Le président du parti Horizons, Édouard Philippe, ancien Premier ministre et actuel maire du Havre, s’est rendu à Melun pour une journée placée sous le signe de l’amitié et du travail, aux côtés du maire de la ville, Louis Vogel. Il a abordé la vie politique et les projets de son parti, avant de revenir sur deux actualités fortes que sont la situation en Ukraine, où il s’est récemment rendu, et la réforme des retraites, qu’il juge nécessaire.
Affiches parisiennes : Quel bon vent vous a amené à Melun ?
Édouard Philippe : Le vent de l’amitié et le vent du travail. Celui de l’amitié, d’abord, parce que j’aime beaucoup Louis Vogel, avec lequel je suis engagé dans une action politique assez résolue. Nous nous entendons bien, nous travaillons et nous essayons d’avancer ensemble, d’avoir une réflexion et de proposer des solutions. Louis est un maire, comme moi, et je considère que les maires ont beaucoup à dire, à la fois évidemment sur leur ville, mais aussi sur l’avenir du pays, sur des sujets qui méritent une réflexion stratégique et sur lesquels il peut y avoir des avancées. Pouvoir discuter ici, avec lui, c’est donc amical et utile.
Le vent du travail, aussi, parce qu’au-delà de l’amitié, il faut réfléchir à ce qu’on veut pour notre pays, il faut rencontrer un certain nombre de gens. Juste avant, on partageait un déjeuner avec de nombreux élus de la communauté d’agglomération et au-delà. Dans quelques minutes, je serai à l’école de Gendarmerie où je rencontrerai les élèves officiers, pour évoquer le futur de leur métier et du pays. Et puis ce soir, j’ai une réunion publique pour rencontrer les militants et les élus qui sont engagés dans le parti politique que je préside. C’est donc une journée évidemment très agréable, mais aussi une journée de travail.
A. -P. : Vous êtes président d’Horizons, un parti que vous avez fondé pour voir loin et pour aller plus loin pour la France. Est-ce qu’aujourd’hui la vue s’est un peu assombrie ou bien l’espoir est-il toujours présent ?
E. P. : J’ai toujours considéré, pour autant qu’on soit lucide, qu’on avait en France toutes les ressources nécessaires pour répondre à tous les problèmes qui se posaient et relever tous les défis. Je n’ai jamais partagé un optimisme béat. Je crois qu’il faut faire le constat de ce qui va et de ce qui ne va pas dans notre pays, de ce qu’on doit améliorer et avoir une réflexion solide sur la façon dont il faut le faire.
Mais sur le fond, j’ai une confiance considérable dans la capacité de notre pays à se ressaisir dans les moments importants et à avancer quand c’est nécessaire. Les temps sont durs, les défis sont difficiles à relever, mais je suis très optimiste sur notre capacité à le faire.
A. -P. : À l’inflation et à la crise énergétique s’ajoute aujourd’hui la réforme des retraites qui pousse la France à manifester. Quel est votre sentiment sur le sujet ?
E. P. : Le Gouvernement est engagé dans une réforme qui n’est pas très populaire, parce qu’elle repose sur l’idée que si l’on veut conserver notre prospérité collective et améliorer la justice de notre dispositif, il faut travailler un peu plus longtemps. Or, beaucoup de gens considèrent que travailler un peu plus longtemps, c’est difficile, c’est pénible, donc ils n’y sont pas favorables.
Je pense que c’est une réforme qui est nécessaire et je la soutiens sans aucune espèce d’hésitation ou de tergiversation. Si nous voulons garantir notre prospérité, et peut-être même l’accroître, si nous voulons garantir des mesures de justice nécessaires, il faut que nous travaillions un peu plus longtemps, et c’est possible.
Tous nos voisins européens, qu’ils soient dirigés par des gouvernements de droite ou de gauche, comme c’est le cas en Espagne, ont choisi des dates d’âge légal du travail plus élevées encore que celles du projet de loi. L’âge légal de départ à la retraite y est prévu à 64 ans, alors qu’en Espagne, un pays dirigé par une majorité très à gauche depuis maintenant assez longtemps, il est fixé à plus de 66 ans. Nos voisins le font parce qu’ils sont confrontés à la même difficulté que nous : trouver l’équilibre d’un système de retraite entre ceux qui travaillent et ceux qui bénéficient des cotisations versées par ces derniers, dans des pays où l’on vit, et c’est tant mieux, plus longtemps.
