AccueilEntrepriseChiffre1er janvier 1984 – 1er janvier 2014 : le Plan comptable général a 30 ans

1er janvier 1984 – 1er janvier 2014 : le Plan comptable général a 30 ans

Les textes formant le droit comptable (loi du 30 avril 1983, décret du 29 novembre 1983, plan comptable général de 1982 – 1999 – 2005 plusieurs fois adapté) s'appliquent de manière continue depuis le 1er janvier 1984. La précédente version n'avait été appliquée « que » pendant 25 ans (1957 – 1982). En 2014, nous fêtons donc trente ans d'application d'un ensemble de textes comprenant principes comptables, règles d'évaluation et outil technique. Et comme en 2005, on entend à nouveau sonner les sirènes d'une grande réforme « autour » d'une application tous azimuts des normes comptables internationales IAS-IFRS, sans que les besoins des chefs d'entreprises ne soient réellement pris en considération.Le 1er février 2014, nous entrons dans l'année du cheval de bois dans l'horoscope chinois ; ce signe symbolise dit-on l'inventivité, l'évolution, l'action, la réflexion, les nouveaux horizons, …Alors faut-il vraiment tuer le PCG ?
1er janvier 1984 – 1er janvier 2014 : le Plan comptable général a 30 ans
Eric Delesalle

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La comptabilité a évolué de manière significative au cours des dernières années. Jusqu’à la fin des années 1970, elle était perçue (en France) comme une simple technique, pas spécialement joyeuse et réservée à des ‘initiés’ considérés comme peu compréhensibles.

Le développement des marchés financiers, l’importance de la ‘transparence’ des informations, les conséquences de la mondialisation ont fait évoluer la science comptable, notamment au niveau de sa dimension relative à l’information financière.

En 1983, la réforme a porté sur la reconnaissance d’un droit comptable autonome, et a introduit des évolutions techniques visant à reconnaître la primauté de l’objectif de « donner une image fidèle » par référence à la IVé directive européenne n° 78/660/CEE du 25 juillet 1978 (remplacée depuis lors par la directive n° 2013/34/UE du 26 juin 2013), tout en respectant les traditions juridiques et les connexités entre le droit comptable et les ‘autres’ droits (droit civil, droit des sociétés, droit fiscal, etc.).

En 2002, l’adoption du règlement européen n° 1606/2002 a introduit une ‘révolution’ par l’adoption des normes comptables internationales IAS-IFRS pour l’établissement des comptes consolidés des sociétés faisant appel public à l’épargne, tout en laissant le libre choix du système de normalisation aux Etats pour les ‘autres’ comptes, à savoir notamment les comptes sociaux (dits aussi comptes individuels).

A cette époque, l’organisme français de normalisation comptable, le Conseil national de la comptabilité (CNC), remplacé depuis par l’Autorité des Normes Comptables (ANC), avait annoncé officiellement la mise en œuvre d’une politique à deux faces : d’une part, le maintien d’une normalisation nationale pour les comptes sociaux (à savoir le Plan comptable général, PCG) ; d’autre part, la réalisation de réformes de convergence de ces règles avec les solutions figurant dans les normes comptables internationales. Le CNC avait ainsi su éviter le piège tendu par certaines ‘parties prenantes’ en n’ouvrant pas la possibilité d’une option directe d’application des normes IAS-IFRS dans les comptes sociaux ; mais en réalité, le CNC avait aussi, sans aucune forme de débat, décidé de bâtir une réforme comptable d’envergure, afin d’assimiler les règles comptables internationales dans la normalisation nationale, en précisant qu’au terme d’un délai de « cinq à dix ans », les deux corps de normes devraient être identiques. Cette évolution n’a pas encore abouti à ce jour, mais les pressions sur l’ANC semblent revenir en force depuis quelques mois, afin de reprendre ce cheval qui, à défaut d’être de bois, pourrait être de troie.

Cette notion de convergence, qui signifie ‘aboutir au même point’ (entre normalisation internationale et normalisation nationale), n’a pas fait l’objet d’un réel débat. Elle s’est inscrite, pour certains, comme la « seule » réponse possible, dans une vaste politique de modernisation et de réforme, un dogme étant posé que les règles IAS-IFRS sont « meilleures » en termes d’informations financières.

