AccueilEntrepriseChiffreCharles-René Tandé : « On a réussi à tenir nos objectifs »

Charles-René Tandé : « On a réussi à tenir nos objectifs »

Presque arrivé au terme d'un mandat de 4 ans à la tête du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables (CSOEC), Charles-René Tandé nous dresse le bilan de cette mandature « bien chargée » mais très satisfaisante puisque les objectifs ont été tenus et la profession a pu « progresser », notamment sur le développement du conseil et la prise du virage numérique.
Charles-René Tandé : « On a réussi à tenir nos objectifs »
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Affiches Parisiennes : Loi Pacte, prélèvement à la source, réforme des retraites, projet de loi Asap, ordonnances Covid… les experts-comptables ont été bouleversés par de nombreux textes législatifs ces dernières années. Pour vous, qu'est-ce qui a été le plus difficile à gérer ?

Charles-René Tandé : C'est vrai que j'ai eu une mandature bien chargée, c'est le moins que l'on puisse dire, avec évidemment des conditions de travail un peu plus compliquées depuis plusieurs mois dues à la crise Covid.

Sur l'ensemble de la mandature, je retiens le travail effectué sur les textes, qu'il était nécessaire de faire en amont, et qui s'est avéré particulièrement lourd compte-tenu de toutes les réformes engagées par le gouvernement. C'était un travail très important de veille, de propositions, de vérification, d'allersretours avec les administrations centrales et les cabinets ministériels que nous avons plutôt bien réalisé.

Finalement, nous sommes plutôt satisfaits de la plupart des textes. La réforme des retraites, restée en stand-by, avait également fait l'objet d'un travail important et nous avions obtenu des aménagements significatifs. Sur la loi Pacte, nous avons travaillé très en amont pour faire passer des propositions de modification de texte, que nous avons obtenues. Plus récemment, nous avons aussi fait des propositions en mai et juin suite à la crise Covid qui devraient être reprises dans la loi ASAP en cours de lecture au parlement. Et nous avons aussi chaque année beaucoup de travail et d'échanges avec les parlementaires sur la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale.

Nous avons donc été proactifs ; ceci a nécessité une mobilisation permanente, avec les équipes ici en interne, pour convaincre les législateurs. Nous avons eu énormément de rendez-vous et d'auditions officielles Nous avons ainsi déclaré 132 auditions et rendez-vous officiels à la haute Autorité pour la transparence de la Vie Publique. C'est déjà beaucoup mais cela ne tient bien évidemment pas compte de tous les échanges au fil de l'eau. A titre d'exemple, sur les deux derniers jours, on a sollicité notre avis sur trois projets de dispositifs différents.

A.P. : Quels sont les chantiers que vous avez menés dont vous êtes le plus fier ?

C-R T. : Il y en a deux, et de natures différentes. D'abord toutes les mesures que nous avons obtenues pour la profession dans la loi Pacte, qui sont très importantes car elles permettent de régler des questions attendues depuis de nombreuses années. Ensuite, je citerais le chantier de la facture électronique, qui est en train de voir le jour et que l'on a pris en main très tôt il y a plus de deux ans en interpellant notamment le Ministre sur la question. De fait, le ministre Gérald Darmanin a intégré dans la loi de finances de l'an dernier le principe de généralisation de la facture électronique à horizon 2023-2025.

A.P. : Y a-t-il des chantiers entamés que vous laissez à vos successeurs ?

C-R T. : Oui, il y en a principalement deux. D'une part, la réforme de la formation et des diplômes comptables qu'on a démarrée en 2019 avec des études et des enquêtes sous la conduite de Nicole Calvinhac. Nous ne l'avons pas menée à bout car avec l'arrivée du Covid il m'est apparu préférable de se concentrer sur la crise plutôt que d'ouvrir un chantier aussi structurant juste avant la fin de la mandature.

Il y a un second chantier qui doit être poursuivi, à mon sens, par la prochaine mandature, c'est celui du traitement de la donnée. Lors de notre dernier congrès de la profession, nous avons montré à nos confrères ce qu'il était possible de faire avec nos data mais il reste beaucoup de travail. Il y a de nombreux aspects à traiter encore, notamment juridiques, sur le droit des données avec la CNIL.

A.P. : Quant au contexte de crise sanitaire, quelles ont été les actions menées par l'Ordre ?

C-R T. : Ce fût un travail quotidien ; nous étions en lien permanent avec le ministère du Travail ou Bercy, en fonction des sujets, pour leur faire des remontées du terrain et leur proposer des modifications à apporter à certains dispositifs d'urgence. Notre avis a été très souvent pris en compte.

