Technologie de stockage et de transmission d'informations, la blockchain, dans le cadre des transactions monétaires, peut donc être assimilée à un grand livre comptable public, anonyme et infalsifiable. La base de données a été créée en 2008 par Satoshi Nakamoto, en même temps que le bitcoin, sa « pièce de monnaie » virtuelle, séduisant déjà de nombreuses entreprises grâce à son unité de valeur échangeable à l'international, et par conséquent économique, dans la mesure où elle ne supporte pas les coûts liés au changement de devises.
Bitcoin : du B2B au C2C ?
La première monnaie mondiale neutre et égalitaire, ayant déjà séduit grand nombre d'entreprises depuis sa création possède également un autre atout : son modèle d'échange économique en « peer to
peer », dans lequel chaque entité du réseau est à la fois client et serveur. Une transaction désintermédiée et sécurisée, telles sont les promesses du bitcoin aujourd'hui largement utilisé dans les transactions financières en B2B (Business to Business). Le cours du bitcoin a connu une croissance exponentielle, passant
de 1 100$ en mai 2017 à
19 500$ en décembre
(+1 672 %) pour être aujourd'hui à 3 362$. Si les transactions financières entre entreprises se réalisent déjà largement sans intervention d'un tiers, la désintermédiation séduit de plus en plus le secteur privé, répondant à la demande de simplicité d'utilisation et de transparence des consommateurs. Gilles Deleuze, chef de projet et coordinateur de la blockchain, prévoit donc l'expansion de celle-ci aux transactions financières entre particuliers.
à court terme, il est encore difficile de parler d'une révolution de la cryptomonnaie à cause de son manque de cadres réglementaires et fiscaux. Pourtant, l'accélération du rythme d'innovations dans les supports de paiement ainsi que la croissance fulgurante d'adoption de ces méthodes chez les consommateurs, tend à changer la donne.
« Cela me paraît complètement fou de se dire qu'en 2019, il y a des camions qui roulent au diesel et transportent des billets de banque », s'exclame Pierre Person, intervenant sur la Business Stage pour envisager les perspectives d'avenir des transactions monétaires lors de la 4e édition de la Maddy Keynote, sommet de l'innovation tricolore axée sur le thème d'« une journée en 2084 ».
L'avis des acteurs économiques
A l'heure où les autorités financières japonaises promeuvent largement l'innovation technologique de la cryptomonnaie, en lui octroyant d'ores et déjà un statut d'autorégulation et une utilisation possible dans la quasi-totalité des secteurs de la grande distribution, les consommateurs français restent perplexes quant à l'institution de nouvelles technologies dans leurs moyens de paiement.
Pourtant, l'Autorité des normes comptables vient de publier un règlement qui définit le cadre comptable des ICO, les Initial Coin Offerings. Son président, Patrick de Cambourg, se réjouit que la France figure « parmi les premiers à offrir une vision générale de la chose un fixe un cadre à la fois flexible et sécuritaire pour les émetteurs et détenteurs de jetons de cryptomonnaie ».
Si l'adoption du paiement sans contact a pris de l'ampleur dans l'Hexagone, représentant aujourd'hui près de 30 % des paiements, selon une étude réalisée par Mastercard, la technologie NFC (ou communication en champs proche), QR codes et autres applications permettant le paiement par téléphone se font encore discrets. La monnaie scripturale quant à elle, reste extrêmement présente en France notamment pour les paiements inférieurs à 20 euros. Pourtant, les chiffres du cabinet Forester prévoient d'ici à 2022, une croissance de
26 % par an pour les systèmes de paiement mobiles tels qu'Apple Pay, AndroïdPay et bientôt SamsungPay.
Nombreuses sont les banques déjà convaincues par l'utilité de la blockchain dans le secteur financier, comme le démontre la création du premier réseau international d'information interbancaire (INN), lancé à titre expérimental par la banque d'investissement américaine JP Morgan en 2017, déjà rejointe par plus de 75 adhérents. Si l'initiative doit permettre une accélération des paiements interbancaires à l'échelle internationale et la réduction de ses coûts, il n'en demeure pas moins qu'une extension de la blockchain au secteur privé tend à modifier en profondeur la structure même du secteur bancaire quant à son offre client.
