AccueilDroitActualité du droitAssises juridiques de la mode, du luxe et du design : la propriété intellectuelle à l’assaut de la contrefaçon, dans le réel et le virtuel

Assises juridiques de la mode, du luxe et du design : la propriété intellectuelle à l’assaut de la contrefaçon, dans le réel et le virtuel

Emmanuelle Hoffman est avocat associé du cabinet HOFFMAN , spécialiste en droit de la propriété intellectuelle.
Assises juridiques de la mode, du luxe et du design.
© DR - Assises juridiques de la mode, du luxe et du design.

DroitActualité du droit Publié le , Propos recueillis par Boris Stoykov

Elle est également la directrice scientifique des Assises juridiques de la mode, du luxe et du design organisées le 9 mars prochain à Paris, sur le thème de « l’œil, la matière et le Droit ». Propriété intellectuelle, contrefaçon mais aussi NFT et Métavers seront au centre de cette journée d’échanges.

Affiches Parisiennes : Vous êtes la directrice scientifique de la 3ème édition des Assises juridiques de la mode, du luxe et du design, organisée le 9 mars prochain. Quelle est la genèse de cet événement ?

Emmanuelle Hoffman : L’organisation et la réalisation du programme scientifique de cette troisième édition montre bien que la propriété intellectuelle, au travers et de la jurisprudence et des évolutions technologiques et législatives, est au cœur de l'actualité. On la retrouve partout, dans les tribunaux, à l'Assemblée nationale aussi, au travers d’évolutions législatives sur les questions de RSE ou de Métavers européen. Nous avons réalisé le programme en équipe, en invitant des intervenants présents aux précédentes assises et des nouveaux acteurs. La matinée sera consacrée aux enjeux de la contrefaçon et l’après-midi à différentes tables rondes sur l'actualité des innovations technologiques, du Métavers, des NFT mais aussi de la RSE et des nouvelles matières, comme les textiles intelligents. Des avocats, des professeurs de droit, mais également des acteurs de la vie civile, comme des entreprises du domaine du luxe ou de la mode, des fédérations, à l’instar de la Fédération de la haute couture, mais également des associations telles que l'Union des fabricants qui lutte contre la contrefaçon, vont débattre, proposer et expliciter ces sujets durant une journée.

L’évènement abordera notamment l'économie circulaire et le marché de la seconde main c’est-à-dire la revente de produits déjà mis en circulation. En trois ans, toutes les entreprises et les fédérations ont compris que ce marché était essentiel. Aujourd’hui, la législation sur l'économie circulaire, qui encadre le circuit de distribution et la liberté d’action des marques, a engendré une montée en puissance de l’upcycling, et du marché de la seconde main sujet abordé lors d’une des tables rondes, avec l’intervention de la responsable lutte anti-contrefaçon de Vinted, May Berthelot. La traçabilité et l'authenticité du produit sont des questions essentielles pour les marques et pour les distributeurs de seconde main.

A. - P. : Comment peut-on contrôler ce marché, au regard notamment du grand nombre de plateformes de seconde main qui existent ?

E. H. : C'est un investissement réalisé par ces plateformes. Vestiaire collective a été l’une des premières dans le domaine de la mode et du luxe à donner une importance à la vérification de l’authenticité des produits. Des marques comme Sandro ou Maje, mais aussi Le Bon Marché ou les Galeries Lafayette ont développé cette offre de seconde main de leurs produits compte tenu du développement exponentiel de ce marché.

La question essentielle de la responsabilité des plateformes est au centre des problématiques juridiques depuis plus de 20 ans. La réglementation européenne de 2001 avait reconnu une quasi-irresponsabilité des hébergeurs et il a fallu 20 ans pour commencer à envisager une responsabilisation, et mettre à leur charge de nouvelles obligations, notamment concernant les contenus ou biens illégaux en ligne. La réglementation européenne a évolué, avec notamment le DSA voté l'année dernière.

A. - P. : Comment assurer la traçabilité des produits ? A quel stade intervient le juriste en propriété intellectuelle ?

E. H. : Lorsqu'un produit est commercialisé, le titulaire de droits n’est pas en mesure, en raison de la libre circulation des marchandises, de contrôler et authentifier les produits de seconde main. C'est là où la technologie permettant la traçabilité de produits authentiques peut être utile et se mettre au service de la marque et des droits. Certaines marques notamment d’horlogerie vendent leurs produits avec un NFT, susceptible d’être une garantie supérieure d'authenticité. Et le juriste va utiliser les nouvelles technologies dans cette finalité. Ces technologies seront l’occasion d’une table ronde, autour de la question des NFT et des Metavers, avec notamment Pierre Nicolas Hurstel, président de la société Arianee. Cette journée va aussi permettre d’appréhender toutes les problématiques des titulaires de droits de propriété intellectuelle, à la fois liées à la stratégie de protection et à la contrefaçon.

A. - P. : Une table ronde est consacrée au volet répression, avec des intervenants de la Direction générale des douanes et du Parquet européen. Pourquoi est-ce un thème important ?

