Affiches Parisiennes : Le ministère de l'Economie et des Finances a annoncé remettre en place des fonctionnalités d’Infogreffe concernant les formalités de modifications et de cessations des sociétés. Comment cela va se passer concrètement ?
Dieudonné MPouki : Le ministre a pris la décision de permettre aux chefs d'entreprise et aux professionnels du chiffre et du droit d’utiliser, à nouveau, à partir de lundi 20 février, le portail Infogreffe, pour les formalités de modification et de cessation d'activité pour tout type d'entreprise, de toute forme juridique, artisanale, commerciale et agricole ayant une incidence avec le registre du commerce et des sociétés. Sont aussi concernés le dépôt d'acte isolé et le dépôt des déclarations des bénéficiaires effectifs. Le Gouvernement prévoit cette ouverture jusqu'au 30 juin, temps laissé à l'INPI pour corriger les dysfonctionnements et réaliser la complétude des missions dévolues au Guichet unique, c’est-à-dire assurer l'entrée unique de toutes les formalités déclaratives des entreprises.
C'est un projet qui est très ambitieux mais cette ambition ne peut être atteinte que si toutes les parties prenantes sont mobilisées, dont les greffiers des tribunaux de commerce. C'est ce que nous avons toujours fait, nous avons toujours accompagné toutes les réformes engagées par le Gouvernement. Certaines sont visibles, d'autres pas. Par exemple, l'année dernière, nous avons pris en charge les hypothèques maritimes. Maintenant, comme cette réforme du Guichet unique est portée par l'INPI, et même si nous avions proposé d’utiliser notre outil Infogreffe qui a fait ses preuves, nous agissons, comme les autres parties prenantes pour que les chefs d'entreprise et les professionnels puissent accomplir leurs démarches de façon simple et efficace.
Au final, il s’agit de permettre au registre du commerce et des sociétés français de jouer pleinement son rôle de publicité légale et d’outil de transparence du monde des affaires grâce à la diffusion des données contrôlées et certifiées par les greffiers de tribunaux de commerce qui sont des officiers publics et ministériels délégataires de mission de service public de la justice. Ces données, je le rappelle, sont diffusées au public et mises à la disposition de nos partenaires institutionnels comme Tracfin et le parquet national financier dans le cadre de leurs missions.
A.- P. : Un des principaux problèmes du Guichet unique concernait la transmission des formalités en temps réel et leur blocage. Êtes-vous confrontés à une masse de formalités à traiter en ce moment ?
D. M. : Le déblocage des dossiers il y a quelques semaines a créé un afflux assez important dans nos offices. C'était déjà le cas en fin d'année, quand les chefs d'entreprise et les professionnels avaient anticipé l'ouverture du Guichet unique. Cet afflux a été traité au mois de janvier mais on ne recevait plus les formalités de la part du Guichet unique donc c'était devenu problématique. Face à l’afflux important de ces derniers jours, et celui à venir, nos équipes restent mobilisées. On a l'habitude de faire face à des challenges importants, donc on va faire le maximum pour traiter ces dossiers dans les meilleurs délais. C'est un défi parmi tant d'autres que nous sommes amenés à relever pour satisfaire les chefs d'entreprise et les professionnels du droit et du chiffre qui attendent l'accomplissement de leurs formalités avec impatience depuis pas mal de semaines maintenant.
A.- P. : Suite à l’annonce de Bercy, le Guichet unique va continuer à traiter les créations d'entreprises tandis que le portail Infogreffe traitera toutes les modifications ?
D. M. : Les créations et le dépôt des comptes annuels électroniques auront lieu sur le portail du Guichet unique, tout le reste sur le portail d’Infogreffe. Les chefs d'entreprise et les professionnels vont pouvoir retrouver leurs fonctionnalités d'antan, leur tableau de bord, le traitement et le suivi de dossiers, le Kbis après le traitement de leurs formalités, etc. Tout ce qui existait avant sera ouvert dans le cadre du nouvel arrêté pris par le Gouvernement et nous travaillons d'arrache-pied avec nos partenaires et prestataires informatiques pour remettre tout ça d'aplomb.
A.- P. : En cas de besoin, vous pourriez donc assurer toutes les fonctionnalités du Guichet unique, même à la place de l'INPI ?
D. M. : Notre plateforme Infogreffe existe depuis qu'on traite les formalités en ligne, c'est-à-dire depuis 2007, date du décret Dutreil. Nous avons développé des outils qui répondent à cet objectif ambitieux du Guichet unique et qui ont été enrichis au fur et à mesure avec beaucoup de fonctionnalités. Ce n’est pas un problème pour nous de faire en sorte que toutes les formalités des sociétés de toutes formes juridiques, même les associations soumises à l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, soient réalisées sur la plateforme. On le fait depuis des années donc s'il faut le faire demain, on le fera.
