AccueilEntrepriseChiffreDéclaration de soupçon : vigilance et probité

Déclaration de soupçon : vigilance et probité

Aujourd'hui, les professionnels déclarants sont tenus de signaler à Tracfin les opérations dont ils soupçonnent qu'elles sont en lien avec le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme ou la fraude aux finances publiques. Pour aider les professionnels du chiffre à comprendre leur rôle dans ce dispositif, un atelier sur le process de la déclaration de soupçon était organisé lors de la première journée des Universités d'été des commissaires aux comptes et experts-comptables, au Palais des Congrès de Paris.
Jean-Christophe Cabotte, chef du département de l'analyse, du renseignement et de l'information de Tracfin, et Vincent Reynier, expert-comptable et commissaire aux comptes.
© A.P. - Jean-Christophe Cabotte, chef du département de l'analyse, du renseignement et de l'information de Tracfin, et Vincent Reynier, expert-comptable et commissaire aux comptes.

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L'atelier a réuni de nombreux professionnels du chiffre désireux de tout connaître sur ce que l'on appelle « la déclaration de soupçon ». Conformément à la loi, les professionnels sont tenus de révéler au procureur de la République les crimes ou délits commis par leurs clients. Mais cette révélation auprès du procureur ne dispense pas de celle devant être faite auprès de la cellule de renseignement financier Tracfin (Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins).

Quels champs recouvre la déclaration de soupçon ? Comment savoir si une opération doit être déclarée auprès du procureur de la République et/ou de Tracfin ? Comment fonctionne Tracfin ? Autant de questions auxquelles Jean-Christophe Cabotte, chef du département de l'analyse, du renseignement et de l'information de Tracfin, et Vincent Reynier, expert-comptable et commissaire aux comptes, ont répondu.

Tracfin : une des premières CRF dans le monde

Tracfin est une cellule de renseignement financier (CRF) placée sous la tutelle du ministère de l'Action et des Comptes publics, chargée de la lutte contre le blanchiment d'argent, le financement du terrorisme et la fraude aux finances publiques. Tracfin fait partie des six services de renseignement de la communauté du renseignement dite du 1er cercle.

Il est organisé en trois grands départements opérationnels : le département de l'Analyse, du renseignement et de l'information (DARI), le département des enquêtes (DE) et le département international (DI).

Selon Jean-Christophe Cabotte, chef du DARI, « traitement du renseignement d'une part et action contre les circuits financiers clandestins d'autre part » représentent bien l'activité et les missions de Tracfin.

Ce qui se traduit par une attention particulière portée aux circuits financiers qui sont clandestins s'« ils cherchent à se cacher, quelle qu'en soit la raison » (blanchir le produit d'une infraction, financer une activité terroriste, se soustraire à ses obligations fiscales ou sociales…).

Tracfin est chargé de recueillir, analyser et enrichir les déclarations de soupçons que les professionnels assujettis sont tenus, par la loi, de lui déclarer et d'externaliser le résultat de ces travaux. Le Service n'est pas habilité à recevoir et traiter les informations transmises par des particuliers.

Aujourd'hui, plus de 150 agents travaillent chez Tracfin. Lors de sa création en 1990, la lutte contre le blanchiment était son unique fonction. Une dizaine d'années plus tard, en 2001, s'est ajoutée à son champ de compétence la lutte contre le financement du terrorisme puis la lutte contre la fraude fiscale en 2009 et la fraude sociale en 2012. Selon Jean-Christophe Cabotte, ces deux premières missions de Tracfin impliquent des points de vue différents.

En effet, si la lutte contre le blanchiment nécessite de « savoir d'où vient l'argent », la lutte contre le financement du terrorisme a pour objectif de « savoir où va l'argent ». La fraude fiscale et la fraude sociale nécessitent également une attention particulière des professionnels : « lorsque vous regardez les comptes de vos clients, ne pensez pas uniquement au trafic de drogues ou au trafic d'armes mais pensez à la fraude fiscale et à la fraude sociale, à l'abus de biens sociaux, à l'escroquerie, à la corruption… », conseille ce dernier.

