure exceptionnelle, mais pas unique », a expliqué Clément Beaune. Un marqueur important pour indiquer l’ancrage de la procédure judiciaire.
Primauté du droit européen
Le 7 octobre dernier, la plus haute juridiction polonaise s’est prononcée contre la suprématie absolue du droit communautaire européen, en déclarant que certains articles du traité de l’Union européenne étaient incompatibles avec la Constitution polonaise. Le juge national s’appuie sur la légitimité de sa Constitution mais le juge européen se doit de faire primer le traité. La Pologne saisissant souvent la Cour de justice européenne démontre le besoin du pays de recourir à cet ordre juridique. La CJUE a considéré que l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs n’étaient plus respectées en Pologne. « Nous avons remplacé les rapports de force par des rapports de droit. Cela doit être respecté », a rappelé Clément Beaune face aux sénateurs. « Nous ne faisons pas le procès des Polonais. Nous sommes en train de constater le non-respect de principes essentiels nécessaire à la vie du projet européen par le Gouvernement et certaines juridictions non indépendantes », a-t-il toutefois précisé.
En conclusion de cette audition, ale secrétaire d’État a rappelé trois enjeux majeurs : « Le sujet de souveraineté est mis en cause, le principe de primauté n’est pas respecté et la justice polonaise manque à son indépendance. Si ceux-ci ne s’avèrent pas respectés, et le consensus pas trouvé, l’Union européenne s’engage à prolonger les sanctions annoncées durant la commission européenne. » Ce dernier a également mentionné la discussion toujours en cours entre les deux chefs d’État.