A. -P. : Les syndicats s’opposent à la réforme. Que faudrait-il faire pour les convaincre ?
E. P. : Peut-être que le Gouvernement n’arrivera pas à les convaincre, tout comme qu’ils n’arriveront pas à me convaincre que la bonne solution, c’est la retraite à 60 ans. Il y a un moment pour le débat, il faut que les gens puissent se faire entendre, qu’ils expriment leurs inquiétudes, leurs aspirations et leurs positions, et les syndicats sont parfaitement légitimes à le faire.
Et puis, il y a un moment où il faut trancher et dans une démocratie, c’est le Parlement qui tranche. C’est au Parlement que cette discussion a lieu, en ce moment. Je lui fais confiance pour trouver la bonne solution, peut-être aussi pour bouger sur certains aspects du texte. Ça me paraît possible et naturel, pour autant qu’on ne perde pas l’objectif d’équilibre du système des retraites. Au fond, il s’agit de sa soutenabilité, du fait qu’on soit capable de garantir à ceux qui sont à la retraite aujourd’hui une pension qui ne bouge pas, et à ceux qui seront à la retraite demain, une pension véritable.

A. -P. : Vous avez récemment été en Ukraine, notamment à Kiev, et vous avez vu ce qui s’y passe. Comment pourrait-on arriver à sortir de cette situation de guerre en Europe ?
E. P. : Je suis, en effet, allé à Kiev et à Odessa, pour voir sur place comment les choses se passaient et pour dire tout le soutien qui est le mien et celui du parti politique que je préside aux autorités ukrainiennes. Elles se battent contre une agression violente déclenchée par la Russie, pour la liberté de leur pays et, d’une certaine façon, pour qu’aucun pays en Europe ne soit soumis à la possibilité d’être agressé par un voisin plus puissant. Je suis très admiratif du combat que mènent les Ukrainiens et très en soutien de ce combat.
Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, mais notre objectif, c’est que l’Ukraine puisse garantir sa souveraineté et sa liberté. Cela passe par un soutien financier et humain, qui se réalise au Havre comme à Melun, j’en suis sûr, avec l’accueil d’un certain nombre de réfugiés ukrainiens, dans les meilleures conditions possibles. Par un soutien militaire aussi, dans le sens où nous donnons la capacité aux Ukrainiens de se défendre.
Lorsqu’une démocratie est attaquée par un État qui pense que la force doit prévaloir, il me paraît légitime de défendre cette démocratie et de lui donner les moyens de le faire. Nous lui donnons des armes efficaces, comme des canons Caesar et des systèmes antiaériens et nous devons continuer à le faire pour que la guerre puisse être, in fine, gagnée par l’Ukraine. C’est une guerre terrible qui cause beaucoup de morts et des destructions considérables. Elle est d’une intensité comme on n’en a pas vu sur le territoire européen depuis longtemps. Et je crois qu’il ne faut pas se laisser séduire par les arguments qui sont produits par Vladimir Poutine ou par ceux qui sont en faveur des Russes.
A. -P. : Quels sont actuellement vos objectifs en tant que président d’Horizons ?
E. P. : Les mêmes que ceux de tous les présidents de partis politiques, c’est-à-dire faire en sorte que les idées qui nous rassemblent et pour lesquelles nous sommes engagées puissent prévaloir. Cela veut dire produire des idées, réfléchir, être stratégique, construire des équipes, essayer de faire en sorte que celles-ci apprennent à travailler ensemble, s’enraciner et faire grandir nos idées. Et puis ensuite, le moment venu, pouvoir peser sur le débat public ou sur l’exercice du pouvoir. C’est pour cela que l’on crée un parti politique, ce n’est pas une organisation très populaire, mais ne peut pas faire sans. Donc on en crée un en espérant qu’il va se développer. D’ailleurs, on est très heureux de constater qu’il se développe plutôt très bien.