Tous les jours le Conseil supérieur envoyait des informations vérifiées aux conseils régionaux pour qu'ils puissent relayer sur le terrain, auprès de nos confrères, les avancées des discussions avec le Gouvernement et la situation des entreprises. L'Ordre a ainsi fait un travail très important en mobilisant toutes ses équipes pour la mise à disposition de l'information en temps réel.

Nous avons aussi fait beaucoup de formations en ligne, des webinaires, qui ont réuni des milliers d'experts-comptables en recherche d'une information fiable en plein cœur de la crise… Nous avons mis en place des FAQ (foire aux questions, ndlr), ouvert les sites SOS cabinets et SOS entreprises et répondu à des milliers de questions.

A.P. : D'ailleurs qu'en est-il du rapprochement entre le Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables et la CNCC ? Avez-vous déjà pu constater des synergies ?

C-R T. : Oui, tout à fait. Nous avons déjà des commissions communes en place avec des moyens en commun. Toutefois, l'idée n'est pas de fusionner l'ordre et la compagnie, je le précise bien, mais il y a un certain nombre de sujets que l'on peut traiter ensemble. Par exemple, nous avons fusionné nos groupes de travail dédiés aux comptes de campagne pour les élections municipales et régionales, sur lesquelles nous avons un rôle important à jouer. Nous mutualisons donc d'ores et déjà sur certains sujets identifiés et cela va sans doute s'accentuer avec les mandatures qui arrivent et les nouvelles commissions.

A.P. : En pleine transition numérique, où en sont vos confrères ? Pensez-vous que la structure des cabinets est amenée à évoluer ?

C-R T. : Avec cette crise Covid, on aura vu que les cabinets, dans leur immense majorité, ont su se mettre en télétravail, du jour au lendemain quasiment. Il y a aussi eu l'accélération de la signature électronique. Énormément de cabinets se sont inscrits et l'ont utilisé, c'est un pas supplémentaire qui a été franchi.

La prochaine étape de notre mutation digitale sera la facture électronique avec dématérialisation totale des flux. Les factures électroniques seront intégrées automatiquement dans nos systèmes comptables et traitées par des logiciels contenant de l'IA. Cela ne veut absolument pas dire qu'il n'y a plus de travail d'expert-comptable car il faut réviser, contrôler et surtout analyser ces données. Mais la tenue comptable, donc l'appréhension de la matière première élémentaire, devrait être intégralement automatisée à horizon 2025.

A.P. : Pensez-vous que ce virage sera pris par tous les cabinets ou qu'il y aura des retards chez certains confrères ?

C-R T. : Je crois que le virage est pris. On l'avait vu d'ailleurs l'année dernière au Congrès sur le thème “l'expert-comptable au cœur des flux” qui comptait 6 900 participants. Aujourd'hui, les cabinets sont tous mobilisés sur la question. Même si tous n'ont pas atteints la même maturité en la matière, la très grande majorité sait que c'est inéluctable et donc qu'il faut y aller. Je pense vraiment qu'en 2025 l'intégralité des cabinets sera équipée.

A.P. : Cette tenue comptable dématérialisée va-t-elle influer sur les formations et les diplômes ?

C-R T. : Il y a effectivement des recrutements diversifiés qui arrivent aujourd'hui dans les cabinets pour répondre à cette mutation digitale.

En dehors de ça, il y a déjà une réforme en cours des programmes des diplômes parce qu'il y a des contenus à faire évoluer en permanence.

A.P. : Pensez-vous que ça va accroître le nombre de diplômés du DEC ?

C-R T. : Nous sommes en croissance permanente du nombre d'experts-comptables et je pense que la profession va continuer à croître. Nous aurons, par exemple, de plus en plus besoin d'experts-comptables conseil d'entreprise.

Selon moi, pour un jeune, l'expertise comptable est de plus en plus passionnante ; le métier évolue vers l'exploitation de la donnée et le conseil. Je regrette de bientôt prendre ma retraite !

A.P. : En matière d'attractivité de la profession, la campagne de communication lancée par l'Ordre l'an dernier porte-t-elle ses fruits ? Y a-t-il eu un afflux de candidats aux concours de la profession ?

C-R T. : Le premier objectif de la campagne était de positionner l'expert-comptable sur le conseil ; l'Ordre avait alors mesuré, comme toujours, sa perception auprès de nos publics, les résultats étaient très bons. Concernant les jeunes, c'est encore trop récent pour voir un impact sur le nombre de candidats aux examens.

A.P. : Au niveau de la parité au sein de la profession et de ses institutions, estimez-vous qu'il y a du progrès ou bien que vous êtes loin des objectifs gouvernementaux ?

