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Didier Kling : « Nous exigeons le retrait de l'article 17 de la loi de Finances ! »

Didier Kling vient d'être élu président de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris – Île-de-France. À ce titre, il s'insurge contre le nouveau prélèvement, programmé dans la loi de Finances pour 2017 – 15 millions d'euros pour l'Île-de-France –, qui va contraindre la chambre régionale à interrompre certaines activités et, surtout, qui la prive de ses capacités d'investissement. Il revient également sur les récentes élections consulaires.
Didier Kling : « Nous exigeons le retrait de l'article 17 de la loi de Finances ! »

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Affiches Parisiennes : Au terme des élections consulaires, les bureaux des Chambres de commerce et d'industrie départementales ont été renouvelés...
Didier Kling : Après le vote des chefs d'entreprise, les bureaux de chacune des chambres départementales et territoriales ont été reconstitués. Dominique Restino a pris la présidence de Paris, Danielle Dubrac celle de la Seine-Saint-Denis, Gérard Delmas celle du Val-de-Marne, Patrick Ponthier celle des Hauts-de-Seine, Emmanuel Miller celle de l'Essonne ; Frédéric Vernhes celle du Val-d'Oise et Gérard Bachelier, celle des Yvelines. Tous sont issus des listes d'union Unipec. De son côté, Jean-Robert Jacquemard a été élu à la présidence de la Chambre de Seine-et-Marne. Le calendrier sera bouclé le jeudi 1er décembre, avec l'élection du bureau de la Chambre de Paris – Île-de-France.

A.-P. : Quelle est la différence entre les chambres départementales et territoriales ?
D. K. : Le développement économique ne correspond pas forcément à une circonscription administrative. Le plateau de Saclay, par exemple, est implanté à la fois sur le département de l'Essonne et celui du Val-de-Marne. Depuis le 1er janvier 2013, toutes les chambres d'Île-de-France ont donc été unifiées. La loi a instauré une chambre de région, la seule à recevoir la ressource fiscale, l'une de nos sources de financement. C'est également elle qui gère l'emploi de tout le personnel de la région. La loi garde par ailleurs huit chambres départementales et territoriales qui reçoivent de la chambre régionale les moyens humains et matériels nécessaires à la réalisation des missions qui leur sont assignées.
Il y a en Île-de-France deux Chambres territoriales –Essonne et Seine-et-Marne– et six Chambres départementales –Paris, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val d'Oise et Yvelines. Ces dernières n'ont pas d'existence juridique –ce sont des chambres d'exécution–, alors que les Chambres territoriales ont la personnalité morale, mais sans le budget et sans les effectifs. Elles peuvent avoir des écoles et des centres de formation qui leur sont directement rattachées et des ressources –subventions, chiffre d'affaires– qu'elles conservent, contrairement aux chambres départementales qui font remonter ces ressources à la Région.

A.-P. : Quel a été le mode de scrutin pour l'élection du bureau de la Chambre de région ?
D. K. : Toutes les entreprises inscrites au Registre de commerce ont le droit de vote aux élections consulaires. Pour la Région Île-de-France, le corps électoral est de 670 000 entreprises. Sur le plan national, plus de 220 000 entreprises se sont ainsi mobilisées et ont voté pour l'ensemble de leurs élus.
En Île-de-France, nous avons 286 élus dans les chambres départementales et territoriales. Ces 286 élus sont tous élus dans un département dans les catégories “industrie”, “commerce” ou “services”. Chaque catégorie se scinde en deux sous-catégories, selon l'importance des effectifs, résultant du poids économique qui fait l'objet d'une étude préfectorale. Sur ces 286 élus qui siègent dans les départements, 92 ont été élus titulaires au sein de la chambre de région et 92 ont été élus suppléants. La loi a, par ailleurs, imposé la parité. Ces 184 ont donc été élus sous forme de binômes, titulaires et suppléants. Ainsi, 92 sont des hommes et 92 sont des femmes. Le bureau de la Chambre de Paris-Île-de-France a, quant à lui, été élu par les 92 titulaires, le 1er décembre.

A.-P. : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur les missions et les finances de la chambre de région ?
D. K. : La chambre de région a quatre missions, deux de service public et deux qui ont été librement décidées. Les deux missions de service public –accompagnement des chefs d'entreprise et mission consultative– sont financées par la ressource publique. Pour les deux autres, comme nous allons le voir, la première dispose de fonds privés et la seconde d'un financement mixte public-privé.
Parlons tout d'abord de l'accompagnement des chefs d'entreprise. C'est la mission classique de toute chambre de commerce et d'industrie. Pour la création d'entreprise –à travers le Centre de formalité des entreprises– et le développement, le rôle de la chambre est d'être une porte d'entrée pour l'entrepreneur, lui permettant de trouver de l'information et des solutions à ses problèmes de constitution, d'exportation, de financement, de transmission... Cette aide est naturellement gratuite, financée sur fonds publics. Avec, en moyenne, cent agents sur le terrain dans chacun des départements d'Île-de-France, la chambre régionale est, en quelque sorte, la maison de l'entrepreneur.
L'axe prioritaire pour les années qui viennent est l'aide à la digitalisation des entreprises, prioritaires à nos yeux, c'est-à-dire à fort potentiel technologique, ayant une forte capacité d'exportation ou fragilisées par la révolution numérique. A ce titre, les territoires sont spécialisés... Paris dans la mode et le tourisme, les Yvelines dans l'automobile, le Val-de-Marne dans l'agroalimentaire...
Les grandes entreprises, quant à elle, sont plutôt concernées par une structure dédiée, Paris – Île-de-France Capitale Economique qui focalise son action sur l'attractivité régionale au niveau international.

