AccueilDroitAvoirs non déclarés à l'étranger : une arme implacable
Avoirs non déclarés à l'étranger : une arme implacable
Depuis de nombreux mois, il n'aura échappé à personne, même au contribuable non averti, que l'Administration fiscale s'est dotée de moyens exceptionnels pour lutter contre la fraude fiscale. Maître Michel Gryner, avocat à la Cour, fait le point…
« Depuis l’affaire « Cahuzac » et celle du fichier HSBC, encore appelée « liste des 3 000 », chacun a pu lire dans la presse, même non spécialisée, à quel point les contribuables fraudeurs pouvaient s’attendre à ce que les foudres du fisc puissent définitivement les terrasser. Gare à celui qui ne régularise pas spontanément sa situation s’il détient un compte à l’étranger non révélé. Notre propos ne sera pas de reprendre l’ensemble des dispositifs de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Chacun pourra se reporter aux nombreux articles en la matière. Il nous a paru intéressant de nous pencher sur le dispositif de l’article 8 de la Loi de Finances rectificative 2012-1510 du 29 décembre 2012.
Quel est le dispositif de cet article ?
« Article L.23 C – Lorsque l’obligation prévue au deuxième alinéa de l’article 1649 A ou à l’article 1649 AA du Code général des impôts n’a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l’Administration peut demander, indépendamment d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d’assurance-vie. Lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d’informations ou de justifications, l’administration lui adresse une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu’elle souhaite. » La conséquence du non respect de l’article L 23 C est reprise sous un nouvel article L.71 : « Article L.71 – En l’absence de réponse ou à défaut de réponse suffisante aux demandes d’informations ou de justifications prévues à l’article L.23C dans les délais prévus au même article, la personne est taxée d’office dans les conditions prévues à l’article 755 du Code général des impôts. La décision de mettre en œuvre cette taxation d’office est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d’Etat, qui vise à cet effet la notification prévue à l’article L.76 du présent livre. » En clair : toute personne domiciliée ou établie en France doit aux termes des articles 1649 A et 1649 AA du Code général des impôts déclarer avec sa déclaration d’impôt sur le revenu la détention des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger, ainsi que l’existence des contrats d’assurance-vie souscrits auprès d’établissements étrangers. L’article 8 de la troisième Loi de Finance paru en 2012 a sérieusement accru les moyens de contrôle concernant les avoirs détenus à l’étranger et non déclarés. 1) Exercice du droit de communication auprès des administrations fiscales étrangères Même sans engager un Examen de Situation Fiscale Personnelle qui offre au contribuable des garanties certaines, l’Administration peut par simple contrôle sur pièces obtenir les relevés bancaires détenus à l’étranger. Les versements faits à l’étranger ou en provenance de l’étranger seront présumés être des revenus dès l’instant où les comptes n’auront pas été déclarés en France. 2) Avoirs non déclarés et ISF Le délai de reprise concernant les avoirs non déclarés à l’ISF passe de 6 ans à 10 ans pour ceux détenus à l’étranger sur des comptes et assurance-vie. Le dispositif le plus contraignant à nos yeux est celui relatif à la procédure spécifique de demande d’éclaircissement et de justification. 3) Procédure spécifique de demande d’éclaircissement et de justification Certains contribuables ont eu la très désagréable surprise de recevoir un courrier de l’Administration fiscale sur formulaire n°3907SD, intitulé « Demande d’informations et de justifications sur des avoirs détenus ou utilisés à l’étranger et non déclarés. » Les demandes ressortent bien de l’article 8. Lorsque l’obligation de déclarer un compte à l’étranger ou un contrat d’assurance-vie n’a pas été respectée au moins une fois au titre des 10 années précédentes, l’Administration fiscale pourra demander à l’intéressé, et commence à le faire, de lui fournir dans les 60 jours toutes les informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs. Si la réponse du contribuable n’est pas considérée par l’Administration fiscale comme suffisante, il recevra une mise en demeure d’avoir à compléter sa réponse avec un nouveau délai de 30 jours. Si le contribuable n’a pas répondu dans les 60 premiers jours, ou si sa réponse est toujours considérée comme insuffisante au bout de 90 jours (60+30), l’Administration fiscale pourra faire application de l’article L. 71 du LPF en l’assujettissant au taux de 60 % (taux maximum des droits de mutation à titre gratuit). Ce taux de 60 % s’appliquera sur la valeur la plus élevée des avoirs détenus au cours des 10 années concernées, après déductions de la valeur des avoirs dont l’origine et les modalités d’acquisition auront été considérées comme justifiée. Mais le fisc dispose également de l’arsenal prévu par la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière promulguée le 6 décembre 2013 et publiée au Journal officiel le 7 décembre 2013 sous le numéro 2013-1117 qui permet, entre autre : - des enquêtes judiciaires par des agents des Services fiscaux dirigés par le Parquet pour rechercher et constater les infractions de fraude fiscale avec possibilité de perquisition. - La communication des relevés de compte bancaire du contribuable par des tiers, même lorsque les renseignements obtenus par l’Administration fiscale ont une origine illicite. - Le principe d’échange automatique d’informations fiscales entre les Etat. - L’aggravation des peines encourues sur le plan pénal soit une amende de 2 000 000 d’euros et sept ans d’emprisonnement. Alors, pour ceux qui se sont fait rattraper par la patrouille… Bonne chance ! Pour les autres, il est encore temps de régulariser leur situation en déposant un dossier au Service de Traitement des déclarations rectificatives. Certes, cette régularisation aura un coût, mais bien moindre que si l’Administration fiscale les rattrape. Il est fort à parier que le total à payer sera alors supérieur au montant du compte. »