Décidément, la loi Hamon est un sujet intarissable. Victime de la colère du patronat, elle est au cœur de la polémique depuis quelques semaines, entre autres sur le volet de l’information préalable des salariés en cas de cession. A côté de la polémique, il y a aussi toute une série de modifications majeures du droit de la négociation commerciale qu’entraîne cette loi et que cette conférence a souhaité mettre en lumière. Visiblement, c’est un sujet qui passionne : comme l’a précisé Joseph Vogel, cette conférence est de loin celle qui a attiré le plus d’inscrits, et trois cessions sur ce même thème ont dû être organisées.
Les conférenciers n’ont pas manqué de débuter leur exposé en rappelant combien les contraintes du droit de la négociation commerciale en France sont complexes. L’article L.442-6 du code de Commerce comporte une vingtaine de clauses qui renforcent les exigences de transparence et multiplient les comportements commerciaux interdits, pourtant autorisés ailleurs (citons à ce titre la revente à la perte). En outre, la réglementation des relations commerciales serait, selon Joseph Vogel, inefficace et inadaptée en ce qu’elle édicterait des règles d’application générale venues résoudre des problèmes propres aux relations grande distribution/fournisseurs, paralysant inutilement les autres secteurs non-concernés.
Bref, la réglementation des relations commerciales mériterait d’être simplifiée. Le problème, c’est que la loi Hamon « ne va pas dans le bon sens car elle rigidifie encore le droit de la négociation commerciale » selon les propres termes de Joseph Vogel. Pour le prouver, la conférence s’est attachée à décrypter trois types d’apports de la loi Hamon au droit de la négociation : ceux dont l’objectif est la transparence, ceux visant à l’équilibre des relations commerciales ; enfin, les apports relatifs aux procédures et aux sanctions.
Les apports de la loi Hamon visant à favoriser la transparence
Avec cette nouvelle loi, les conditions générales de vente (CGV) deviennent le socle « unique » de la négociation. Cela ne veut pas dire qu’elles priment sur les conditions générales d’achat (CGA), mais que le principe chronologique de leur antériorité est renforcé. Par ailleurs, la loi instaure l’obligation de communication spontanée des CGV dans le cadre de la préparation de la convention unique. En cas de non respect de cette obligation, aucune sanction spécifique n’est prévue, mais le fournisseur s’expose tout de même à une amende administrative pouvant atteindre 375 000 euros pour une personne morale, 75 000 € pour une personne physique.
La loi Hamon enrichit également le contenu de la convention unique et impose qu’y apparaissent désormais le barème de prix, les réductions de prix, objet, date, modalités d’exécution ainsi que la rémunération de la coopération commerciale.
Concernant les règles de facturation, la loi Hamon confirme la possibilité de recourir aux factures périodiques (ou « factures récapitulatives »), jusqu’à une seule facture délivrée par mois.
Les apports de la loi Hamon visant à favoriser l’équilibre des relations commerciales
La nouvelle loi prévoit un principe de rigidité des prix avec des prix fixes et intangibles pendant un an. Dans les secteurs où les prix fluctuent fréquemment, les parties peuvent toutefois prévoir dès le départ, dans la convention, « le principe et les modalités pratiques d’acceptation par le client de chaque proposition d’évolution du tarif par le fournisseur ». Elle introduit également une obligation de courtoisie contraignant le distributeur à répondre, dans un délai maximum de deux mois, à toute demande écrite formulée par le fournisseur portant sur l’exécution de la convention. Elle prévoit enfin des sanctions administratives (et non plus pénales) en cas de non-respect des règles en matière de convention unique (amende de 375 000 € max. pour une personne morale) et identifie deux nouvelles pratiques abusives : les demandes abusives de compensation de marge et la facturation d’une commande de produits à un prix différent du prix convenu.
Concernant les délais de paiement, la loi Hamon crée une nouvelle obligation de publication comptable. Les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un CAC doivent publier les informations sur les délais de paiement de leurs fournisseurs et de leurs clients. Un délai de paiement spécifique de 45 jours à compter de la date d’émission de la facture est aussi prévu pour les factures périodiques. De manière dérogatoire, les délais de paiement peuvent désormais être allongés lorsqu’il existe une procédure d’acceptation ou de vérification des marchandises. En cas de retard ou de défaut de paiement, le régime des sanctions pénales est remplacé par un régime d’amendes administratives.
Les apports de la loi Hamon s’agissant des procédures et des sanctions
Nul doute que la loi Hamon renforce considérablement les pouvoirs de l’administration qui dispose désormais d’un pouvoir d’injonction sur les agissements illicites et peut à présent prononcer des amendes administratives. Il y a dès lors fort à parier que les sanctions seront plus nombreuses, les sanctions administratives étant plus aisées à infliger que les sanctions pénales.
Eu égard à la procédure, les agents de la DGCCRF possèdent maintenant le droit d’enquêter à visage couvert jusqu’à la constatation de l’infraction, de faire usage d’une identité d’emprunt pour internet et de procéder à un contrôle d’identité. Les sanctions encourues en cas d’opposition ont été sévèrement alourdies, passant de six moins d’emprisonnement et 7 500 € d’amende à deux ans d’emprisonnement et 300 000 € d’amende ! Enfin, la contestation d’une amende devra désormais se faire devant le tribunal administratif.
Joseph Vogel et Xavier Henry ont conclu cet exposé en précisant que le droit de la négociation commerciale avait de fortes probabilités d’être à nouveau réformé à très court terme par les amendements à la loi Macron, l’ordonnance Taubira, ou – plus naturellement - lorsque les pratiques commerciales au niveau européen apparaîtront démesurément déloyales face au droit français.