Député Renaissance de la 3e circonscription de l’Essonne, depuis juin dernier, Alexis Izard revient sur ses premiers mois à l’Assemblée nationale et les travaux qu’il a entrepris. Il est aussi très clair sur l’importance de la réforme des retraites qui est actuellement débattue dans l’Hémicycle.
Affiches Parisiennes : Une fois arrivée à l’Assemblée nationale, quelles commissions avez-vous intégré ?
Alexis Izard : J'ai rejoint la Commission des affaires économiques, qui était plutôt en lien avec ce que je sais faire. J'ai aussi rejoint le Conseil d'administration de l'INA, l’Institut national de l’audiovisuel, parce que sur ma circonscription, le projet de construction d’un grand pôle cinéma sur l’ancienne base aérienne de Brétigny-sur-Orge est un sujet important. Il était donc intéressant pour moi de me rapprocher de l’INA pour son côté formateur, mais aussi parce que je trouve passionnant ce que fait l’institut en termes de services publics, d’archives et de médias.
A. -P. : Quelles ont été vos actions jusqu’ici au sein de l’Assemblée nationale ?
A. I. : La première partie de mon mandat a été consacrée au budget. J’ai été chargé d’un avis budgétaire sur les investissements d’avenir pour France 2030, dont le cinéma fait partie, dans le cadre d’Alliance industrie du futur. J’ai ensuite choisi un autre combat, celui de la transmission d’entreprise, sur lequel je travaille actuellement. Je mène un certain nombre d'auditions. J'ai rencontré beaucoup d'acteurs pour faire en sorte d'encadrer un peu plus la transmission d'entreprise. Aujourd’hui, selon les chiffres, entre 300 000 et 700 000 entreprises vont devoir être cédées dans les dix années qui viennent. Quelque 300 000 pourraient ne pas trouver de repreneur.
Nous avons, par ailleurs, un quart des chefs d'entreprise qui ont plus de 60 ans et qui ne préparent pas forcément leur succession. Il y a donc un gros enjeu économique sur ce dossier. En travaillant chez Bpifrance, j'ai constaté qu'on met le paquet sur la création d'entreprise, et c'est très bien, mais on oublie parfois que la transmission peut créer plus de valeur que la création. Un million d'emplois sont en jeu. C'est une réelle opportunité pour engager la transformation des entreprises, que ce soit pour le développement durable, mais aussi pour la transition numérique. On peut créer de la valeur, on peut faire de la recherche, on peut faire du développement, dans le cadre d'une reprise. C’est cette approche que j’essaie de porter actuellement à l'Assemblée nationale. Je vais porter une proposition de loi et j'ai une chance, car les sénateurs de tous bords ont déjà proposé un texte sur le sujet, à la rentrée de l’année dernière. L’idée est de reprendre ce projet, de l’amender, à ma manière, pour le proposer dans le courant de cette année.
A. -P. : Recevez-vous des sollicitations sur ce sujet ?
A. I. : Il y a une forte attente des entrepreneurs et de toutes les organisations consulaires. Les entreprises qui ne sont pas transmises risquent de déposer le bilan, ou d’être reprises par des fonds étrangers, ce qui pourrait poser un problème de souveraineté. En France, nous avons beaucoup de belles sociétés. Il faut donc les préserver et leur permettre de se développer. Il faut, en moyenne, 21 ans à une entreprise pour passer de PME à ETI. C'est l’une des différences que nous avons avec nos voisins allemands. Ils ont beaucoup d'entreprises de taille intermédiaire, alors que nous avons beaucoup de petites et moyennes entreprises. Pourquoi ? Parce qu’Outre-Rhin, la transmission familiale est courante. La succession est une étape de vie de l’entreprise. Chez nous, c’est trop souvent sa fin de vie. Je veux que la transmission soit une étape de la vie de l'entreprise, un vecteur de croissance et un vecteur de transformation qui permettent à nos PME de devenir des ETI, de continuer à créer de l'emploi et à créer de la valeur en France.
