« Ce programme est le résultat d'un travail soutenu, porté par notre commission internationale. Il s'inscrit dans cette longue tradition d'accueil du Barreau de Paris et de la Ville de Paris », a lancé Olivier Cousi, bâtonnier de Paris, pour introduire la présentation du programme répit, présenté à l'occasion de la journée internationale des droits humains. Dans une période où les atteintes à l'Etat de droit se multiplient, les avocats travaillant sur des dossiers sensibles sont particulièrement exposés et isolés. « Il y a hélas une augmentation considérable des avocats en danger ou empêchés d'exercer leur métier », a déploré le bâtonnier, expliquant qu'il s'agissait de « permettre à des confrères dans des difficultés lourdes de trouver à Paris un moment, un temps de répit personnel pour être éventuellement nourris, logés, accompagnés ». Ce programme est l'occasion d'offrir à ces professionnels « un moment de dignité professionnelle », grâce auquel ils pourront bénéficier d'un support dédié du Barreau de Paris pour continuer leur activité.
« C'est une démarche de dignité, clé de notre déontologie commune dans le monde entier », a poursuivi Olivier Cousi, considérant que les avocats dans le monde se devaient d'être solidaires et de soutenir leurs confrères en difficulté. « Le Barreau de Paris a été toujours été aux côtés de ceux qui veulent s'ouvrir au monde, partager les expériences, échanger, et développer cette force, la défense de la défense », a-t-il ajouté, avant remercier les partenaires du programme, dont le ministère de l'Europe et des Affaires étrangère, l'EFB, le CDAAP (Centre d'affaires des avocats de Paris) et le Centre Primo Levi.
Olivier Cousi a toutefois tenu à le souligner, le programme répit n'est pas une aide à l'asile, à l'arrivée permanente. Il s'agit d'une aide ponctuelle « pour permettre aux confrères de se retourner ».
Un programme unique
Le programme n'aurait pu naître sans les membres du conseil Rusen Aytac, et Martin Pradel, qui ont consacré trois ans à cette défense des avocats menacés.
« Nous avons pu faire avancer ce programme sous l'impulsion du bâtonnier qui a très rapidement soutenu ce programme », a tenu à souligner Rusen Aytac, précisant qu'il s'agissait d'un dispositif unique et inédit. « Ce programme répit nous tient très à cœur au Barreau, nous avons une tradition très ancienne et continue d'engagement à l'Europe et à l'international », a-t-elle également rappelé, ajoutant que les membres du Barreau concernés menaient depuis longtemps des missions d'observation judiciaire des avocats harcelés, intimidés ou détenus de façon arbitraire et saisissaient également les rapporteurs spéciaux compétents pour alerter l'opinion publique.
« Mais nous avons fait le constat que souvent, nous agissions une fois que l'événement avait eu lieu, et que nos actions étaient très peu préventives, c'est pourquoi nous avons décidé de mettre sur pied ce programme qui existe effectivement déjà pour des académiciens, des journalistes, des défenseurs des droits de manière globale », a expliqué Rusen Aytac, précisant avoir voulu destiner ce programme directement aux avocats, dans un contexte de « véritable dégradation des institutions judiciaires ».
Les demandes adressées au Barreau seront étudiées avec une attention particulière par un comité composé d'élus et de membres du Conseil de l'ordre. « Ces personnes connaissent bien le terrain. Le Barreau est en contact régulier avec la société civile et les associations des droits de l'Homme notamment, donc nous avons beaucoup d'éléments pour venir nous aider à sélectionner - je n'aime pas le terme – les confères sous la menace d'un danger imminent, afin qu'ils puissent se revigorer, regagner du courage, et tisser des relations avec des avocats du Barreau de Paris », a assuré Rusen Aytac.
Ces avocats menacés pourront bénéficier, s'ils le souhaitent, d'une consultation grâce au partenariat avec le Centre Primo Levi, dédié aux personnes victimes de torture et de violence politique, mais aussi d'une formation à l'EFB, sur la sécurité informatique par exemple, ou de locaux, grâce au centre d'affaire du Barreau. « Il est en effet très important pour les avocats de pouvoir communiquer de manière sécurisée, non seulement vis-à-vis de leur secret professionnel mais aussi pour leur vie en général », a indiqué l'initiatrice du programme, qui a confirmé qu'il ne s'agissait pas d'un accompagnement à l'exil, « les confrères préférant mener le combat pour l'Etat de droit et la justice dans leur propre pays ».
Pour la conception de ce programme, le Barreau s'est inspiré de l'expérience Reporters sans frontières et du travail de la Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH). « Nous avons constaté que le programme marchait, et qu'il serait utile ne serait-ce que pour que le confrère puisse être éloigné de la vindicte à un moment donné et se faire oublier, même si c'est provisoire, afin que sa vie ne soit plus en danger et qu'il puisse exercer librement dans son pays ».
Le soutien du MAF
Également invité à prendre la parole, Philippe Lacoste, directeur du développement durable au ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères a indiqué que la France avait souhaité rappeler son engagement en faveur des défenseurs des droits à l'occasion de l'adoption de la stratégie “Droits humains et développement”. « Merci au Barreau de Paris pour sa participation active à l'élaboration de cette stratégie, qui débouche sur un plan d'action qui guide nos actions pour quatre ans et constitue aussi un engagement que nous porterons au Conseil des droits de l'Homme des Nations unies suite à un nouveau mandat », a-t-il salué, précisant que ce plan d'actions contenait trois priorités : la lutte contre les inégalités (sur le respect du droit des femmes et des enfants en particulier) la protection des libertés fondamentales (avec un focus sur le droit à l'information), et la protection des droits humains (avec un soutien de l'indépendance et de la liberté d'action des défenseurs des droits).
Dans ce cadre, le ministère participe à des programmes d'assistance aux défenseurs des droits menacés ou en danger, dont deux particulièrement importants en lien avec l'AFD (Agence française de développement). Le premier, mené avec la FIDH, intervient auprès de toutes les catégories de défenseurs et le second, porté par RSF (Reporters sans frontières), est centré sur les journalistes.
« Le Barreau de Paris a une longue tradition d'aide, avec la création de l'Observatoire international des avocats en danger, et aujourd'hui le lancement du premier programme d'assistance en Europe s'intéressant en particulier aux avocat », a poursuivi Philippe Lacoste, pour qui cet accompagnement « sur-mesure » répond aux attentes spécifiques des avocats, qui « ne s'identifient pas toujours comme défenseur des droits humains, mais plutôt d'abord comme des professionnels du droit ».
Martin Pradel de conclure : « Nous savons que le travail peut être difficile, harassant, dans des conditions normales, mais quand l'avocat se fait lui-même pointer par une vindicte, le poids est encore plus lourd, cette nécessité de respiration se fait encore plus forte ». Tous les avocats parisiens désireux d'apporter leur aide sont les bienvenus. Le programme devrait permettre d'accueillir deux à trois avocats menacés en 2021, avant que de nouveaux partenariats ne soient noués pour pouvoir offrir un soutien encore plus large.
L'ensemble des informations dédiées au programme répit sont à retrouver sur programmerepitavocats.org.