E. H. : La contrefaçon est un délit. Les peines encourues peuvent aller jusqu’à 7 ans d'emprisonnement et 750 000 euros d'amende. Le juriste peut choisir la voie civile , ce qu’il fait dans la grande majorité des cas, ou le terrain pénal. Lors de cette journée nous avons souhaité mettre à l’honneur les douaniers, qui grâce au système des « demandes d'intervention » de la part des titulaires de droits, peuvent retenir des marchandises sur tout le territoire. En cas de contrefaçon confirmée par le titulaire de droits, l’action pénale peut alors être entreprise. Les entreprises n'ont pas toujours conscience de ce volet pénal et du pouvoir des douanes. En 2021, en France, à peine 1 500 demandes d'intervention ont été déposées auprès des douanes. La contrefaçon est malgré ces actions toujours importante et un danger pour l’économie. Il faut donc faire plus de répression pour enrayer le processus et davantage sensibiliser les juges sur la gravité que représente la contrefaçon.

A. - P. : Quels leviers actionner pour essayer d’arrêter toute une chaine de contrefaçon ?

E. H. : Des campagnes de sensibilisation auprès des consommateurs sont régulièrement menées notamment pendant l'été dans le sud de la France, sur les plages frontalières avec nos voisins européens. En effet, le consommateur n'a pas conscience de la gravité que représente la contrefaçon, notamment en termes d’économie ou de santé publique, (par exemple avec les faux médicaments, les faux jouets, le non-respect des normes de sécurité, etc.).

Il faut aussi sensibiliser les pouvoirs publics à la contrefaçon, et notamment dans les pays particulièrement touchés comme la Chine, la Turquie mais aussi en France où des produits de contrefaçon sont également produits.

A. - P. : Les organes de répression sont-ils sensibilisés à la production française de produits contrefaisants ?

E. H. : Les douaniers sont extrêmement efficaces et très impliqués, ils font un travail remarquable. Mais il est encore très important de faire un focus sur la contrefaçon et plus globalement sur la propriété intellectuelle. Elle est au cœur de l’économie, au cœur des nouvelles technologies. D’ailleurs, toutes les grandes marques de mode réfléchissent aujourd’hui sur la question du métavers et des NFT et la réponse juridique à y apporter . Il faut sensibiliser les juristes à ces nouveaux phénomènes et voir comment le droit va s’adapter à ces nouvelles avancées. La question de la définition juridique des NFT va nécessairement impacter la législation. D’ailleurs, à titre personnel, je ne suis pas convaincue qu’il faille créer une nouvelle législation sur les NFT, mais plutôt adapter la législation actuelle et intégrer dans celle-ci ces nouveaux supports.

A. - P. : Quelle est votre définition du métavers dans le domaine de la mode ?

E. H. : Ces technologies sont nouvelles et complexes à appréhender et définir. Ce travail de définition et de compréhension de ceux-ci sera en partie l’objet de nos travaux du 9 mars. Dans le secteur de la mode, grâce aux NFT, tout un monde virtuel existe, comme dans les jeux vidéo, avec un avatar que vous pouvez habiller comme dans le monde réel. Dans le domaine de la mode, le Metavers a conduit à réaliser des défilés virtuels Il y aura d’ailleurs un débat autour de ce sujet avec un représentant de la Fédération de la couture.

On ne peut pas définir juridiquement si on ne comprend pas techniquement. Parce que la définition est absolument essentielle, des experts dans ces technologies interviendront à l’événement, aux côtés des marques et des concepteurs de NFT. En tant que directrice scientifique, il est très important de rassembler tous ces acteurs autour de la table pour qu’ensemble, nous puissions adapter le droit à la réalité technologique. Il est à cet égard essentiel d’inviter des magistrats, lesquels seront à l’origine des jurisprudences et source de droit à l’avenir sur ces sujets.

A. - P. : Ces Assises sont aussi un moyen de mettre en avant le fait que la mode se soucie davantage de la RSE, du développement durable. De quelles façons ?

E. H. : Dans la mode, la question de l'éthique a toujours été importante, même s’il y a eu des phénomènes graves dans certaines usines, comme le travail des enfants. L'éthique va servir l'image de certaines marques, c’est une réciprocité qui s’est mise en place avant même les lois récentes sur la RSE. Toute cette réglementation contraignante va être discutée avec les différents acteurs du domaine de la mode et du luxe. Je crois à la mode éthique. Preuve en est, de plus en plus d’entreprises suivent la voie de l’upcycling, de la RSE, de l'économie circulaire, dans le processus de création, de distribution et de fabrication.

Ces normes limitantes se mettent finalement au service des marques. Le consommateur a pris de plus en plus conscience de l’importance d'acheter éthique. C’est le jeu de l'offre et de la demande. Le droit et l’économie sont intrinsèquement liés. Nous évoluons dans un monde global dans lequel les règles sont au service du commercial, du marketing, ce qui nécessite que les représentants du droit et de l’économie se parlent. Nous devons décloisonner ces départements car cette transversalité est primordiale.

Informations Pratiques : Assises juridiques de la mode, du luxe et du design, organisées par Lexposia
Jeudi 9 mars, Shangri-La Palace, 10 avenue d’Iéna, Paris 16e
Cette journée d’étude est susceptible d’être prise en charge par votre
organisme collecteur OPCO - satisfait à l’obligation continue des avocats
et valide 7 heures de formation.
Pour participer à cet événement en présentiel ou en digital, rendez-vous
sur le site www.lexposia-events.com
Pour plus d’informations : Etorresan@lexposia.com; Tél : 01 44 83 66 75

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