Accueil« Une association d'élus comme l'AMIF doit faire entendre une voix, celle des maires »

« Une association d'élus comme l'AMIF doit faire entendre une voix, celle des maires »

Jean-Philippe Dugoin-Clément, vice-président de la Région Ile-de-France, maire de Mennecy, est candidat à la présidence de l'Association des Maires de France d'Île de France. Il revient sur cet « outil potentiellement exceptionnel pour les communes » et les raisons pour lesquelles l'Amif, dont le nombre d'adhérents est en régression sur les territoires, doit évoluer pour retrouver son efficacité pleine et entière.
« Une association d'élus comme l'AMIF doit faire entendre une voix, celle des maires »
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Affiches Parisiennes : Qu'est-ce que l'Amif aujourd'hui ?

Jean-Philippe Dugoin-Clément : C'est une association d'élus franciliens, un outil potentiellement exceptionnel pour les communes, mais qui, depuis quelques années, a du mal à trouver véritablement sa place. Les communes en Ile-de-France sont près de 1 270. L'Association a connu ses heures de gloire mais a, petit à petit, connu des difficultés à mailler le territoire, à aller dans les territoires et vers les communes. On constate aujourd'hui que le président sortant, qui avait succédé à Michel Teulet sur une volonté affirmée de redynamisation de l'Association, de travail avec les associations départementales des maires, n'a pas réussi à inverser cette tendance.

De fait, lorsque Stéphane Beaudet a été élu en octobre 2014, il revendiquait un peu plus de 1 100 communes adhérentes alors que les fichiers qui nous ont été communiqués par l'Amif il y a quelques semaines font état d'environ 890 communes à jour au 31 décembre 2019 (c'est-à-dire avant la période du Covid), soit quasiment 20 % d'adhérents en moins. J'ai tendance à croire qu'une entreprise, quelle qu'elle soit, qui perd 20 % de parts de marché en l'espace de cinq ans doit se poser la question de sa réorientation stratégique. On doit revenir à ce qui sont, pour moi, les fondamentaux d'une association d'élus : être un outil utile, visible, au service des communes, des intercommunalités et des syndicats.

On doit aller vers les territoires et ne pas attendre que les territoires viennent vers nous. On fonctionne actuellement comme un club et non plus comme une association de soutien et de défense des collectivités. Je veux donc que l'on recrée le lien avec les territoires, que nous soyons un outil de maillage, une sorte de baromètre de ce qu'il se passe dans les territoires pour pouvoir le remonter en permanence, pour pouvoir les défendre auprès de l'Etat.

On doit aussi amener du soutien et de l'aide dans des territoires de plus en plus paupérisés, qui ont de plus en plus de difficultés budgétaires, qui font face à des contraintes juridiques et à des normes beaucoup plus poussées et pointues que ce qui était le cas il y a quelques années.

Ce sont des sujets sur lesquels on doit être capable de fournir des conseils, de l'assistance, des fiches projets clés en main et d'accompagner les maires dans leur portage de dossiers.


A.-P. : Pourquoi pensez-vous que 20 % des adhérents de l'association sont partis ? Parce qu'ils n'y trouvaient pas ce qu'ils recherchaient ? Par soucis d'économie ?

J.-P. D-C : Les deux. Il y a un double phénomène : le resserrement des moyens financiers des communes depuis dix ans et la multiplication des associations d'élus qui, assez souvent, ne travaillent pas en commun. L'Amif doit essayer de fédérer pour parler de manière groupée sur les grands sujets avec les autres associations d'élus intra-région francilienne. Les maires estiment de plus en plus ne pas en avoir pour leur argent et donc ne renouvellent pas leur cotisation.

A.-P. : Vous souhaitez donc faire évoluer cette association qui est, aujourd'hui, dans une phase de stagnation ?

J.-P. D-C : Dans une phase non pas de stagnation, mais de recul très net dans les territoires. Le mode de fonctionnement actuel de l'association fait que l'on n'y va plus, qu'on ne leur parle plus. On fait du parisianisme, au sens péjoratif du terme, je le dis et je l'assume. Parfois un peu d'entre soi. Mais on ne va plus dans les territoires et on est, d'une certaine manière, en décalage avec la réalité de la très grande majorité des maires franciliens.