L'extension du champ des professionnels assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme se justifie par la volonté du législateur de s'adapter aux évolutions de la société et de l'économie pour ne pas laisser en dehors du champ des déclarations un secteur qui pourrait se prêter à du blanchiment, de la fraude fiscale, de la fraude sociale ou du financement du terrorisme, et de citer plusieurs exemples de ces extensions successives : les casinos, les métiers d'art, les plateformes de conversion de monnaie virtuelle, le crowdfunding...

En effet, le financement participatif, qui permet de collecter les fonds d'un nombre conséquent de particuliers au moyen d'une plateforme sur internet dans le but de financer un projet est un mécanisme qui peut être facilement détourné.

Collecter, enrichir et transmettre l'information

Tracfin est « le plus petit et le plus spécialisé des services de renseignement ». Ses agents traitent l'information reçue des professionnels déclarants (experts-comptables et commissaires aux comptes y compris), en l'enrichissant grâce notamment à « des droits de communication » (au déclarant initial pour obtenir plus d'informations ou aux autres professionnels assujettis qui peuvent détenir des informations pertinentes : commissaire aux comptes, notaire qui a fait la transaction, banques, etc.) et à la consultation de bases (fiscales, sociales, judiciaires, commerciales…) avant de la transmettre aux autorités judiciaires ou administratives les plus à même de l'utiliser efficacement.

Le « A » de Tracfin fait ainsi justement référence à « l'action ». La finalité de Tracfin est bien l'action contre les circuits financiers clandestins grâce à la transmission en justice, à la transmission aux administrations fiscale et sociale, à la transmission à des cellules de renseignement financier étrangères...

La double déclaration des professionnels du chiffre

Lorsqu'un professionnel du chiffre constate que son client est certainement l'auteur d'une infraction susceptible d'une peine supérieure ou égale à un an de prison, il a l'obligation de le déclarer à la fois au procureur de la République et à Tracfin en vertu de l'article L 561-15 du code monétaire et financier si l'infraction porte sur des flux financiers.

Dans le cadre de cette hypothèse, apparaissent les fondements du droit pénal car « on a un élément légal, c'est-à-dire la qualification d'une infraction dans le code pénal, et un élément matériel que l'on révèle au procureur », explique Vincent Reynier, expert-comptable et commissaire aux comptes.

Quand le professionnel du chiffre n'a pas d'élément matériel, donc aucune preuve que son client ait commis une infraction mais seulement des soupçons, il effectue une déclaration de soupçon à Tracfin.
Enfin, quand le sous-jacent pénal n'implique aucun flux financier (ex. défaut de convocation ou de tenue d'assemblée générale), il n'a besoin de le déclarer qu'au procureur de la République et pas à Tracfin.

Une obligation de vigilance imposée aux professionnels

Les champs potentiels de la déclaration de soupçon sont limitativement énoncés par le code monétaire et financier (CMF). Les déclarants (experts-comptables, commissaires aux comptes, avocats, notaires, banquiers, assureurs, etc.) doivent signaler les opérations portant sur les thématiques suivantes :
- Les sommes ou opérations portant sur des sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure ou égale à un an (article L 561-151 du CMF).
- Les sommes ou opérations portant sur des sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une fraude fiscale lorsqu'il y a présence d'au moins un critère défini par décret (article L. 561-15 II du CMF). Parmi les différents points énumérés dans le décret, il apparaît : l'utilisation de sociétés écran, la constatation d'anomalie dans les factures et les bons de commande, la difficulté d'identifier les bénéficiaires effectifs et les liens entre l'origine et la destination des fonds, la réalisation d'une transaction immobilière à un prix manifestement élevé, le transfert de fonds vers un pays étranger suivi de leur rapatriement sous la forme de prêts.
- Les sommes ou opérations portant sur des sommes dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles sont liées au financement du terrorisme.
La déclaration de soupçon peut être réalisée par les professionnels assujettis par voie dématérialisée sur la plateforme sécurisée ERMES.
En savoir plus sur http://www.Economie.gouv.fr/tracfin

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