Affiches Parisiennes : Vous êtes candidat aux élections au Conseil de l’Ordre, pouvez-vous vous présenter ?
Rabah Hached : Avant d’être avocat, j’ai travaillé pendant six ans dans une entreprise internationale. Je poursuivais en parallèle mes études de droit, en l’occurrence un DESS de juriste d’affaires internationales. À cette occasion, j’ai suivi des cours d’arbitrage international, contrats internationaux et fiscalité internationale. J’ai eu comme professeurs Joël Alquezar et José Rosell. J’ai également fait la connaissance de Jacques Bouyssou, Christian Dargham et Sylvie Beneluz-Drai, entre autres, trois éminents confrères. J’ai également préparé un DEA Maghreb, histoire et sciences sociales, ce qui me permet de mieux comprendre les événements de la rive sud de la Méditerranée. J’ai approfondi tout cela avec une thèse à l’université Panthéon-Assas Paris 2 sur le régime fiscal des sociétés étrangères en Algérie. J’ai enfin préparé et réussi le Capa avant de prêter serment le 18 février 1998 et de m’installer à Paris. Au départ, j’étais fiscaliste, mais avec le temps, je suis devenu généraliste. Étant donné mes origines, je suis très sollicité par des étrangers qui viennent me voir pour des problèmes de nationalité. Je suis également le correspondant d’un certain nombre de cabinets algériens, tunisiens et marocains, notamment sur les problèmes d’arbitrage.
A.-P. : Vous présidez également l’Association des avocats pour un barreau pluriel…
R. H. : L’Association des avocats pour un barreau pluriel a été créée le 5 octobre 2006. L’idée de cette association m’est venue en voyant des confrères d’origines étrangères prêter serment. Je me suis dit qu’il était possible de les accompagner pour leur donner toutes les chances de réussir. Elle repose donc sur le principe d’égalité des avocats qui portent la robe et prêtent le même serment.
L’association a pour objectif de promouvoir le droit dans sa diversité nationale et internationale, de représenter le barreau de Paris dans sa richesse culturelle, ses compétences diversifiées et ses structures multiples. Nous travaillons à la fois avec des structures de proximité, des moyens et des grands cabinets, français ou internationaux. Nous sommes fiers de cette diversité de notre barreau.
À ce titre, nous agissons notamment sur les problèmes de l’aide juridictionnelle et de l’égalité professionnelle. Au sein de notre barreau, nos consœurs continuent à être victimes de discriminations au niveau de la rémunération. Alors que 30 % des femmes sont moins payées que les hommes à compétences et travail égaux au plan national, ce taux est toujours de 40 % dans notre profession. Notre action se solde par des résultats positifs puisque nombre de cabinets allouent à présent des enveloppes pour réduire cette différence. La loi sur la parité a été votée. Elle est même en application depuis plus d’un an, mais ces différences ne sont pas encore totalement gommées. Comme le souligne mon confrère Paul Lignières dans un récent article paru dans la Lettre des juristes d’affaires du 27 juillet 2015, “les stéréotypes sont intériorisés aussi bien par les femmes que par les hommes”.
A.-P. : Combien êtes-vous au sein de cette association ?
R. H. : Elle regroupe une centaine de confrères actifs qui œuvrent au quotidien au sein de commissions thématiques ou régionales. Nous avons ainsi une commission droit international et investissements internationaux, une commission Asie, une commission Maghreb, une commission droits de l’Homme – un sujet à ne pas négliger actuellement –, et bien entendu une commission médiation et arbitrage. Là encore, nous respectons la parité homme-femme et la parité entre les différents types de structures. Nous conjuguons tout cela à longueur de journée et nous sommes fiers de cette diversité.
A.-P. : Quels sont vos objectifs et vos priorités dans cette Association du barreau pluriel ?
R. H. : Les objectifs de cette association sont multiples, avec un accent particulier mis sur la formation continue des avocats. Nous avons signé des conventions de partenariats avec l’École de formation professionnelle des avocats pour former nos confrères sur des thèmes particuliers du droit français. Nous avons également des approches comparatistes européennes mais aussi avec le droit américain et les droits africains dans une perspective d’enrichissement mutuel et pour tenir compte des évolutions juridiques.
Sous l’égide de l’association, plus de 90 formations ont été mises en place, au rythme d’une dizaine par an, dont une dizaine ciblée sur l’international. Dans le cadre de la commission internationale ouverte euro-méditerranée, je suis ainsi intervenu à Barcelone, en Espagne. J’organise également annuellement deux colloques à Alger, l’un sur l’arbitrage international, l’autre sur les contrats internationaux, manière de contribuer au rayonnement du système juridique français. Certains confrères français ont aujourd’hui un rêve américain, mais moi qui viens de la rive sud de la Méditerranée, j’avais depuis longtemps un rêve français et je l’ai concrétisé.
