La Cour de cassation s'est prononcée sur une question délicate relative au droit de préemption consenti à un locataire, lorsque le bien vendu ne correspond pas exactement ou local loué. Un bailleur avait consenti à son locataire un droit de préemption pour les locaux loués. Or le bailleur avait vendu la totalité de l'immeuble sans proposer la vente à son locataire. Celui-ci estimait que son droit de préemption n'avait pas été respecté, mais la Cour de cassation ne l'a pas suivi « Mais attendu qu’ayant relevé que la société Laboratoire Hépatoum [locataire] entendait exercer son droit de préemption sur les seuls locaux objets du bail et retenu que l’application de la clause litigieuse ne saurait conduire à imposer aux propriétaires de diviser leur bien en vue de le céder à des personnes distinctes, la cour d’appel […] a pu en déduire, sans dénaturation, que la demande devait être rejetée » (Civ. 3E, 9 avril 2014, n° 13-13 949).
C'est une situation fréquente en pratique, lorsque le bailleur possède un immeuble entier avec un commerce au rez-de-chaussée et qu'il consent un droit de préemption à son locataire commerçant. La difficulté se pose s'il veut vendre la totalité de l'immeuble. La Cour de cassation répond nettement que le bailleur n'est pas obligé de proposer la vente au locataire. Rappelons que le droit de préemption pour les baux commerciaux relève à ce jour de la seule liberté contractuelle. La rédaction de la clause est donc essentielle et il est évidemment utile de préciser son champ d'application, pour régler à l'avance l'hypothèse de la vente de l'immeuble entier.
Mais la question va devenir d'actualité puisque le projet de loi Pinel, en cours de discussion au Parlement, prévoit de l'insérer dans la loi (article 6 du projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux trèspetitesentreprises, adopté par l'Assemblée nationale le 18 février 2014, et examiné au Sénat à partir du 16 avril).
Dès à présent, la question se pose en termes identiques dans les baux d'habitation pour lesquels l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 accorde au preneur un droit de préemption. La jurisprudence, abondante, est plus stricte. En 1994, puis en 1999, la Cour de cassation a imposé au vendeur de ventiler le prix de l’immeuble pour que chaque locataire soit mis en mesure d’acquérir les locaux qui lui sont loués (Civ 3e, 13 juillet 1999, n° 97-18 862).
Une différence : pour les baux d'habitation, le juge doit appliquer un droit accordé par un texte d'ordre public alors que pour les baux commerciaux, il doit simplement jusqu'à ce jour interpréter une clause contractuelle.