Rappelons, qu’en effet, lorsque les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites !

S’il n’est pas efficient de s’inscrire dans une opposition de principe aux évolutions, il apparait toujours nécessaire d’apprécier avant toute mise en œuvre de réforme la cause, la relation coût / avantages, le respect des traditions et cultures.

La réforme pour la réforme est stérile. L’affirmation systématique de la transparence est un leurre, et cache la notion même de responsabilité. La réforme pour « améliorer » est la seule voie de la sagesse des modernes, et le gage d’une positive attitude de toutes les parties prenantes.

Concrètement d’importants problèmes pourraient se poser très vite si une application étendue du référentiel IAS-IFRS revient à l’ordre du jour. A titre illustratif, en voici quelques éléments…

Une réforme coûteuse pour les entreprises

Formation du personnel, informatique de gestion, organisation administrative : d’importants investissements seraient à réaliser, alors même que la situation économique actuelle oblige les entreprises à centrer leurs efforts sur leur cœur de métier et non sur des éléments qui, certes parfois critiquables, « fonctionnent » et sont compris.

Une liaison chaotique avec la fiscalité et le droit social

L’application des évaluations IAS-IFRS serait-elle reprise par l’Administration fiscale dans les calculs fiscaux ? Ou faudra-t-il tenir une double comptabilité ? Mais alors comment justifier une taxation déterminée sur un résultat « non » comptable ? Quels seraient les impacts pour les salariés (participation des salariés, compréhension des comptes, analyse de la situation financière, …) ?

Une évaluation en juste valeur sans valeur

La normalisation internationale IAS-IFRS s’inscrit résolument dans un contexte de valorisation des éléments inscrits au bilan en « juste valeur ». Voilà une expression agréable à lire ! Qui peut être contre ? Oui, mais … Cette juste valeur est celle donnée par le marché financier, dans un cadre conceptuel où le marché serait efficient (tous les opérateurs étant présumés être égaux et possédant le même niveau d’information !).

Il va donc être introduit dans les bilans une évaluation de ‘finance’, qui peut apparaître comme plus « utile » que les coûts historiques. Mais la difficulté tient essentiellement à la volatilité et à la subjectivité à chaque instant de la valeur financière. Ainsi, à la question « qui est né le premier : l’œuf ou la poule ? », il est toujours difficile de répondre ; à la question « qui a introduit la valeur de finance dans la comptabilité ? », il sera possible de répondre : « les normes comptables internationales reprises par convergence dans les règles comptables nationales » ; à la question « qui va expliquer la volatilité des évaluations ? », il sera par contre impossible de savoir si c’est l’information financière qui justifie les variations, ou si c’est une explication intrinsèque aux marchés financiers. Il y a donc, à ce titre, un très grand danger d’incohérences, de non maîtrise de la « machine » et d’informations ni transparentes, ni responsables !

Une financiarisation des bilans sans vue à long terme

Il n’a pas été clairement mesuré l’impact des solutions IAS-IFRS sur la financiarisation des bilans. Mais Jacques Chirac l’écrivait dès le 4 juillet 2003 à Romano Prodi, « certaines normes comptables en cours d’adoption dans l’Union Européenne risquent de conduire à une financiarisation accrue de notre économie et à des méthodes de direction des entreprises privilégiant trop le court terme ».

Certains esprits considèrent que les évolutions visant à étendre l’application des normes IAS-IFRS permettront de vérifier l’application du concept de « résilience », c’est-à-dire la capacité d’une personne traumatisée (ici, les parties prenantes à l’information comptable) à reprendre son développement et à retrouver sa cohérence. Ce n’est pas évident, alors même que les enjeux actuels obligent à dépasser l’étonnement, pour être dans l’action de réforme de ce qu’il faut réformer, mais de maintien de ce qui fonctionne bien. Il ne faut jamais oublier que les « bons comptes font les bons amis ». La mise en oeuvre d’une réforme n’est crédible que si elle est comprise et appliquée. Avec détermination, calme et sérénité, il est encore temps d’être « libre » ; ne laissons pas passer ce moment ; car après, « il n’est plus temps de secouer le joug que l’on s’est imposé » (Sénèque).

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