A.-P. : Aujourd'hui, de quoi ont besoin les maires, notamment ceux de petites communes ? Sont-ils suffisamment aidés par les instances départementales, régionales ?

J.-P. D-C : Structurellement, les maires sont depuis quinze ans de moins en moins aidés par l'Etat. Le rétrécissement et le resserrement des moyens de l'Etat sur ces fondamentaux fait que les services déconcentrés de l'Etat dans les départements ont réduit le rôle d'accompagnement qu'ils jouaient, ce qui pénalise beaucoup les petites communes.

Aujourd'hui, ce dont ont besoin les maires c'est, d'une part, avoir un soutien et une aide à l'ingénierie parce que beaucoup de maires ne savent pas comment s'attaquer aux sujets qui ne sont pas maîtrisés par leurs services techniques et/ou juridiques (lorsqu'ils en ont), notamment sur les problématiques liées à la transition écologique et, d'autre part, d'être défendus. Une association d'élus comme l'AMIF doit prendre la parole pour dire que certaines évolutions ne sont plus possibles, pour faire entendre une voix, celle des maires. Au-delà, il y a la défense individuelle des collectivités, chose sur laquelle notre association, culturellement et historiquement, n'est jamais venue alors que ce serait utile.

On pourrait par exemple parler de l'extension du T4, avec plus de 70 communes qui ont été amenées à prendre des motions défa.vorables au vu des inquiétudes que ça leur cause, mais aussi de EuropaCity, où toute la moitié Est du Val d'Oise est dans l'attente de savoir ce qui va se faire et comment compenser un aménagement économique sur un secteur extrêmement paupérisé et fragilisé.

Le rôle d'une association comme l'AMIF, sur tous ces sujets-là, est d'être sur le terrain auprès des collectivités pour essayer de les accompagner, de les défendre auprès de l'Etat, auprès d'une entreprise ou d'un promoteur privé, de venir leur apporter des potentialités ou des pistes de solutions de sortie, sans jamais décider à leur place. Je pense que sur tous ces sujets-là, des sujets de proximité, de terrain, d'écoute, d'accompagnement au quotidien des élus, on a une marge de progrès assez forte, et c'est ce à quoi j'ai envie de m'atteler.


A.-P. : L'AMIF peut-elle être un relais auprès du département, de la région, pour aider les maires ?

J.-P. D-C : On peut et on doit l'être parce que l'Ile-de-France est une région en développement permanent, avec 60 000 habitants de plus par an. On doit avoir un rôle d'évaluation de ce qui est fait sur le terrain et de relais des attentes des communes vis-à-vis des échelons supérieurs. En sens inverse, et notamment sur les questions de transition écologique, nous devons aider les communes dans l'application des nouvelles normes. On doit travailler beaucoup plus qu'on ne le fait aujourd'hui avec les EPCI, mais aussi avec les syndicats, les syndicats d'énergie, d'eau, d'assainissement notamment, pour essayer d'inciter les communes à aller vers cette transition écologique en s'appuyant sur ces outils, qui ne peuvent agir sans le soutien, l'accord et le volontarisme des communes. Si nous ne le faisons pas, je ne sais pas qui le fera aujourd'hui.

A.-P. : Que pensez-vous du plan de relance du Gouvernement ? Il est critiqué au sein de l'association au niveau national ? Quelle est votre position ?

J.-P. D-C : Il y a un effort financier affiché qui est extrêmement marqué : 100 milliards d'euros répartis sur trois grands pôles financiers. Globalement, je trouve que dans un contexte financier contraint un réel effort a été fait, dont la réalité se mesurera a posteriori. Je jugerai sur pièces plutôt que sur des annonces. Par contre, je mets en garde. Si le plan de relance est fait par l'Etat en s'appuyant uniquement sur ses structures déconcentrées pour gérer les choses, cela ne fonctionnera pas parce que les sommes, y compris si elles sont débloquées par le Gouvernement, ne seront pas consommées en bout de course. Or, la seule garantie d'y parvenir et de rendre réel et efficient ce plan de relance est de s'appuyer sur les collectivités : régions, départements, intercommunalités et communes.