A.-P. : Pourquoi êtes-vous candidat aux prochaines élections du Conseil de l’Ordre du barreau de Paris ?
R. H. : Cette candidature est le prolongement de mon engagement au sein de l’Association des avocats pour un barreau pluriel. Dans ce cadre, j’agis et souhaite continuer à le faire avec mes confrères pour apporter ma contribution, pour enrichir nos institutions par des choix pertinents dans l’intérêt de notre barreau.
Ma campagne s’articule, entre autres, autour de trois thèmes majeurs. D’abord notre déontologie – nous devons rester fermes et intransigeants sur son respect –, ensuite l’égalité professionnelle – la parité et la diversité favorisent l’innovation et la compétitivité de nos cabinets. Le troisième thème est l’interprofessionnalité. Je suis favorable à la création d’écoles professionnelles du droit qui, à l’issue des études universitaires, assureraient une grande partie de la formation aux principaux métiers du droit, avocat, magistrat, notaire, huissier, administrateur judiciaire… Ces écoles constitueraient des passerelles entre les universités et les écoles professionnelles quand elles existent. L’entrée s’effectuerait à la suite d’un examen national exigeant, portant sur les principales disciplines que doit maîtriser un juriste.
A.-P. : Cette approche intègre-t-elle le juriste en entreprise ? Le statut d’avocat en entreprise fait-il partie de vos combats ?
R. H. : C’est un combat qui existe et qu’il ne faut pas occulter. Hier, nous étions réticents à l’arrivée des conseillers juridiques dans notre profession. Nous les avons intégrés. Le statut d’avocat en entreprise est de la même façon un combat qui mérite d’être mené. L’avenir nous dira si la profession est prête ou si cela n’est que partie remise. Lorsqu’on est adepte de la diversité comme le sont tous les membres du barreau pluriel, on ne peut qu’être pour tout ce qui peut enrichir notre profession. Ouvrons nos portes, ouvrons nos fenêtres et regardons naître une grande profession du droit. Le rapport Darrois nous a ouverts à de nouveaux métiers, à de nouvelles perspectives, pour nos jeunes et pour nous-mêmes. Il ne faut pas les rejeter.
A.-P. : À travers le barreau pluriel, votre candidature au Conseil de l’Ordre est-elle liée aux difficultés que peuvent rencontrer les avocats d’origines étrangères ?
R. H. : Si je suis élu, mon apport au Conseil de l’Ordre sera justement mon expertise en matière de coopération avec les barreaux maghrébins. Je mettrais mon expérience au service du bâtonnier pour être l’un des ambassadeurs du barreau de Paris auprès de ces barreaux étrangers. Je pourrais également intégrer la commission diversité et égalité des chances, afin de permettre à tous les confrères de bonne volonté qui peuvent apporter une contribution, quelles que soient leurs origines, quelles que soient les structures auxquelles ils appartiennent, de contribuer au développement de notre barreau et de notre profession.
A.-P. : L’afflux des migrants en Europe est-il une préoccupation du barreau pluriel ?
R. H. : Tout à fait. J’ai fait dernièrement une conférence organisée par Unicef et Sciences Po
autour du thème, ‘‘Enfants réfugiés, comment ? Pourquoi ? Quelles perspectives’’ en apportant l’éclairage du juriste, notamment à travers la loi plus restrictive du 29 juillet 2015. J’ai, par ailleurs, rencontré de nombreuses associations. Je me suis rendu à la convention nationale du Crif et j’ai indiqué sur Facebook que les débats étaient instructifs. Un participant de ce réseau me l’a reproché au point qu’il m’a fallu expliquer que la table ronde sur la diversité était un outil de croissance au cœur des préoccupations de toute la profession.
A.-P. : Vous êtes, par ailleurs, administrateur et délégué CNBF. Profiteriez-vous de votre élection au Conseil de l’Ordre pour prendre en charge ce brûlant dossier retraites ?
R. H. : Il est vrai que c’est un dossier très important et d’ailleurs tout à fait d’actualité. La CNBF a fait connaître son opposition au projet de remise en cause des pouvoirs de l’assemblée générale des délégués élus de fixer chaque année le montant de la retraite de base des avocats. Un dialogue que nous espérons constructif a été engagé avec le ministère des Affaires sociales et des démarches ont été effectuées auprès des parlementaires soucieux de l’indépendance de la CNBF.