C-R T. : On progresse ! D'abord, pour les élections nous sommes obligés de respecter des règles strictes. Par exemple, si vous avez entre 25 et 33 % de femmes inscrites et bien il faut avoir au moins un tiers de femmes sur les listes de candidats. Quand vous franchissez 33 %, il faut avoir une femme sur deux, et cette année, je crois qu'il y a trois régions où c'est le cas alors qu'il n'y en avait qu'une il y a quatre ans.

Au niveau national, on a gagné un point de féminisation. Cela progresse doucement compte tenu de la pyramide des âges de la profession. On reste entre 28 et 29 % de femmes au plan national ; ce chiffre va augmenter assez rapidement puisque les nouvelles promotions sont presque paritaires. Depuis plusieurs années maintenant, les promotions de nouveaux inscrits comportent 40 à 50% de femmes.

A.P. : Pensez-vous que les actions de l'Ordre ont été efficaces pour attirer les femmes ?

C-R T. : Oui, je crois qu'on a eu un certain nombre de communications pour démontrer que le travail était compatible avec la vie familiale. On dit souvent que c'est un travail très prenant, mais l'expertise comptable, c'est aussi un métier où l'on peut déléguer et organiser son temps comme on veut. C'est d'ailleurs bien compris et je pense que c'est pour ça qu'on a de plus en plus de femmes qui rejoignent notre profession.

A.P. : Dans un autre registre, quelles sont les relations du Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables avec les autres professions réglementées, notamment les avocats et notaires ?

C-R T. : J'ai souhaité en arrivant il y a quatre ans, avoir des contacts et des bonnes relations avec nos professions proches. C'est ce qui s'est passé. On a d'ailleurs sorti tout récemment un guide ensemble sur les SPE qui permettent aux professionnels du chiffre et du droit d'exercer en collaborant dans la même structure. Nos professions sont aujourd'hui tout à fait pacifiées et on travaille en complémentarité.

A.P. : Vos confrères se sont-ils suffisamment saisis de la possibilité d'exercer en société pluriprofessionnelle d'exercice, la fameuse SPE créée par la loi Macron ? L'Ordre tient-il un registre du nombre de SPE comptant des experts-comptables ?

C-R T. : Il y en encore peu. La plupart sont avec des avocats et j'ai appris qu'une opération venait de se faire avec un huissier de justice.

C'est encore très récent, cela va se développer au fil de l'eau, surtout chez les jeunes qui, dès le départ peuvent créer leur SPE avec d'autres jeunes avocats ou notaires. Je pense que c'est plus compliqué pour les cabinets établis depuis plus longtemps parce qu'ils ont des habitudes.

A.P. : L'Ordre communique-t-il assez sur ses actions en faveur de la reprise et de la transmission d'entreprise ?

C-R T. : Un de nos messages dans notre campagne de pub télé et radio était d'ailleurs sur le thème de la transmission d'entreprise. C'est un de nos axes de communication dans les salons comme le Salon des entrepreneurs. Nous travaillons aussi avec le CRA, l'association des Cédants et Repreneurs d'Affaires. Nous avons également lancé cette année la plateforme BusinessStory.biz sur la transmission pour les experts-comptables spécialisés. C'est un sujet qui nous intéresse au plus haut point car nous sommes les mieux placés.

A.-P. : Y a-t-il des promesses que vous regrettez n'avoir pas pu tenir ?

C-R T. : Quand j'ai repris mon programme qui avait été fait il y a 4 ans j'ai constaté qu'on a réussi à tenir nos objectifs. Le seul côté un peu frustrant, c'est que sur certains domaines ça a pris beaucoup de temps pour sortir les textes dont nous ne verrons les effets que dans plusieurs années. C'est le cas par exemple pour les compétences spécialisées que je souhaitais faire reconnaître rapidement, car je pense que ça va être un moteur de croissance pour la profession, qui n'ont été mises en place in fine que cet été.

A.-P. : Quels projets prioritaires vos successeurs devraient porter pour moderniser encore davantage la profession comptable ?

C-R T. : Pour moi, le dossier prioritaire est évidemment le numérique qui va se poursuivre avec la facture électronique et le développement de l'utilisation de la data dans les cabinets pour mieux conseiller les clients. Et j'y ajouterais les compétences spécialisées, par rapport à du sectoriel ou de la technique qui, combinées à la maîtrise de l'analyse des données, va permettre d'avoir une profession encore plus performante.

A.-P. : Quittez-vous cette mandature sur un bon sentiment ?

C-R T. : Tout à fait, hormis un petit sentiment de regret sur le fait que tout se passe désormais en visio et donc plus dans les rencontres, ce qui est un peu frustrant pour une fin de mandat. Mais je suis globalement très heureux d'avoir servi ma profession ces 4 dernières années et je pense qu'avec toute l'équipe d'élus et de permanents, nous l'avons bien servi et l'avons fait progresser.

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