A.-P. : Quels sont les départements parmi ceux qui composent la Région qui ont le plus besoin de l'aide de cette association ?

J.-P. D-C : Tous, mais avec des de.mandes ou des besoins différents. Ce qui est fascinant avec l'Ile-de-France c'est que c'est un pays. Les gens oublient que c'est 12 300 000 habitants, des réalités profondément différentes entre la capitale et les grands ensembles urbains défavorisés pour ne prendre que ces deux exemples. On est une région qui est aussi très rurale. 75 % du territoire francilien est non bâti avec 25-26 % d'espaces forestiers et 50 % d'espaces agricoles. Et la réalité du Sud de la Seine-et-Marne n'a strictement rien à voir avec celle de la Seine-Saint-Denis, tout comme l'Essonne n'a strictement rien à voir avec les Hauts-de-Seine. L'une des faiblesses que l'on connaît structurellement sur toutes les politiques qui touchent à notre région depuis des années, c'est de penser qu'on peut faire quelque chose de linéaire et de général, alors qu'on est confronté à des réalités profondément différentes et que les besoins de territoires ruraux de grande couronne, avec des problématiques d'éloignement, d'accès aux transports, aux services et à l'emploi, ne sont pas les difficultés que l'on peut avoir sur la requalification urbaine de secteurs défavorisés. De même, concernant l'AMIF, les attentes et les besoins des communes seront toujours très différents en fonction des territoires.

A.-P. : Quels sont aujourd'hui les moyens de l'AMIF, d'un point de vue budgétaire ?

J.-P. D-C : C'est un budget relativement conséquent, avec une douzaine de salariés permanents. C'est deux millions d'euros de trésorerie en caisse et les recettes issues des cotisations de l'année dernière représentent quelque 800 000 euros. J'aimerais d'ailleurs qu'on ramène une partie de nos moyens sur “Il y a autant de besoins que de territoires. Voilà pourquoi le plan de relance ne peut être efficace que s'il s'appuie sur des élus locaux, une logique d'ingénierie. L'AMIF c'est aussi des moyens en termes de connaissances, réunies dans une association parallèle qui s'appelle l'Amif Partenaires, une association d'entreprises qui peuvent fournir de l'ingénierie et ont intérêt à la fournir, tout comme à faire du benchmark, à fournir de la data, à donner aux communes ou aux territoires les clés pour leur permettre ensuite de les décliner de la manière qu'ils le souhaitent. On a une réelle possibilité d'amener des compétences et de la data, notamment concernant les questions d'aménagement, au travers de l'Amif Partenaires.

A.-P. : Est-ce aussi l'endroit qui permet de réunir des élus et des maires de tous bords politiques afin de favoriser les discussions ?

J.-P. D-C : Le conseil d'administration est toujours élu sur une liste unique, qui propose cinq titulaires et cinq suppléants par département, censés représenter les résultats issus des dernières municipales. On retrouve donc toutes les sensibilités politiques au sein du conseil d'administration et au sein du bureau.

C'est important d'avoir des lieux où on peut échanger, parler des difficultés auxquelles on est confronté et qui, généralement, sont exactement les mêmes. L'AMIF peut aussi être un lieu d'échanges et, de ce point de vue-là, le bureau et le conseil d'administration ne vivent pas véritablement, ne travaillent pas suffisamment sur les questions de positionnement politique que peut prendre l'AMIF par rapport à tel ou tel sujet francilien. Je trouve qu'on est une association qui a oublié l'essentiel pour se concentrer sur l'accessoire.

Il faut garder l'accessoire, mais revenir à l'essentiel. Pour l'élection, les maires ont une seule question à se poser : est-ce que, sur les cinq dernières années, l'association leur a apporté autant qu'ils pensent qu'elle aurait dû le faire ?

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