La deuxième mission est consultative, propre à la Chambre de Paris – Île-de-France du fait de la loi. Elle consiste à exprimer des avis à travers des notes, des rapports, des contributions, sur l'ensemble des sujets qui intéresse le développement économique. Nous avons, soit en direct, soit pas le biais de structures satellites –comme l'Institut Friedland, l'Institut français des administrateurs ou le Centre de médiation et d'arbitrage de Paris–, une centaine d'agents qui aident les élus à réfléchir sur l'ensemble des dossiers, parfois très techniques, de l'ouverture des commerces le dimanche à la transposition d'une directive européenne sur les fusions transfrontalières, en passant par le Schéma régional de développement économique.

L'enseignement est la troisième mission de la Chambre de Paris – Île-de-France, librement consentie celle-là. Il représente aujourd'hui 24 écoles et centres de formation d'apprentis. Les plus célèbres ont une forte notoriété, HEC, l'ESSEC et l'ESCP, trois grandes écoles avec chacune sont ADN, ses spécificités. Pour renforcer leur développement, toutes trois ont besoin de financements et éprouvent des difficultés à boucler leur budget. Il leur manque un peu plus de 10 % de ressources que la chambre régionale finance à travers une subvention d'équilibre. L'essentiel des moyens de ces trois écoles provient des droits d'inscription. Chacune d'elles à créé une fondation qui se charge essentiellement de venir en aide aux boursiers.

A.-P. : La Chambre de Paris – Île-de-France a, dans son giron, d'autres écoles à forte renommée...
D. K. : Nous avons bien sûr d'autres pépites en plein développement comme Ferrandi, l'école française de gastronomie, ou comme La Fabrique, logée pour le moment Porte de Champerret, en attendant de s'implanter dans de nouveaux locaux. Nous avons également l'Ecole des Gobelins, spécialisée dans l'image et les dessins animés, où les étudiants sont recrutés avant même de quitter ses bancs, l'ISIPCA, l'école des parfums, sans oublier –et c'est très important– les CFA, centres de formation des apprentis. Nous avons bien l'intention de développer ce secteur, en trouvant des financements, notamment en initiant des partenariats.
Nous avons par ailleurs un projet, voté en assemblée générale de la chambre régionale et par le conseil municipal d'Issy-les-Moulineaux, celui de lancer une école hôtelière capable de concurrencer, en Europe, celle de Lausanne. Nous travaillons sur le dossier depuis deux ans. Le matériel pédagogique est prêt. Les professeurs sont prêts. Il nous manquait l'hôtel d'application que nous avons trouvé avec le concours d'André Santini, maire d'Issy-les-Moulineaux. Le vaste bâtiment, implanté sur les hauteurs de la vieille ville, appartenant à l'Ordre de Sulpiciens, est sublime, avec son grand parc et une vue imprenable sur tout Paris. Un célèbre architecte travaille actuellement au projet qui réunit une soixantaine de chambres au standard quatre étoiles et un restaurant gastronomique.

La CCI Paris – Île-de-France forme chaque année 31 500 jeunes, dont 16 750 apprentis
et 43 000 adultes en formation continue.

L'objectif de la chambre régionale est de parvenir à financer ou à aider ses écoles et ses centres de formation sans le recours à l'argent public.

A.-P. : Nous arrivons à la quatrième mission de la Chambre régionale...
D. K. : Toutes les chambres françaises gèrent des infrastructures, ports et aéroports, par exemple. En Île-de-France, ce n'est pas possible puisque beaucoup de ces infrastructures sont publiques. Ceux qui nous ont précédés à la chambre régionale ont donc eu une idée de génie, répondant aux besoins des entreprises, sans pour autant se mettre en compétition avec le secteur privé. Cette activité utile, nécessitant des investissements longs et lourds, juste rentables, est celle des Salons et Congrès.
Aujourd'hui, cette filière rassemble trois métiers. Tout d'abord l'acquisition de sites, tels que le Palais des Congrès de la Porte Maillot ou le Parc des Expositions de Paris-Nord Villepinte, où de nombreux développements sont envisagés. C'est aussi la gestion de sites, en propriété ou en concession, comme la Porte de Versailles où Viparis, une filiale dédiée conjointe avec Unibail, gère 487 millions d'investissements répartis sur 10 ans –pour ne jamais fermer le site. Notre troisième métier dans ce secteur est celui d'organisateur de congrès et de salons, à travers une filiale dédiée, Comexposium –actuellement le quatrième opérateur mondial–, qui prend en charge l'organisation de grands événements comme le Salon de l'Agriculture, ou la Foire de Paris.
Nous allons continuer à développer cette filière avec le concours d'un fonds d'investissement britannique, Charter House, qui va accompagner la chambre régionale pendant cinq ans. Nous avons par ailleurs commencé la numérisation de ces salons pour les faire exister entre deux éditions. Ce secteur en consolidation offre parallèlement des opportunités à l'international sur des filières, comme l'agroalimentaire, par exemple. Nous achetons ainsi, en Asie et dans la Péninsule arabique, de manière à proposer aux entreprises franciliennes ou françaises de nous accompagner pour se projeter à l'exportation.

