Le 13 décembre, la commission d’enquête du Sénat présidée par Laurent Lafon a entendu, en qualité de représentants syndicaux de la presse écrite, Alain Augé, président du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), Laurent Bérard-Quélin, président de la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS) et Cécile Dubois, coprésidente du Syndicat de la presse indépendante en ligne (SPIIL).
Les uns après les autres, les intervenants ont dénoncé les lourdes pertes financières de la presse écrite face aux géants du numérique, encore trop frileux à respecter la législation sur les droits voisins, censée assurer la rémunération des éditeurs de journaux et magazines et des agences de presse pour l’utilisation de leurs contenus par de grandes entreprises. Et ce malgré les récentes sanctions de l’Autorité de la concurrence.
Recettes publicitaires : déficits considérables
Illustrant son propos par un exemple révélateur de la situation financière critique de la presse écrite, Alain Augé a relevé que pour « 25 000 journalistes, on a perdu 2 milliards et demi d’euros de recettes publicitaires », soit « un manque à gagner de 100 000 euros par journaliste sur une évolution depuis 10 ans ». Pour le président du SEPM, le problème ne réside pas tant dans l’hyperconcentration des médias que dans la concurrence des géants américains comme Facebook et Google
Pour pallier cette fragilisation du secteur et de ses entreprises, et face à l’actuel « paysage médiatique éclaté », la solution serait de créer un grand groupe de médias indépendants. Or, ce projet soulève l’épineuse question de l’indépendance des rédactions, notamment face à de grands groupes uniquement à la recherche du profit. « Le sujet qui nous inquiète le plus, c’est l’acquisition par de grands groupes, dont ce n’est pas l’activité de journaux. C’est le cas de beaucoup de quotidiens nationaux. Cela pose un certain nombre de problèmes : ils gèrent ces médias comme des médias d’influence mais pas dans une optique de développement », a expliqué Cécile Dubois.
Aspiration des aides à la presse
Autre conséquence néfaste pour le secteur de son acquisition par un grand groupe industriel, l’absorption par celui-ci des aides d’État en soutien à la presse. « Les groupes industriels ou de services qui s’offrent des médias aspirent une grosse partie des aides à la presse », a relevé la coprésidente du SPIIL, à hauteur de 50 % selon la ministre de la Culture Roselyne Bachelot. Cécile Dubois en a donc appelé à limiter ce qu’elle nomme « l’aide à l’influence », objectif visé par les grands groupes qui achètent des médias sans investir dans leur développement.
Évolution précautionneuse d’une législation obsolète
Interrogés sur leur avis concernant l’application de la loi de 1986 dans le contexte actuel, Cécile Dubois a commencé par énoncer que cette dernière est désormais obsolète dans le sens où elle n’a pas prévu l’évolution numérique des médias et ne correspond donc plus au paysage médiatique actuel. Pour autant, elle a estimé qu’il ne fallait pas « légiférer de manière précipitée à raison du contexte immédiat ». Laurent Bérard-Quélin est, quant à lui, contre une nouvelle loi qui « bouleverserait des équilibres déjà fragiles », rappelant la situation précaire des éditeurs alors même que « la meilleure garantie de l’indépendance et de la non-concentration c’est la rentabilité ».