A. -P. : Actuellement, le sujet majeur dans l’Hémicycle est la réforme des retraites. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
A. I. : Nous sommes tous à fond sur la réforme des retraites. Elle est aussi importante qu’elle est impopulaire. Impopulaire, parce qu’elle concerne quasiment tous les Français et que les Français n’ont pas forcément envie de travailler plus longtemps et c'est tout à fait normal.
Aujourd’hui, nous sommes face à un système qui n'est pas équilibré, qui ne permettra pas à tout le monde de partir à la retraite si nous ne le préservons pas. En plus de ça, nous ne pourrons pas assurer un niveau de retraite suffisant pour tous les retraités actuels et futurs. Donc il faut avoir le courage de faire cette réforme et nous essayons de la pousser au maximum.
Il faut prendre cette réforme des retraites telle qu'elle est, c'est à dire une réforme d'équilibrage budgétaire. Nous devons garantir l’équilibre de ce système pour permettre d'offrir des pensions aux retraités actuels, les revaloriser aussi – nous allons d’ailleurs le faire pour 2 millions de personnes –, et aussi assurer un système de retraite pérenne pour les générations à venir. Il faut aussi penser aux inégalités qui existent dans le système, penser aux carrières longues, la pénibilité... Et rappeler qu'avec notre projet de réforme actuel, 40 % des personnes partiraient à la retraite avant l'âge légal. Le but n'est pas de pénaliser les Français, nous voulons préserver le système par répartition.
A. -P. : Le débat à l’Assemblée nationale est assez tendu, qu’en attendez-vous ?
A. I. : Malheureusement, La France Insoumise se sert de cette réforme pour agiter un peu la population et essayer de se refaire une santé. C’est regrettable, étant donné que si on a pu faire des ajustements, comme la retraite minimum à 1 200 euros. Je rappelle aussi que nous avons abaissé l’âge de départ de 65 à 64 ans. Il faut que la gauche participe à ce projet. Nous sommes vraiment prêts à entendre de vrais arguments. Nous avons des marges pour les appliquer, notamment sur la pénibilité et les situations particulières. J’invite vraiment tous les députés à participer à ce projet.
Aujourd’hui, nous avons environ 5 000 amendements qui ont été déposés en commission, mais il est dommage que la plupart soit sur l’âge légal de départ à la retraite, et non sur les pénibilités. Cela crée un sujet de blocage, et nous ne pourrons pas étudier la suite, puisque le temps est compté. Le Sénat le travaillera, mais je pense que c’est aussi notre rôle.
Tous les candidats macronistes ont été élus avec des propositions bien identifiés. Le projet de réforme de la retraite était extrêmement clair. C’est d’ailleurs ce point qui nous a certainement empêché d’avoir une majorité absolue. Les Français ont aussi montré qu’ils faisaient tout de même confiance à ce projet, parce qu’ils comprenaient finalement qu’un système non-équilibré n’était plus possible. Ils nous ont aussi dit qu’ils étaient d’accord pour travailler plus, mais qu’il allait falloir se pencher sur les carrières qui peuvent être pénibles et celles qui sont parfois interrompus, pour les femmes notamment. Il faut donc travailler, et j’espère que nous aurons l’occasion de le faire à l’Assemblée.

A. -P. : Que faut-il améliorer dans ce projet de réforme des retraites ? Les femmes sont-elles lésées ?
A. I. : Le départ à la retraite est l'accumulation de toutes les inégalités du marché du travail. Depuis 2017, nous en avons corrigées beaucoup. Nous travaillons énormément sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Le sujet des femmes est important. Il ne soit pas pénalisant pour une femme de faire des enfants. C’est un point essentiel qui doit être pris en compte dans la réforme des retraites. Mais de manière générale, cette réforme doit vraiment aller de la vie au travail jusqu’à la retraite, en prenant en compte toutes les carrières pénibles, qui ne permettent pas de travailler jusqu’à 64 ans.
Il ne faut pas écouter les extrêmes, qui nous disent “vous allez trimer jusqu’à 60 ans, puis ce sera la belle vie”. C’est totalement faux, puisqu’avec les annuités à cet âge-là, la pension ne sera pas assez élevée.