L’une des missions d’Infogreffe, au-delà de la diffusion des informations légales contenues dans les registres que nous tenons, est la facilitation des démarches en ligne et l'accompagnement des démarches des chefs d'entreprise. Et cela passe par toutes les solutions digitales que nous avons développées à destination des chefs d'entreprise et des professionnels du droit et du chiffre, qui répondent aux exigences du monde des affaires aujourd'hui : sécurité, efficacité et célérité des démarches. Le panel de solutions que nous avons développées ces dernières années montre donc bien la volonté des greffiers des tribunaux de commerce d'être présents aux côtés des chefs d'entreprise, et des professionnels du droit et du chiffre, de les accompagner et de faciliter leurs démarches en ligne.
A côté de la partie extrajudiciaire de nos missions, nous avons une partie judiciaire, avec notamment le tribunal digital. Là encore, notre profession a développé des outils digitaux pour permettre aux entreprises et aux professionnels d'entrer en relation avec un tribunal de commerce. Il est primordial d’être présent à chaque fois que cela est nécessaire et le public peut compter sur notre capacité d'adaptation et d'agilité pour accompagner les réformes voulues par les Pouvoirs publics.
A.- P. : Vous avez développé un véritable savoir-faire qui s'exporte même à l'étranger. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
D. M. : Nous avons signé au mois de novembre dernier la déclaration portant création d'une Alliance de registres de commerce francophones, avec près de 80 pays francophones, en marge du Sommet de la Francophonie en Tunisie. Nous nous sommes réunis avec nos homologues européens, africains et québécois et avons partagé notre volonté de travailler de concert pour développer des synergies entre registres, pour assurer la transparence du monde économique avec l’ambition à terme de permettre aux acteurs économiques de l’espace francophone de développer leurs affaires dans un espace où sécurité juridique rime avec transparence. On a donc signé cette déclaration qui réunira tous les membres de cette Alliance tous les deux ans. Le prochain sommet aura lieu en France en 2024 pour faire le point sur nos travaux. Avant cela, nous recevrons au mois de mars prochain la délégation tunisienne qui viendra visiter nos études et Infogreffe pour bénéficier de notre expertise et de notre savoir-faire qui sera probablement exporté en Tunisie si telle est la volonté de nos partenaires. C'est le cas aussi des Mauritaniens qui nous ont sollicité et nous échangeons nos pratiques avec les Québécois et avec les Luxembourgeois. Une synergie est en train de se mettre en place avec tous ces pays francophones qui ont besoin, notamment les pays africains, de bénéficier de nos pratiques, de notre expertise, tant technique que métier. Si vous prenez le cas de l'OHADA par exemple, qui est le droit uniforme des 17 États africains, on retrouve pratiquement les mêmes types de formes juridiques dans ces 17 pays qu'en France. Ils ont un registre de commerce qui est quasiment identique au nôtre. Donc, il y a des synergies à mettre en place qui nous permettront de sécuriser les relations commerciales. Ainsi, les entreprises françaises pourront aller conquérir de nouveaux marchés dans un environnement économique qui utilise pratiquement les mêmes outils, les mêmes registres, et la sécurité juridique sera assurée grâce à la transparence qu’opère le registre du commerce et des sociétés.
A.- P. : Quels sont vos objectifs futurs en tant que président d’Infogreffe ?
D. M. : De toujours assurer la diffusion des informations qui sont contrôlées et certifiées par les greffiers des tribunaux de commerce. Et parce que nous sommes convaincus que l'entreprise de demain sera gérée de façon digitale, nous continuerons à développer des outils digitaux qui vont faciliter les démarches en ligne des chefs d'entreprise, en lien avec le Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce, qui est notre organe professionnel. Nous appliquerons les décisions politiques des Pouvoirs publics par notre profession, en lien avec nos partenaires informatiques pour continuer à proposer des solutions de facilitation des démarches des chefs d'entreprise. Dans un monde des affaires très compétitif, il est important d'accompagner les entreprises en facilitant leurs démarches légales obligatoires, en développant des outils grâce à notre stratégie d'innovation permanente. Chaque année, nous sortons une ou deux solutions digitales qui vont dans ce sens-là. C’est le cas de Monjuridique pour la dématérialisation des registres légaux, Mes aides publiques pour la recherche des aides dont peuvent bénéficier les entreprises, KYC Infogreffe pour la connaissance de ses partenaires, Marketplace pour la rencontre des cédants et cessionnaires, Monidenum pour permettre aux chefs d’entreprise d’obtenir gratuitement leur Kbis électronique, le tribunal digital pour accéder en ligne et de façon sécurisée aux 141 tribunaux de commerce, etc. Nous continuons à innover en permanence, en tant qu’entité de facilitation des démarches des chefs d'entreprise, et à accompagner les Pouvoirs publics dans la mise en œuvre des politiques publiques qu’ils adoptent.