Dans ce secteur des Salons et Congrès, nous n'investissons pas un euro d'argent public. Il est intégralement financé par emprunt, avec la garantie de la chambre.

A.-P. : D'où proviennent aujourd'hui vos ressources ?
D. K. : Notre financement émane de quatre sources : le chiffre d'affaires, les subventions, notamment européennes ou du Conseil régional, la taxe d'apprentissage et la taxe pour frais de chambre consulaire. Tout est parfaitement en ordre, hormis la taxe pour frais de chambre. Cette dernière est collectée par le Trésor public auprès des entreprises et répartie entre les membres du réseau consulaire, au prorata de leur poids économique. Actuellement, deux événements nous irritent singulièrement. Tout d'abord, entre le montant collecté par le Trésor public et le montant redistribué existe un écart substantiel que nous dénonçons. Jusqu'à présent, il nous était difficile d'en préciser le montant. Cette année, au regard du rapport présentant la loi de Finances pour 2017, nous connaissons ce chiffre qui est globalement de 350 millions, pour l'ensemble des opérateurs dont les chambres. Ce prélèvement est évidemment inacceptable. Soit les chambres françaises en disposent, soit il doit être restitué aux entreprises qui l'ont acquitté.

A.-P. : D'autres prélèvements se profilent également dans la loi de Finances 2017 ?
D. K. : Oui. Ne parvenant pas à boucler son budget, face à ses engagements européens, le ministère des Finances a donc décidé de prendre 500 millions d'euros aux chambres de commerce. La Chambre de Paris – Île-de-France a ainsi signé un chèque de 150 millions d'euros, soit deux ans d'investissements. Pour cautionner cette décision, Emmanuel Macron, alors ministre des Finances, nous a expliqué que le gouvernement avait pris un engagement vis-à-vis de Bruxelles. Il fallait réduire la dépense publique de 50 milliards d'euros en trois ans. La quote-part des chambres consulaires est de 1,5 milliard d'euros. Pour y parvenir, il faut prélever 500 millions et réduire les ressources d'un milliard d'euros sur trois ans –2015, 1016 et 2017. En cumul, le compte y est !

Sans visibilité et voulant conserver des comptes à l'équilibre à la Chambre régionale d'Île-de-France, nous avons planifié le départ volontaire de 700 personnes en 2015 et établi un plan contraint de 315 départs en 2016. Ces suppressions de postes ne sont pas simples avec le statut d'agent de service public. Dans la loi de Finances 2017, Michel Sapin veut à présent faire une nouvelle ponction de 60 millions d'euros sur le plan national, ce qui est inacceptable.
Notre budget 2017 est à l'équilibre avec une ressource fiscale stabilisée. Avec ce nouveau prélèvement programmé de 15 millions pour l'Île-de-France, nous allons devoir interrompre certaines activités et, surtout, nous n'avons plus de capacités d'investissement. Par exemple, nous avons dû fermer l'IRPI, l'Institut de recherche en propriété intellectuelle, dont les services ont partiellement étaient repris par l'Université Paris II.
Comme 60 % de l'activité globale de la Chambre, hors Salons et Congrès, sont consacrés à l'enseignement, c'est ce dernier qui va en pâtir de cette coupe claire, ce qui n'est évidemment pas acceptable. Nous allons ainsi être contraints de fermer des Centres de formation d'apprentis.
Nous voulons bien relever le défi des restrictions budgétaires, mais jusqu'à un certain point. Si le gouvernement en venait à continuer ses prélèvements, y compris celui de 15 millions d'euros imposé par le ministre, ou même à fermer purement et simplement les chambres de commerce et d'industrie, nous lui laisserions gérer les 26 000 agents de service public qui y travaillent sur le plan national. Pour notre part, nous conserverions toutes les activités qui ne relèvent pas du service public. Voilà aujourd'hui les enjeux.

A.-P. : Comment voyez-vous l'issue de cette crise ?
D. K. : C'est très simple. Nous exigeons le retrait pur et simple de l'article 17 de la loi de Finances pour 2017, concernant les mesures relatives à l'ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public. Dans le cas contraire, nous en tirerons les conséquences et remettrons les clés aux représentants de l'Etat.

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