Pour que tout le monde ait une retraite correcte, ce que nous voulons, c’est qu’il est aussi possible de travailler un peu plus longtemps, mais en modulant le temps de travail. Par exemple, quand vous allez arriver à 60 ans, pourquoi ne pas rentrer dans une retraite progressive, passer sur un temps partiel pour commencer et ainsi, petit à petit, arriver à l’âge légal de départ. Pour certains, la retraite est brutale, du jour au lendemain. De plus, les seniors ont accumulé un savoir-faire important dans les entreprises ; savoir-faire qui est extrêmement important et qu'il faut transmettre. Donc il faut penser à cette modulation et à cette vision du travail.
A. -P. : L’employabilité des seniors est-elle une réelle question aujourd’hui ?
A. I. : En effet, nous sommes très mauvais sur l’employabilité des seniors. Beaucoup d’entreprises estiment que dès que vous arrivez à la soixantaine, vous allez bientôt vouloir partir à la retraite, ou que vous n’êtes plus employable.
L'index senior va d’ailleurs être mis en place. C’est une solution, mais ce n’est pas la solution. Il faut qu'on soit créatif sur ce sujet et qu'on arrive à trouver les meilleurs axes possibles pour accorder à nos seniors davantage de confiance. Ils détiennent une expérience et un savoir-faire qui doivent être valorisés dans les entreprises. Donc l’index pour les seniors est une bonne chose, mais il faut aller plus loin.
A. -P. : Quel message voulez-vous faire passer à tous les opposants à cette réforme ?
A. I. : Nous les comprenons tout à fait. Je vais être clair là-dessus, nous entendons les Français. Sur ma circonscription, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui nous alertent sur leurs inquiétudes. Ils ne manifestent pas forcément, mais ils alertent, craignant devoir travailler beaucoup plus longtemps et parfois méconnaissent aussi le système actuel. D’ailleurs, je veux préciser que les gens doivent bien comprendre, que nous ne toucherons pas à l’âge de 67 ans pour la fin des décotes. Tout le monde pourra partir à 67 ans sans décote, c’est une des craintes que j’entends et qu’il faut oublier.
Si la réforme des retraites n'était pas faite, elle pourrait l’être dans cinq ou dix ans, au moment où nous serons face à un mur. Les opposants d’aujourd’hui reprocheraient alors aux politiques de ne pas avoir anticipé cette situation. On le dit actuellement pour l'hôpital, pour l'école, pour l'armée, pour les nouvelles énergies… Mais pourquoi les politiques de l'époque n'ont pas anticipé ? Tout simplement parce que l'opinion publique était contre et c'était très difficile politiquement de porter les réformes. Actuellement, nous avons un président qui a le courage de réformer et je crois que c'est une réforme de responsabilité qui est forcément impopulaire.
La régulation des influenceurs
Autre sujet d’actualité à l’Assemblée, la régulation des influenceurs. Cette question est actuellement étudiée à la Commission des affaires économiques.
« Une proposition de loi va être portée par les socialistes et mon collègue Stéphane Vojetta, sur la régulation des influenceurs sur les réseaux sociaux. C'est quelque chose d’extrêmement important, parce que les jeunes générations sont extrêmement exposées et vulnérables face à des influenceurs qui réunissent des millions de personnes et sont prêts à vendre tout et n'importe quoi, parfois des dispositifs médicaux extrêmement nocifs, ou encore des investissements financiers très risqués, qui peuvent conduire à la ruine financière de certains.
Nous sommes face à un nouveau marché, avec des nouveaux entrepreneurs, qui se développent. Mais certains profitent de cette nouveauté pour frauder, il est donc important de légiférer. Nous travaillons ainsi pour élaborer un texte très structurant, très encadrant, qui permettra à ceux qui font bien leur travail sur les réseaux sociaux de continuer à travailler, voir à ceux qui souhaitent se lancer sur les réseaux à le faire, mais en revanche à bannir totalement ceux qui en profitent pour arnaquer des jeunes et même parfois des moins jeunes. Ce sujet intéresse beaucoup de monde, notamment Bercy, qui, par l'intermédiaire de Bruno Le Maire, a décidé d’apporter sa contribution pour protéger les consommateurs. ».