Les banques traditionnelles sont-elles vouées à disparaître ?
Si la blockchain entraîne la désintermédiatisation définitive des transactions financières, le secteur bancaire traditionnel a-t-il encore vocation à perdurer ? Une réponse qui peut sembler évidente néanmoins nuancée par Elie du Pré de Saint Maur, vice-président marketing et stratégie chez EdenRed, groupe français offrant des solutions transactionnelles au service des entreprises, des salariés et des commerçants :
« Un des freins de la blockchain, c'est son capital confiance. »
Au-delà de la concurrence, que de la monnaie virtuelle pour les établissements d'activité financière, Elie du Pré de Saint Maur ajoute :
« Les banques doivent maintenant en faire usage pour accompagner les nouveaux moyens de paiement. »
Gilles Deleuze, chef de projet et coordinateur de la blockchain, partage le même avis. Pour lui, que le passage à la cryptomonnaie dans le secteur privé n'est pas incompatible avec la persistance du secteur bancaire traditionnel :
« Dématérialiser quelque chose, c'est créer une interface entre le monde physique et le monde digital. Dès que l'on digitalise la monnaie ou les échanges, on voit apparaître toutes sortes de Scam », explique-t-il.
Le secteur bancaire réinventé en 2084
L'idée serait donc de concilier le rôle de tiers de confiance, que représentent les banques traditionnelles, avec les nouvelles perspectives promises par la cryptomonnaie. Comment ?
« Leur rôle n'est pas d'imposer mais d'accompagner dans les usages et de prévenir les risques », déclare Alexandre Prot, CEO de la néobanque digitale Qonto créée en avril 2016 et s'adressant uniquement aux entrepreneurs.
« Le tout, c'est qu'elle corresponde à une monnaie stable, reconnue, validée par les autorités ». Le rôle des banques dans son service client évoluerait donc d'ici à 2084, pour tendre vers une politique de sécurisation des données clients et d'assurance de la validité des sommes échangées.
En outre, BNP Paribas collabore déjà avec la start-up Pickciochain, plateforme basée sur les permissions sécurisées qui se spécialise dans la collecte, la certification et l'échange de données personnelles.
« Nous faisons le pari que demain la donnée personnelle fera partie de notre patrimoine numérique. Toutefois, la donnée doit pouvoir être qualifiée pour être valorisée », déclare Gonzague Grandval, général manager Europe de la start-up, lors d'une matinée organisée par l'Acsel et Altéir Consulting, au cours de laquelle plusieurs banques et start-up ont partagé leur retour d'expérience sur l'utilisation de la blockchain, ou plutôt des blockchains.
Le secteur bancaire traditionnel ne prétend donc pas disparaître, mais devra modifier en profondeur son service client afin de se mesurer à la concurrence instaurée par les monnaies virtuelles. Il s'agira donc de se concentrer sur la protection des données personnelles dans le cadre des transactions financières. Les services proposés par les différents établissements du secteur tertiaire seront donc relatifs aux accords concluent avec les différents types de blockchains émergentes en termes de cryptomonnaie, qui afflueront en masse d'ici à 2084.
Au même titre que le bitcoin, l'Afro, cryptomonnaie panafricaine au service du développement sociétal du continent, ou encore le Solarcoin, monnaie numérique alternative basée sur l'énergie photovoltaïque ont récemment fait leur apparition sur le marché des blockchains. Il s'agira alors pour les banques traditionnelles, d'endosser le rôle d'autorité de régulation, pour permettre l'innovation technologique.
« Nous essayons de ne pas avoir une vision totémique des technologies. Ce n'est pas la technologie pour la technologie. La blockchain pour la blockchain. Nous partons des utilisateurs, de leurs besoins pour aller chercher les technologies qui tendent à les satisfaire, quand elles sont disponibles et qu'elles font sens », rappelle Elie du Pré de Saint Maur, vice-président d'Endenraid.
« Le sujet n'est plus vraiment la technologie, car elle est disponible. Ce qui fait la différence entre celles qui ont du succès et celles qui en ont moins c'est la finesse de compréhension des problèmes des utilisateurs », déclare quant à lui Gilles Deleuze à propos de la blockchain.